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La recherche scientifique comme moteur du développement socioéconomique au Québec Un aperçu.

PROBLÉMATIQUE ET OBJET DE LA RECHERCHE

1.2 La recherche scientifique comme moteur du développement socioéconomique au Québec Un aperçu.

C’est à la fin des années 60 que le gouvernement québécois a véritablement amorcé le développement de sa recherche scientifique. Issue de la volonté du gouvernement Lesage, la mise en place de la Commission Parent déposa un rapport en 1964 dans lequel il était prôné de conduire une modernisation de l’enseignement supérieur québécois. Cette modernisation encourageait le développement d’une mission diversifiée pour l’université québécoise. Tout comme les autres universités membres de l’OCDE, les universités du Québec ont été influencées par l’émergence des discours de politiques scientifiques de l’époque. En 1962, l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences

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(ACFAS) a présenté un mémoire devant la Commission Parent réclamant l’élaboration d’une « politique scientifique » ayant entre autres objectifs de créer un Conseil provincial des recherches (Gingras, 1994). À la même époque, on instaure également un conseil autonome, le Conseil des universités, qui est créé au sein du Conseil supérieur de l’éducation (CSE). D’autres mesures, comme la création de la Direction générale de l’éducation permanente (1966), la mise en place du programme de soutien financier (programme de prêts et bourses) et le gel des frais de scolarité, également initiés à cette période, témoignent de l’effervescence et du besoin de structurer le réseau universitaire et scientifique québécois. Il est à noter que le réseau de l’Université du Québec, créé en 1968, s’est développé au même moment que les programmes de subventions complémentaires aux programmes fédéraux, permettant ainsi aux jeunes chercheurs des 2e et 3e cycles, ainsi qu’aux professeurs, de bénéficier de bourses provinciales pour développer la recherche (Gingras et Roy, 2012). Enfin, mentionnons qu’en 1969 le gouvernement a mis en place le Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ), afin d’aider les PME en manque de moyens financiers et d’accès à des laboratoires de recherche (Beaulieu et Bertrand, 1999), démontrant ainsi la volonté de soutenir l’entreprise québécoise.

La période des années 70 est marquée par les réflexions et des bilans des activités amorcées au cours de la décennie antérieure. Les nombreux rapports qui ont été écrits au cours de cette décennie remettent parfois en question la prolifération accélérée des actions des années antérieures. Ces années marquent également la volonté de rationaliser les ressources et de rendre l’université accessible à un nombre d’individus encore plus important (Beaulieu et Bertrand, 1999). On y précise les orientations des missions universitaires, sans toutefois définir une politique formelle pour leur développement. En 1977, le CSE conseille au gouvernement de « prendre l’initiative d’une révision des fonctions de l’enseignement supérieur et, peut-être, une redéfinition de la charte même des rapports sociaux de l’université et de ses diverses composantes. Le principe de cette révision, selon le Conseil, devait être celui de l’accès plus démocratique à l’université, commandant la revue critique de ses diverses fonctions de recherche, d’enseignement et de service à la collectivité » (CSE, 1978 : p. 155).

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Dans cette optique, au cours des années 80, le gouvernement s’est affairé à recueillir les commentaires des universités québécoises tout en déterminant démocratiquement (par la voie des entreprises, des gouvernements et des citoyens) les types de recherches à prioriser dans les secteurs de la science et de la technologie (Bernatchez, 2008). Des rencontres consultatives se sont tenues auprès des différents types d’acteurs et ont constitué un livre blanc, intitulé « Un projet collectif », dans lequel on souhaitait orienter les actions de cette décennie (Beaulieu et Bertrand, 1999). De nouvelles préoccupations ont alors été évoquées, notamment la volonté de répondre encore plus fortement à un rôle de service à la collectivité et au soutien du développement économique. Le gouvernement de l’époque a souhaité que la science se démocratise et se décloisonne des mains uniques des chercheurs universitaires. Dès lors, il a cherché à encourager la communauté scientifique à tenir compte des priorités de sa stratégie de développement économique. Au sein de ces mouvements conduisant à une démocratisation de la recherche, le gouvernement a voulu offrir son appui à des projets collectifs, soumis par la communauté et préalablement discutés par les différentes instances consultatives du milieu scientifique. Les projets, ayant été privilégiés et soutenus financièrement, ont voulu répondre aux priorités socio- économiques du Québec énoncées au sein des stratégies. Dans ce cadre, des priorités sectorielles ont à la fois été promues et encouragées pour la recherche scientifique. Dans la même veine, en 1984, le gouvernement crée le programme d’actions AGIR (Actions gouvernementales pour l’intensification de la relance de l’économie) visant à doubler le personnel scientifique, dans les entreprises, et à créer six centres de transfert technologique entre l’université et l’industrie. Parmi ces centres, citons le Centre québécois de la valorisation de la biomasse (CQVB), le Centre de recherche informatique de Montréal (CRIM), le Centre de recherche en informatisation des organisations (CEFRIO).

