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: Le concept de la multifonctionnalité de l’agriculture : éléments de définition

Le concept de la multifonctionnalité n’est pas propre à l’agriculture. Comme le fait remarquer l’OCDE, la multifonctionnalité n'est ni une propriété ni une exclusivité de l'agriculture671. De façon générale, une activité est dite multifonctionnelle lorsqu’elle remplit plusieurs fonctions. Appliqué à l’agriculture, le concept, bien qu’étant au cœur de l’actualité et des débats, se prête à diverses interprétations. Il est donc important de définir le concept de la multifonctionnalité de l’agriculture. En guise de définition, l’agriculture peut être qualifiée de multifonctionnelle si cette « […] agriculture correspond à la réalité d’une activité agricole bien conduite, qui contribue en même temps à la production agricole, mais aussi à la protection et au

      

671 OCDE, Multifonctionnalité : conséquences pour l’action publique, OCDE 2003, p. 10.

161  renouvellement des ressources naturelles, à l’équilibre du territoire et à l’emploi. C’est une vision de l’agriculture dans laquelle l’environnement, le bien être des animaux, qualité et identification des produits ne sont plus des contraintes pesant sur l’activité agricole, mais des atouts permettant de valoriser cette production agricole sur le marché national, communautaire et mondial […]»672. Autrement dit, l’activité agricole a plusieurs fonctions, notamment celles non commerciales (§1).

Cette vision est défendue par un certain nombre de Membres de l’OMC. Il importe dès lors de savoir dans quelle mesure le droit de l’OMC tient compte de ce concept (§2).

§1 : Les fonctions non commerciales de l’agriculture

L'idée qui sous-tend la multifonctionnalité de l'agriculture est celle qui consiste à dire que l'activité agricole induit un certain nombre d'effets positifs et négatifs appelés externalités.

L'agriculture peut en effet avoir des externalités – positives ou négatives – notamment sur l'environnement et la santé, la sécurité alimentaire, et le développement rural. Autrement dit, l'agriculture fournit non seulement des produits alimentaires mais aussi des services environnementaux et écologiques673.

L'environnement et la santé

La multifonctionnalité de l'agriculture implique que l'activité agricole peut avoir des effets ou externalités sur l'environnement et la santé. L'usage des pesticides illustre assez bien le propos. En présence d'externalités négatives, il se pose alors la question de savoir comment et dans quelles limites les pouvoirs publics peuvent, sur ce prétexte, intervenir dans la régulation du commerce des produits agricoles. Le principe de l'intervention publique est généralement admis, notamment dans le GATT de 1947 qui lui consacre les paragraphes b) et g) de l'article XX sur les exceptions générales. L'abondante jurisprudence sur la matière est un indice de l'intérêt de la question. La Jurisprudence a donc réussi, au gré des litiges, à préciser l'application de ces dispositions. La question de l’intervention étatique n'est pas close pour autant. La réapparition dans les négociations du Cycle de Doha des "considérations autres que d'ordre commercial", concept déjà bien connu avant le Cycle de Doha, est une résurgence de la discussion sur la protection de l'environnement et la santé publique.

      

672 Discours du Ministre français de l'Agriculture et de la Pêche devant le Congrès National de la Confédération Nationale de la Mutualité, de la Coopération et du Crédit Agricoles, Toulouse, 07 mai 1999.

673MOLLARD (A.), «Multifonctionnalité de l'agriculture et territoires : des concepts aux politiques publiques», Cahiers d’économie et sociologie rurales, n° 66, 2003, p. 29.

162  Sur cette question, deux courants de pensées s'opposent. Il y a d'une part ceux qui militent pour une libéralisation du commerce des produits agricoles et qui, pour la plupart, ne souhaitent pas voir l'environnement et la santé érigés en nouveaux obstacles au commerce ; et, d'autre part, ceux qui estiment que l'environnement et la santé devraient justifier des dérogations aux règles du commerce multilatéral.

Cette opposition est largement admise par les observateurs et acteurs des négociations du Cycle de Doha, ainsi que par le Directeur Général de l’OMC qui a déclaré à ce sujet que « l’intensité du débat sur l’agriculture à l’OMC s’explique par le désaccord de fond qui subsiste entre ses Membres sur la relation entre l’ouverture des échanges et l’agriculture. Pour les uns, la vertu de la division internationale du travail qui fait bénéficier le consommateur du meilleur prix – celui du producteur le plus efficace – s’applique à l’alimentation comme elle s’applique aux chaussettes, aux téléviseurs, aux voitures et au charbon. Pour les autres la production agricole présente des particularités – des

‘externalités’ spécifiques diraient les économistes – en matière d’environnement, de sécurité alimentaire, de bien-être des animaux qui justifient des entorses importantes aux règles de l’économie de marché, et notamment des soutiens budgétaires publics ou une protection à la frontière permettant d’isoler les producteurs nationaux des variations des prix des marchés mondiaux »674.

