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: Les rapports entre l’Accord sur l’agriculture, le GATT et l’Accord SMC

Chapitre 3

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De la mise en œuvre de l’Accord sur l’agriculture

L’Accord sur l’agriculture, comme nous l’avons dit précédemment, est l’un des grands succès du Cycle d’Uruguay. Au regard du contexte économique de l’époque, en particulier en matière agricole, cet Accord était très attendu, d’une part, parce que l’on espérait que son adoption rendrait plus transparent le commerce des produits agricoles, et d’autre part, parce qu’on espérait également qu’il mettrait fin à l’opposition qui existait entre les États-Unis et l’Europe.

Dans la pratique, l’adoption de l’Accord sur l’agriculture a modifié notoirement le système juridique de l’OMC en matière agricole. Aussi, est-il important d’analyser le rapport de cet Accord avec les autres Accords de l’OMC (Section 1). Il faut bien croire que ces Accords s’agencent plutôt bien, et admettre qu’il n’est pas inintéressant de faire un bilan de la mise en œuvre de l’AsA après 15 années d’application (Section 2).

Section 1 : Les rapports entre l’Accord sur l’agriculture, le GATT et l’Accord SMC

L’Accord sur l’agriculture est une lex specialis régissant le commerce des produits agricoles.

La qualification de l’Accord sur l’agriculture de lex specialis signifie que d’autres règles peuvent avoir vocation à s’appliquer au commerce des produits agricoles. De ce fait, un conflit peut surgir dans les rapports entre l’Accord sur l’agriculture et les autres accords annexés au Traité de l’OMC, notamment le GATT de 1994 et l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (§1).

Bien des pratiques autorisées par l’AsA sont en réalité incompatibles avec les dispositions des autres accords. Pour ne pas vider l’AsA de sa substance, des immunités temporaires ont été prévues contre les actions qui pourraient être initiées sur la base du GATT de 1994 et de l’Accord SMC (§2).

143 

§1 : Les rapports entre l’Accord sur l’agriculture et le GATT 1994

La conclusion d’un accord spécifique à l’agriculture ne signifie pas que cette matière est soustraite aux champs d’application des autres accords. L’AsA a pris le soin de reconnaître le principe de l’applicabilité du GATT et des autres Accords de Marrakech au commerce des produits agricoles (A). Mais en tant que lex specialis, l’AsA prédomine toutes les fois où il sera en contradiction avec d’autres règles (B).

A – De l’applicabilité du GATT et des Accords de Marrakech

La question de l’applicabilité à l’agriculture des règles du GATT de 1994 et des autres accords annexés au Traité de l’OMC est tranchée par l’article 21 de l’Accord sur l’agriculture. Cet article dispose que « les dispositions du GATT de 1994 et des autres Accords commerciaux multilatéraux figurant à l'Annexe 1A de l'Accord sur l'OMC seront applicables sous réserve des dispositions du présent accord »608. Pour prendre cette disposition à la lettre, nous verrons ici dans quelle mesure le GATT de 1994 et l’Accord SMC sont applicables au commerce des produits agricoles.

De l’applicabilité du GATT de 1994 à l’agriculture

L’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 est la convention de base dont les règles régissent le commerce des marchandises. Il est constitué du GATT de 1947 ainsi que de tous les instruments juridiques adoptés et entrés en vigueur avant la signature de l’Accord de Marrakech instituant l’OMC. Cette situation a été très tôt confirmée par l’Organe d’appel de l’OMC qui a indiqué que « l’article XVI:1 de l’Accord sur l’OMC et l’alinéa 1 b) iv) du texte de l’Annexe 1A incorporant le GATT de 1994 à l’Accord sur l’OMC permettent de transmettre à la nouvelle OMC la jurisprudence et l’expérience juridique du GATT de 1947 donnant des gages de continuité et de cohérence pour un passage sans heurt d’un système à l’autre »609. Pour l’Organe d’appel, « les Membres de l’OMC soulignent ainsi que l’expérience acquise par les PARTIES CONTRACTANTES du GATT de 1947 est d’une grande valeur – et ils reconnaissent son importance pour le nouveau système commercial incarné par l’OMC »610. Dans une autre affaire, il a ajouté que « le GATT de 1994 est le premier accord qui apparaît dans l’Annexe 1A de l’Accord sur l’OMC et qu’il comprend : les dispositions du GATT de 1947, tel qu’il a été rectifié, amendé ou modifié par les dispositions des

      

608 Article 21 alinéa 1 de l’Accord sur l’agriculture.

609 Japon-Boissons alcooliques II, op. cit., pages 16.

610 Idem.

144  instruments juridiques qui sont entrés en vigueur avant l’entrée en vigueur de l’Accord sur l’OMC […] »611/612.