Ces nouveaux centres ont eu pour fonction de renforcer les interactions entre les universités et les entreprises, tant pour le financement que pour le développement en recherche et développement (RetD). Ils ont souhaité faire la jonction entre les universités, les entreprises et le gouvernement. De la même façon, le gouvernement a créé un plan de relance pour les universités, au sein duquel un programme d’actions structurantes fut proposé pour encourager la création d’équipes de recherche et promouvoir la relève scientifique dans sept grands domaines d’interventions : la biotechnologie, l’informatique,

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les nouvelles technologies électroniques, l’énergie, le transport, l’agroalimentaire et la maîtrise sociale des changements technologiques. Dans le cadre de ce programme, les appels de propositions ont encouragé la coordination entre les acteurs, la complémentarité et l’interdisciplinarité comme force de travail (Beaulieu et Bertrand, 2003).

Dans les années 90, l’efficacité et le sens pratique ont été promus par la mise en place de programmes de ressources financières ciblées et plus importantes. Dans le contexte de la globalisation, caractérisée par l’économie des connaissances, le gouvernement a décidé de prioriser les secteurs de la valorisation commerciale de la recherche universitaire et l’innovation sociale (Bernatchez, 2008, Klein, 2014). Cette période marque également la création des sociétés de valorisation commerciale, telle Gestion Valeo, UNIVALOR et de tous les autres bureaux de liaisons U-E, ayant pris place dans le paysage universitaire du Québec et dans les activités déployées au sein de programmes de maturation technologique. Ces actions furent fortement encouragées par les organismes subventionnaires5. C’est pourquoi d’importantes ressources matérielles et monétaires ont été investies dans le système universitaire au cours de cette période pour répondre à ces besoins (Bernatchez, 2008).

À la fin des années 90, les auteurs remarquent que l’appel à la transformation universitaire s’est traduit par divers facteurs ayant influencé la structure organisationnelle (Brassard, 2003 ; Bertrand et Gabudisa, 1995 ; Crespo, 2003 ; Donnay et Romainville, 1996 ; Tardif et Lessard, 1998). Au nombre de ceux-ci, Crespo (2003) a mis en évidence l’importance du nouveau contexte économique mondial dans les changements retrouvés au sein du système universitaire. Le modèle universitaire se serait transformé par la valorisation de l’innovation dans la nouvelle économie. L’environnement social et économique aurait ainsi préconisé des investissements immatériels, issus du secteur des connaissances pour accroître son économie (Crespo, 2003, Lapointe, 2003, Fisher, 1994).

Dans ces conditions, les actions gouvernementales auraient engendré une mouvance au sein des universités et dans leur milieu immédiat. Les orientations stratégiques des

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Les gouvernements fédéral et provincial sont les bailleurs de fonds principaux de la recherche universitaire. Ils financent près de 70 % des dépenses de la recherche subventionnée et commanditée. « La majeure partie de ces investissements sont des subventions accordées par les organismes subventionnaires (FCAR, FRSQ, CQRS, CRSNG, CRM et CRSH) après une évaluation par les pairs où l’excellence scientifique et la contribution à l’avancement de la discipline sont encore les critères déterminants » (Bertrand et Beaulieu, Chap. 3, 1999).

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politiques en matière d’innovation6 auraient attribué un rôle central aux universités dans le développement économique et social. Au Québec, la création d’organismes de soutien, encourageant l’innovation technologique et sociale, illustre bien qu’à cette époque les universités souhaitaient renforcer les partenariats avec leur milieu7.