L'issue de cette opposition est incertaine. L'on peut cependant considérer que si le premier courant venait à prendre le dessus au cours des négociations, les règles sur la protection de l'environnement et la santé resteront sans doute inchangées. Si par contre le second courant triomphait, lesdites règles connaîtraient de grands changements, à moins qu’un consensus n’aboutisse à une solution médiane.

Le développement

Les politiques agricoles telles qu’envisagées au cours des négociations du Cycle d’Uruguay étaient orientées vers une libéralisation du commerce agricole. Elles consistaient notamment « à réduire le rôle de l’État sur les marchés agricoles, en supprimant par exemple le soutien étatique au secteur agricole et en réduisant les barrières au commerce international des produits agricoles »675. L’argument était qu’une libéralisation accrue des échanges aurait eu un impact décisif sur la croissance économique, sur la création des emplois, et donc une forte augmentation du pouvoir d’achat des populations676.

      

674 Allocutions de Pascal LAMY au Forum Économique International des Amériques, Montréal, 05 juin 2006, http://www.wto.org/french/news_f/sppl_f/sppl29_f.htm.

675Institute for Agriculture Trade Policy (I.A.T.P.), op. cit., p.2.

676 STANTON (G.), op. cit., p. 9.

163  Il est vrai que l’exportation des produits locaux subséquente à une libéralisation peut ouvrir de nouveaux marchés et créer des emplois. La question se pose cependant de savoir si les éventuels bénéfices générés ne risquent pas de profiter aux grands producteurs agricoles plutôt qu'à la majorité des petits producteurs. Dans l’analyse, il ne faut surtout pas perdre de vue que « beaucoup de ces personnes travaillent dans des petites exploitations et pratiquent l’agriculture de subsistance et la grande majorité d’entre elles produisent des denrées destinées à la consommation locale »677. Deux approches s’opposent sur la question. La première soutient qu'une libéralisation du commerce des produits agricoles sera source de développement, notamment pour les populations des pays en développement Membres de l'OMC. La seconde rétorque qu'admettre une libéralisation du commerce agricole c’est admettre que, du fait de l’ouverture de leurs marchés, les petits exploitants agricoles des PED disparaissent du marché du fait de leur incapacité à faire face à des produits importés à moindre coût. Pour ce courant, «la mise en œuvre sans restriction du libre-échangisme total ne peut qu’aboutir à des spécialisations économiques indésirables génératrices de déséquilibres et de chômage, et entraîner pour l’économie des pertes bien supérieures aux gains qu’ils est supposé pouvoir générer »678.

Faut-il vraiment ouvrir le marché des produits agricoles ? La question a été au centre des négociations du Cycle d’Uruguay. L’opposition entre libre-échangistes et protectionnistes ne va pas s’arrêter de sitôt. Il y a toutefois de la justesse dans les arguments avancés par les adeptes des deux camps. Les deux camps ont dû tenir compte de la réalité politique à l’OMC. Le consensus exigé des Membres a donc abouti à une position globalement moyenne. Il reste maintenant à voir comment la prise en compte du développement va se manifester dans l'Accord qui sera signé à la clôture de ce Cycle. Ce qui est certain, l’intérêt des débats portera sur la règlementation de l’intervention publique dans le commerce des produits agricoles.

§2 : De la justification de l’intervention publique par la multifonctionnalité

A – Les fondements de l’intervention publique

La prise en compte des Considérations Autres que d’Ordre Commercial et la reconnaissance subséquente de la multifonctionnalité sont désormais acquis. Il importe cependant, pour que cette reconnaissance ne reste pas une simple affirmation, d’en discuter les fondements. Plusieurs études –

      

677 I.A.T.P., op. cit., p. 1.

678 ALLAIS (M.), Prix Nobel d’économie 1988, cité in AITEC, « Libéralisation du commerce et développement », août 2005 in http://aitec.reseau.

164  notamment celles de l’OCDE – ont été consacrées à la question. Elles permettent d’établir les justifications de la multifonctionnalité.