Le GATT de 1994 s’applique à l’agriculture, notamment en matière d’accès aux marchés. Sur ce point, la question se pose de savoir s’il est fait application cumulative des règles du GATT et de celles de l’Accord sur l’agriculture. Les Communautés européennes ont soutenu dans l’affaire CE-Bananes III qu’au regard des dispositions de l’Accord sur l’agriculture « il est permis en ce qui concerne ces concessions en matière d'accès aux marchés d'agir d'une manière incompatible avec les prescriptions de l'article XIII du GATT de 1994 »613. L’enjeu de la discussion est grand. Soutenir la position des Communautés européennes reviendrait à dire que l’Accord général de 1994 ne s’applique pas au commerce des produits agricoles. L’Organe d’appel a rejeté la position européenne. Pour ce faire, il fonde son analyse sur le préambule et l’article 21 de l’Accord sur l’agriculture.

Le préambule indique que son objectif « est d'établir un système de commerce des produits agricoles qui soit équitable et axé sur le marché et qu'un processus de réforme devrait être entrepris par la négociation d'engagements concernant le soutien et la protection et par l'établissement de règles et disciplines du GATT renforcées et rendues plus efficaces dans la pratique »614. Quant au second, il dispose que « les dispositions du GATT de 1994 et des autres Accords commerciaux multilatéraux figurant à l'Annexe 1A de l'Accord sur l'OMC seront applicables sous réserve des dispositions du présent accord »615.

La lecture combinée de ces dispositions permet de conclure que le GATT de 1994 s’applique à l’agriculture. Il ne saurait en être autrement que si l’Accord sur l’agriculture traite expressément la même matière. Dans l’affaire susvisée, l’Organe d’appel conclura que « les dispositions du GATT de 1994, y compris l'article XIII, s'appliquent aux engagements en matière d'accès aux marchés concernant les produits agricoles, sauf dans la mesure où l'Accord sur l'agriculture contient des dispositions spécifiques traitant expressément du même sujet »616.

Il faut noter par ailleurs que l’Accord sur l’agriculture n’exclut pas l’application du GATT. Sur la question de l’accès aux marchés qui nous sert ici d’exemple, l’article 4.1 de l’Accord sur l’agriculture dispose que « les concessions en matière d'accès aux marchés contenues dans les Listes se rapportent aux consolidations et aux réductions des tarifs, et aux autres engagements en matière d'accès aux marchés qui y sont spécifiés ». Comme on peut le constater, rien dans la lettre de       

611Argentine-Mesures de sauvegarde à l'importation de chaussures, Rapport de l’Organe d’appel, WT/DS121/AB/R, 14 décembre 1999, paragraphe 80.

612 Voir aussi États-Unis-FSC, WT/DS108/AB/R, paragraphe 107.

613 CE-Bananes III, Rapport de l’Organe d’appel, WT/DS27/AB/R, paragraphe 153.

614 Préambule de l’Accord sur l’agriculture, paragraphe 2. Voir également CE-Bananes III, op. cit., paragraphe 155.

615 Article 21 alinéa 1 de l’Accord sur l’agriculture.

616 CE-Bananes III, op. cit., paragraphe 155.

145  l'article 4:1 ne permet de croire que les concessions et les engagements en matière d'accès aux marchés consentis à la suite des négociations du Cycle d'Uruguay sur l'agriculture peuvent être incompatibles avec les dispositions de l'article XIII du GATT de 1994617. Mieux, de l’avis de l’Organe d’appel,

« l'article 4:1 reconnaît que de nouvelles concessions importantes en matière d'accès aux marchés, sous la forme de nouvelles consolidations et réductions des tarifs ainsi que d'autres engagements en matière d'accès aux marchés (par exemple ceux qui ont été pris à la suite du processus de tarification), ont été accordées à la suite des négociations du Cycle d'Uruguay sur l'agriculture et incorporées dans les listes des Membres annexées au GATT de 1994 »618.

