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DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

4.1 L’enquête qualitative comme choix méthodologique 1 La démarche qualitative

Comme nous avons déjà indiqué, nous avons privilégié l’approche qualitative afin de répondre aux objectifs de notre recherche exploratoire. Cette approche méthodologique s’est caractérisée, avant tout, par la volonté de définir finement les connectivités vécues entre les acteurs du secteur des SVTS du Grand Montréal, afin d’en dégager des constats qui contribueront à la compréhension du champ théorique de la modélisation des systèmes d’innovation. Nous nous sommes intéressés aux significations que donnent les acteurs à leurs expériences et, plus particulièrement, à leurs perceptions liées à leurs collaborations et à leurs interactions entre eux. Les données, sur lesquelles nous avons fondé nos analyses et nos interprétations, regroupent des données non numériques provenant d’entretiens individuels réalisés dans le cadre de notre enquête de terrain.

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Les données qualitatives, que nous avons produites, ont donc eu pour objectif principal de comprendre la façon dont fonctionnent les collaborations spatio-temporelles des acteurs U-E-E dans le secteur des SVTS du Grand Montréal. En effet, nous avons voulu décrire plus finement les connectivités vécues entre les acteurs, en saisir les configurations, les rapports internes, de même que leurs dynamiques de transformation des rôles. Les mots exprimés lors des entretiens individuels ont révélé des thèmes et des sous- thèmes, dont les variations des traits chez l’un ou l’autre des acteurs ont permis de dresser des différentiations au sein des connectivités. Les récurrences des thèmes et des sous- thèmes retrouvés dans les discours des individus ont défini la structure de la codification du contenu des entretiens.

Comme nous pourrons le constater ultérieurement, cette méthodologie qualitative nous a permis d’élaborer progressivement un modèle de collaboration de conduite vers l’innovation, en prenant appui sur ces constats, pour enfin formuler des propositions d’interprétation des phénomènes observés comme réponses partielles à des propositions conceptuelles théoriques (Gumuchian et Marois, 2000 ; Van der Maren, 1995).

4.1.2 Les risques de la démarche qualitative

La recherche qualitative sous-tend une subjectivité qui peut intervenir dans la compréhension et l’interprétation des conduites humaines et sociales. En effet, comme le souligne Anadon (2006 : p. 15), « […] ces significations et ces interprétations sont élaborées par et dans les interactions sociales où les aspects politiques et sociaux affectent les points de vue des acteurs ». À travers les filtres perceptifs du chercheur et son intentionnalité, se révèle sa subjectivité. En effet, le sujet de recherche est d’abord, et avant tout, sujet du chercheur. Ce dernier attribue une importance aux intervenants rencontrés lors des entretiens. La recherche qualitative peut donc être aux prises d’un certain narcissisme, car c’est le chercheur lui-même qui peut se découvrir en analysant son sujet.

La catégorisation des données peut conduire également à certaines formes de déformation des informations. Par exemple, il peut s’agir d’un remplacement d’une catégorie par une autre semblable, mais non identique, ou encore une interprétation dominante par rapport aux sous-catégorisations de plus faible importance, ou alors une

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reconstitution des événements passés afin d’en saisir une organisation cohérente et de réanimer notre souvenir.

Cette reconstitution des événements fait effectivement appel à un souvenir. Or, le souvenir d’une information n’est pas en soi une simple restitution, il constitue en fait une reconstruction, qui porte en elle des transformations. Ainsi, on ne pourra jamais retrouver tel quel un événement du passé. De la même façon, les particularités parlantes, résultant de l’enquête de terrain, peuvent conduire à une hyper-valorisation de certaines catégories, ou alors à une idéalisation du secteur à l’étude. Ainsi, lors de nos analyses, nous avons dû être conscients de ce phénomène d’occultation du cadre de référence, dit normal, au profit de la particularité spécifique d’un secteur afin de rendre compte au mieux possible la réalité vécue.

Les dangers de dérives sont donc présents. Pourtant, la recherche qualitative constitue un terrain fertile en données, facilitant la compréhension des phénomènes observés, et nous a assuré des avantages indéniables, par exemple, celui de coller de très près au quotidien vécu par des participants aux entretiens et celui de pouvoir faire émerger des perceptions ou des interrogations des types d’acteurs étudiés (Gumuchian et Marois, 2000 ; Van der Maren, 1995). Or, ceci correspond bien à nos objectifs de recherche, c’est donc pourquoi nous avons privilégié la recherche qualitative plutôt que quantitative.

4.1.3 L’enquête qualitative

Pour atteindre nos objectifs, la stratégie d’enquête qualitative que nous avons retenue est celle de l’entrevue en profondeur avec les trois types d’acteurs U-E-E de la grappe du secteur des SVTS du Grand Montréal. Notre enquête a voulu interroger un nombre d’individus, afin de construire une généralisation des comportements liés aux connectivités vécues entre les acteurs U-E-E, pour ultimement dresser un pont conceptuel entre le modèle de la triple hélice et le modèle du système d’innovation régional, puis apporter une contribution théorique à la compréhension des systèmes d’innovation. À partir d’une enquête qualitative, nous avons donc voulu construire un discours collectif propre à un groupe donné et élaboré à partir d’un certain nombre de discours individuels. Pour y arriver, nous avons dû rechercher des informations se rapportant aux différents groupes sociaux préalablement définis (U-E-E du secteur des SVTS). Ces informations se sont

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ensuite présentées sous forme de résultats qui ont été traités, analysés et interprétés au chapitre 5 de la thèse (Gumuchian et Marois, 2000).

Ainsi, nous avons fait le choix d’utiliser des données de sources primaires, c’est-à- dire des données ayant été recueillies par la chercheuse elle-même de façon méthodologique, car il s’agit bien là de la seule source de données possible lorsque l’on admet la nécessité de recueillir des informations sur le comportement des individus ou sur des groupes d’acteurs. En effet, le principal avantage de la collecte de données par enquête qualitative est celui d’obtenir des données originales sur des groupes ou des catégories sociales d’individus (Gumuchian et Marois, 2000).

Nous avons également fait le choix de formaliser notre enquête, à l’aide d’entretiens individuels structurés, grâce à un questionnaire. D’abord, l’entretien individuel nous a permis de communiquer directement avec les participants à l’étude, ce qui nous a facilité la cueillette des données. Ensuite, notre questionnaire a constitué un instrument normalisé, structuré et flexible, qui nous a permis de nous adapter aux spécificités des objectifs de notre recherche. En effet, nous avons effectué des entretiens, centrés et individualisés, pour chaque groupe d’acteurs U-E-E à partir d’un protocole et d’un schéma d’entretien précis. Avant de nous attarder à notre instrument proprement dit, et en prenant appui sur les différentes étapes de conduite d’une recherche par enquête (Figure 6, p. 104), nous avons dressé un portrait sommaire des participants ciblés et nous avons planifié la méthode de sélection les concernant.

104 Figure 6

Étapes d’une recherche par enquête

(Gumuchian et Marois, 2000)