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La rationalité des promoteurs et ses conséquences sur leur comportement

2.3 Le promoteur immobilier dans un système d’acteurs

2.3.2 La rationalité des promoteurs et ses conséquences sur leur comportement

Malgré la diversité des types de promoteurs, créée par cette segmentation, Moha- med (2006) avance quelques généralisations qui nous aident à comprendre la rationalité de ces acteurs. La prise de décision est guidée par des règles simples, informelles et difficile- ment modifiables. Ces règles sont considérées comme nécessaires afin d’éviter les risques associés aux investissements immobiliers. L’atteinte d’un profit minimum, et non pas la maximisation du profit, est la règle ultime d’un promoteur immobilier. Ce genre de règle, en fonction d’un résultat satisfaisant mais pas forcément optimal, est appelée un comporte- ment de satisficing. La satisficing est la conséquence de la « rationalité limitée » des pro- moteurs, c’est-à-dire une rationalité guidé par des contraintes de ressources (temps, infor- mation, etc.) qui sont nécessaires pour prendre une décision optimale.

Une utilisation inefficiente de l’espace urbain est un résultat de cette rationalité li- mitée. La rationalité limitée est vraisemblablement responsable de plusieurs autres habi- tudes des promoteurs. Il est fréquemment observé que les promoteurs copient les projets d’autres promoteurs, modifient peu souvent leurs règles d’investissement, et répètent les mêmes types de projets. Aussi, un entrepreneur avec une rationalité limitée considère comme plus acceptables les gains ratés que les pertes perçues. Une fois le but satisfaisant mais non optimal atteint, les gains supplémentaires deviennent moins importants. Par exemple, certains éléments additionnels, tels que les trottoirs ou l’aménagement paysager, peuvent s’ajouter aux profits réalisés d’un projet. Ces profits potentiels ne sont pas pour- suivis parce que le promoteur doit seulement satisfaire sa règle de minimum de profit (Mo- hamed 2006). Les conséquences de ces habitudes sur l’offre de nouveaux types de produits, tels que les TOD, sont évidentes.

Pourtant, la rationalité des promoteurs n’est pas définie exclusivement en fonction des profits. Comme toute entreprise, une compagnie de promotion immobilière peut avoir

une personnalité unique qui influe sur ses décisions. Les objectifs personnels du président- directeur général ou d’autres hauts gestionnaires sont souvent incorporés dans la mission de l’entreprise. Ces individus peuvent, par exemple, valoriser l’amélioration de l’environnement, la fourniture de logement abordable, la conception d’un design urbain soigné ou le sentiment d’accomplissement (Chamberlain 1972). Bien que le profit demeure toujours important, ces valeurs jouent un rôle dans la prise de décision des promoteurs. Ce- ci est particulièrement vrai pour les petites entreprises privées parce que les directeurs ten- dent à avoir plus d’influence en comparaison avec les grandes sociétés de promotion im- mobilière (Chamberlain 1972). La philosophie et les valeurs d’une entreprise sont parfois un facteur favorable au développement de TOD et d’autres produits alternatifs.

2.3.2.1 La localisation des projets

Un processus qui démontre bien la prise de décision d’un promoteur est la localisa- tion de ses projets. Il s’agit d’une étape prépondérante dans la conception du projet parce qu’elle influence les coûts de production, le type de projet admissible, le temps d’approbation, et les profits réalisables. Chamberlain (1972) nomme plusieurs attributs ayant une influence sur la localisation d’un projet : l’environnement, l’accessibilité, l’infrastructure, la réglementation, les plans d’urbanisme, l’opposition locale, les coûts des terrains, la structure de la demande locale et la concurrence locale avec d’autres promo- teurs. Goldberg (1976) considère le zonage, le prix des terrains, la disponibilité des terrains et l’accès aux infrastructures d’assainissement comme les facteurs les plus déterminants de la localisation d’un projet. Kaiser et Weiss (1970) ont conclu que les facteurs qui ajoutent aux coûts de production sont moins importants que les facteurs qui aident au marketing du projet.

Le choix de localisation est aussi influencé par certaines caractéristiques de l’entreprise, dont la taille de la firme et son processus de production. Généralement, les grandes entreprises cherchent des sites à proximité des services publics, des emplois et du centre d’affaires tandis que les petites firmes localisent leurs projets dans les zones stricte- ment résidentielles de la banlieue (Kaiser et Weiss 1970). Une multitude de facteurs rentre dans la décision de la localisation d’un projet immobilier, dont la proximité des infrastruc- tures de TC n’est qu’un exemple. Ainsi, pour faire un projet de TOD le promoteur doit trouver l’équilibre entre ces nombreux facteurs de localisation et la proximité de TC.

2.3.2.2 Le comportement stratégique de promoteurs

Un autre attribut important du comportement des promoteurs est leur tendance à adapter leur projet aux réactions anticipées des investisseurs et municipalités. Ce compor- tement stratégique aide le promoteur à faire approuver son projet dans un délai acceptable. Selon Chamberlain (1972), l’approbation officielle est si essentielle qu’elle pourrait être vue comme un « cinquième facteur de production ». Une longue attente pour l’approbation officielle de la municipalité ou une hésitation de la part de l’investisseur peut avoir des con- séquences graves sur le financement d’un projet. Le promoteur va ainsi adopter une ou plu- sieurs stratégies qui augmentent l’acceptabilité de son projet.

La première stratégie employée est d’éviter tout projet non conforme aux plans offi- ciels. Aussi, le promoteur n’achètera pas des terrains où il ne croit pas pouvoir commencer rapidement la construction. De plus, les difficultés associées à l’assemblage des terrains amènent certains promoteurs à éviter tout projet nécessitant l’acquisition de plusieurs pro- priétés (Chamberlain 1972). Goldberg et Ulinder (1976) avancent que le temps d’approbation et les risques associés à un site nécessitant une modification du zonage sont plus importants pour le promoteur que le niveau de revenu qu’il peut réaliser. Avant de proposer le projet, ou même avant d’acheter les terrains nécessaires, le promoteur cherchera à connaître l’opinion de la municipalité et commencera un processus de négociation préli- minaire. Lorsqu’il est ralenti par le processus d’approbation, le promoteur peut essayer de contacter le département responsable du délai. Il peut aussi utiliser ses connexions poli- tiques pour influencer la décision de la municipalité (Chamberlain 1972). Ce comportement stratégique des promoteurs immobiliers démontre que les municipalités doivent créer un zonage et un environnement municipal favorables au développement du type de projet im- mobilier souhaité avant que le projet soit proposé. Dans le cas du TOD, la municipalité doit prendre des mesures proactives afin d’attirer la proposition de ce genre de projet.

La structure de l’industrie immobilière et la rationalité des promoteurs ont des con- séquences importantes sur les types de projets proposés. Notre compréhension du compor- tement des promoteurs en général nous permet de situer les actions des promoteurs mon- tréalais dans le contexte global de l’industrie. Malheureusement, aucune étude récente ne peut nous éclaircir sur la structure de cette industrie au Québec ou au Canada. Néanmoins, une variété de facteurs contextuels spécifiques au cas de Montréal peut nous aider à com- prendre le comportement de promoteurs et constructeurs dans cette région. La prochaine

section discute ces facteurs contextuels qui peuvent avoir une incidence sur la demande et les barrières à l’offre de TOD dans la région de Montréal.

Deuxième partie

Étude empirique de l’offre et de la demande de TOD, se-

lon la perspective des promoteurs immobiliers

3.0 Le contexte du développement de la région métropoli-