L’applicabilité des règles du GATT de 1994 à l’agriculture est établie. Plusieurs autres dispositions permettent de tirer cette conclusion. L’on peut citer les articles 5 et 13 de l’Accord sur l’agriculture. Le premier dispose que « nonobstant les dispositions du paragraphe 1 b) de l'article II du GATT de 1994, tout Membre pourra recourir aux dispositions des paragraphes 4 et 5 ci-après en relation avec l'importation d'un produit agricole, pour lequel des mesures visées au paragraphe 2 de l'article 4 du présent accord ont été converties en un droit de douane proprement dit et qui est désigné dans sa Liste par le symbole "SGS" comme faisant l'objet d'une concession pour laquelle les dispositions du présent article […] ». Quant au second, il institue une immunité contre les actions qui pourraient être engagées sur le fondement des dispositions du GATT de 1994 et de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires dont les dispositions sont en principes applicables.

De l’applicabilité de l’Accord SMC à l’agriculture

L’application à l’agriculture des règles de l’Accord SMC commence par le recours à la notion-même de subvention, puisque ce terme n’est pas défini dans l’Accord sur l’agriculture. C’est donc la subvention telle que définie par l’Accord SMC qui s’applique. Dans l’affaire Canada-Produits laitiers, l’Organe d’appel rappelait que « comme [il l’avait] dit dans [son] rapport sur l’affaire Canada-Aéronefs, il y a “subvention”, au sens de l’article 1.1 de l’Accord SMC, lorsque celui qui l’accorde fait une “contribution financière” qui confère un “avantage” au bénéficiaire, par rapport à ce que celui-ci aurait autrement pu obtenir sur le marché »619. Il reconnaissait par conséquent que la définition de la subvention est commune aux deux accords.

Cette précision faite, la discussion peut être menée sur la question de savoir si les subventions accordées par les Membres doivent respecter à la fois l’Accord SMC et l’Accord sur l’agriculture.

L’affaire États-Unis-Coton upland620 est un excellent cas pratique qui a permis au Groupe spécial et       

617 Ibid., paragraphe 157.

618 Ibid., paragraphe 156.

619 Canada-Produits laitiers, WT/DS103/AB/R, paragraphe 87.

620 États-Unis-Subventions concernant le coton upland, Rapport de l’Organe d’appel, WT/DS267/AB/R, 3 mars 2005.

146  à l’Organe d’appel de se prononcer sur la relation des deux accords. Cette affaire qui a opposé le Brésil aux Etats-Unis a été au centre de l’actualité et a focalisé toutes les attentions sur les subventions à l'OMC. On se rappelle en effet, qu'à l'initiative du Bénin, du Burkina Faso, du Mali et du Tchad, le coton africain avait fait l'objet de débats à la Conférence de Cancún où ces pays sont allés dans l'espoir d'obtenir le démantèlement des subventions au coton dans les pays du Nord. Dans un tel contexte, l’on s’attendait à ce que la plainte vienne d’un de ces pays, mais c’est finalement le Brésil qui a porté le cas devant le Groupe spécial.

Le Brésil reprochait aux États-Unis d’avoir fourni des versements au titre du Programme Step 2 en violation des articles 3:3 et 8 de l'Accord sur l'agriculture. Il leur reprochait également d'octroyer des subventions à l'exportation prohibées au sens du point j) de la Liste exemplative de subventions à l'exportation et au sens de l'article 3.1 a) et 3.2 de l'Accord SMC621. Pour appuyer sa plainte, le Brésil a soutenu que les subventions américaines empêchaient la hausse des prix du coton upland sur le marché des États-Unis, sur les marchés mondial et brésilien, en violation des articles 5 c) et 6.3 c) de l'Accord SMC, ce qui cause un préjudice grave à ses intérêts.

Parmi les questions juridiques soulevées, il était demandé au Groupe spécial et à l’Organe d’appel de qualifier les mesures américaines. Sur cette question, le Groupe spécial qualifiera les mesures américaines de subventions à l’exportation. Cette qualification sera confirmée par l’Organe d’appel qui soutiendra alors « l'avis du Groupe spécial selon lequel les versements au titre du programme Step 2 sont subordonnés à l'exportation et sont donc une subvention à l'exportation aux fins de l'article 9 de l'Accord sur l'agriculture et de l'article 3.1 a) de l'Accord SMC »622/623. Il ajoutera plus loin que « qu'il n'y a aucune raison d'interpréter la prescription de subordination à l'exportation figurant dans l'Accord sur l'Agriculture différemment de celle qui est énoncée à l'article 3.1 a) de l'Accord SMC […] »624.

Bien que la subvention à l’exportation accordée pour des produits agricoles doive être examinée en premier lieu au regard de l’Accord sur l’agriculture, l’Organe d’appel juge approprié, de recourir à l’Accord SMC afin d’obtenir des indications pour l’interprétation des dispositions de l’Accord sur l’agriculture625. La référence qui est faite ici à l’Accord sur l’agriculture et à l’Accord SMC est significative.

Il faut cependant préciser que, bien que l’Accord SMC permette de définir les subventions agricoles, cela ne signifie pas pour autant que cet accord s’applique à toutes les subventions agricoles. En       

621 États-Unis-Coton upland, op. cit., p. 4.

622 Ibid., paragraphe 582.

623 Pas souligné dans le texte.

624 États-Unis-Coton upland, op. cit., paragraphe 584.

625Ibid., paragraphe 571.

147  raison de la primauté de l’AsA sur l’Accord SMC, ce dernier ne s’appliquera pas si la matière dont il s’agit est règlementée par l’AsA.

Il convient de noter par ailleurs que l’Accord sur l’agriculture ne traite nulle part de la question des droits compensatoires et de leur recouvrement. Les termes de l’article 13 de l’Accord sur l’agriculture626 sont significatifs à ce sujet. Cet article instituait une immunité temporaire des subventions agricoles, notamment contre les actions qui pourraient être engagées sur la base de l’article VI du GATT de 1994 et de l’article 10 de l’Accord SMC. Il ne fait donc pas de doute que l’Accord SMC et le GATT de 1994 soient pleinement applicables au commerce des produits agricoles, même si, au regard de son statut de lex specialis, l’Accord sur l’agriculture prévaut sur ces derniers en cas de conflit.

B – De la prédominance de l’Accord sur l’agriculture

Les rapports entre l’Accord sur l’agriculture, le GATT de 1994 et l’Accord SMC sont certes régis par l’article 21 de l’AsA, mais ils sont également soumis au principe de la lex specialis derogat lex generalis. En application de ce principe, et en cas de conflit, l’Accord sur l’agriculture prime sur le GATT de 1994 et l’Accord SMC.

L’article 21.1 de l’Accord sur l’agriculture est libellé comme suit : « les dispositions du GATT de 1994 et des autres Accords commerciaux multilatéraux figurant à l'Annexe 1A de l'Accord sur l'OMC seront applicables sous réserve des dispositions du présent accord »627.

Ainsi que nous l’avons déjà discuté plus haut, les trois accords sont applicables à l’agriculture. La réserve émise par l’article 21.1 in fine ne vise donc que les cas où il y aurait un conflit entre l’Accord sur l’agriculture et l’un des deux autres accords628.

C’est donc dire que les Membres ont admis la possibilité d’un tel conflit. Ils sont suivis en cela par la jurisprudence qui dira que les Membres ont « explicitement prévu, grâce à l’article 21, que l’Accord sur l’agriculture prévaudrait dans la limite de ces conflits »629. C’est donc à juste titre que l’Organe d’appel a conclu dans une autre affaire qu’« il ne fait aucun doute que les disciplines explicites en       

626 En vertu de cette disposition, les mesures de soutien interne relevant de la catégorie verte ne peuvent faire l'objet de droits compensateurs ou d'autres actions visant les subventions au titre de l'Accord de l'OMC sur les subventions et les mesures compensatoires ni être l'objet des actions fondées sur l'annulation ou la réduction, en situation de non-violation, des concessions tarifaires résultant du GATT. Prévue pour s’applique pendant la période de mise en œuvre, cette disposition n’est plus en vigueur depuis le 1er janvier 2004.

627 Pas souligné dans le texte.

628 GATT de 1994 et Accord SMC.

629 CE-Subventions à l’exportation de sucre, Rapport de l’Organe d’appel, WT/DS265/AB/R, 28 avril 2005, paragraphe 221. Voir également LUFF (D.), op. cit., pp. 245-246.

148  matière de subventions à l’exportation, concernant les produits agricoles, énoncées aux articles 3, 8, 9 et 10 de l’Accord sur l’agriculture doivent à l’évidence l’emporter sur l’exemption des produits primaires des disciplines en matière de subventions à l’exportation énoncées à l’article XVI:4 du GATT de 1994 »630.

La prédominance de l’Accord sur l’agriculture est également vraie pour ce qui concerne l’Accord SMC puisque l’Article 21.1 vise aussi bien le GATT de 1994 que les autres Accords commerciaux multilatéraux de l’Annexe 1A dont l’AsA fait partie. S’agissant de la démarche, un Groupe spécial saisi d’un litige en matière de subvention agricole devra d’abord vérifier si la question qui lui est soumise est traitée par l’Accord sur l’agriculture. Dans l’affirmative, les dispositions de l’AsA s’appliqueront et prédomineront celles de l’Accord SMC. Si la question n’est pas traitée par l’AsA, le Groupe spécial pourra alors vérifier si la matière est soumise à l’Accord SMC.

§2 : Les immunités temporaires contre les actions au titre du GATT et de l’Accord SMC La question des immunités temporaires de l’Accord sur l’agriculture contre les actions au titre du GATT de 1994 dérive des rapports entre ces trois accords ainsi qu’ils sont traités par l’article 21.1 de l’AsA. Cet article dispose que le GATT de 1994 et des autres Accords commerciaux multilatéraux figurant à l'Annexe 1A de l'Accord sur l'OMC seront applicables à l’agriculture sous réserve des dispositions de l’AsA. Cela signifie que les mesures des Membres conformes à l’Accord sur l’agriculture sont immunisées contre les actions au titre du GATT de 1994 et de l’Accord SMC.

Les rédacteurs de l’Accord ont traduit cette immunité sous la forme d’une clause dite de modération (A). Mais cette immunité temporaire a perdu toute portée depuis son expiration (B).

A – La clause de modération de l’AsA

L'article 13 de l’Accord sur l’agriculture intitulé "modération" est une disposition spéciale qui, en plus de l’article 21.1, gère les relations entre cet Accord, l’Accord SMC et le GATT de 1994.

Plus connue sous l'expression de "clause de paix", cette disposition «assure une protection juridique complète des différentes mesures de soutien à l'Agriculture contre des recours sur la base de l'Accord SMC et de l'article XXIII:1(b) du GATT»631. Pour comprendre cette protection juridique, il est nécessaire de faire une lecture combinée de l'Accord SMC et de l’Accord sur l'agriculture.

En rappel, en vertu de l'article 3 de l'Accord SMC, toutes les subventions à l'exportation sont prohibées. Certaines mesures de soutien ainsi que certaines subventions à l'exportation seraient alors       

630 États-Unis-FSC, op. cit., paragraphe 117.

631 DELCROS (F.), op. cit., p.725.

149  illégales et condamnables aux termes de l'Accord SMC et ce bien que ces mêmes subventions puissent être légales aux termes de l'Accord sur l'agriculture. Pour qu'il en soit autrement, il a fallu introduire une clause de "modération" dans l'Accord sur l’agriculture. Pendant la période de mise en œuvre, et nonobstant les dispositions pertinentes du GATT de 1994 et de l'Accord SMC, les mesures de soutien interne conformes à l'Annexe 2 de l'Accord sur l’agriculture étaient considérées comme des subventions ne donnant pas lieu à une action, et donc exemptées des actions fondées sur les dispositions du GATT et de l'Accord SMC632.

Plus concrètement, la clause de paix permettait de protéger contre toute action l'octroi des subventions de la boîte verte à condition qu'elles soient conformes à l'Annexe 2633. Elle protège aussi l'octroi de subventions de la boîte bleue à condition que ces subventions soient conformes à l'article 6634 de l'Accord sur l’agriculture635 ainsi que les subventions à l'exportation conformes à la Partie V de l’Accord sur l’agriculture636. Dans ce dernier cas cependant, la clause de paix impose une condition additionnelle. Elle subordonne la protection de l’article 13 à la condition que "ces mesures n’accordent pas un soutien pour un produit spécifique qui excède celui qui a été décidé pendant la campagne de commercialisation 1992"637.

Cette analyse est confirmée par l’Organe d’appel qui a admis que « le soutien interne qui est pleinement conforme aux dispositions de l’Annexe 2 – c’est-à-dire le soutien “de la catégorie verte”,

Cette analyse est confirmée par l’Organe d’appel qui a admis que « le soutien interne qui est pleinement conforme aux dispositions de l’Annexe 2 – c’est-à-dire le soutien “de la catégorie verte”,