Il est important d’indiquer à titre préliminaire que l’application de la notion de multifonctionnalité de l’agriculture pose débats en certains de ses aspects. Rappelons d’abord que la multifonctionnalité n’a pas reçu de définition acceptée de tous. En particulier, bien que les acteurs du système commercial multilatéral reconnaissent les CAOC, l’Accord sur l’agriculture « ne donne pas une définition précise de ce qu’il convient d’inclure dans les considérations autres que commerciales, pas plus qu’il n’existe une définition unanimement acceptée de ce que recouvre le concept de multifonctionnalité. En pratique, les deux termes peuvent être largement considérés comme des synonymes et bien qu’il n’y ait pas consensus sur leur contenu, tous les pays, leurs pouvoirs publics, leurs agriculteurs, leurs citoyens, etc. sont d’accord pour reconnaître que les agriculteurs produisent, en plus de biens marchands alimentaires et non alimentaires, d’autres biens et d’autres services »679.

Plutôt qu’une définition, la doctrine économique se contente bien souvent d’indiquer les éléments essentiels de la multifonctionnalité qui sont « i) l’existence de produits multiples, de base et autres, qui sont conjointement produits par l’agriculture ; et ii) le fait que certains produits autres présentent les caractéristiques d’externalités ou de biens d’intérêt public, le résultat étant que les marchés de ces biens n’existent pas ou fonctionnent mal »680. En complément à ces éléments, certains auteurs ajoutent que la multifonctionnalité a pour objectif « la réduction des externalités négatives (environnement, sécurité alimentaire), l’accroissement des externalités positives (emploi, qualité, paysage) et des formes de diversification de l’activité dans les domaines intra et extra-agricoles (développement rural) »681. Indiquons également que le principe des externalités positives ou négatives est admis par l’Accord sur l’agriculture du Cycle d’Uruguay. Ainsi, deux externalités positives de l’agriculture sont spécifiquement mentionnées682 dans l’Accord. La première est le rôle environnemental de l’agriculture. Sur ce point, l’Accord dispose que « le droit à bénéficier de ces versements sera déterminé dans le cadre d'un programme public clairement défini de protection de l'environnement ou de conservation et dépendra de l'observation de conditions spécifiques prévues par ce programme public, y compris les conditions liées aux méthodes de production ou aux intrants »683. La seconde est le rôle de l’agriculture en matière d’aménagement et d’occupation du territoire. Sur ce second point, le point 13 de l’Annexe 2 de l’Accord sur l’agriculture dispose que

« le droit à bénéficier de ces versements sera limité aux producteurs des régions défavorisées.

      

679GUYOMARD (H.), « Soutien, fonctions non marchandes et multifonctionnalité de l’agriculture », http://www.ifri.org/files/DM/livre_soutien_chap2_Guyomard.pdf, 13 décembre 2003.

680 OCDE, Multifonctionnalité : élaboration d’un cadre analytique, OCDE 2001, p. 13.

681PERRAUD (D.), « Les ambiguïtés de la multifonctionnalité de l’agriculture », Actes du congrès de la société française d’économie rurale, mars 2002, p.280.

682BODIGUEL (L.), « Multifonctionnalité de l’agriculture et territoire. Territoire, un contexte juridique en construction », Actes du congrès de la société française d’économie rurale, mars 2002, p.376.

683 Accord sur l’agriculture, Annexe 2, point 12. a).

165  Chaque région de ce type doit être une zone géographique précise d'un seul tenant ayant une identité économique et administrative définissable, considérée comme défavorisée sur la base de critères neutres et objectifs clairement énoncés dans la législation ou la réglementation et indiquant que les difficultés de la région sont imputables à des circonstances qui ne sont pas uniquement passagères ».

La prise en compte des régions défavorisées présente une grande importance pour certains Membres. Ces pays militent pour la défense de « l'équilibre de leurs territoires, le développement économique et social des régions rurales et attachent une valeur particulière à la défense du paysage et à la qualité des aliments »684. Cette approche donne à la multifonctionnalité une autre dimension.

En particulier, elle permet de se rendre compte que le développement auquel il est fait référence dans la discussion du concept de la multifonctionnalité va plus loin que le développement des pays pauvres. Le développement tel que défendu par certains Membres comme le Japon, la Norvège et l’Union européenne correspond certes à celui des PED, mais prend surtout en compte le développement des régions défavorisées des pays riches. C’est dans ce sens que ces pays prônent la multifonctionnalité de l’agriculture. Ils soutiennent que « l'absence d'intervention publique sur le marché conduirait à la concentration automatique de la production agricole dans les zones bénéficiant des meilleurs avantages comparatifs avec comme conséquences pression sur les ressources naturelles d'un côté, chute et précarité des revenus, abandon des terres agricoles et exode rural de l'autre »685.

Ceci étant, pour qu’il y ait multifonctionnalité, il faut qu’il existe une jointure entre un produit de base (produit agricole en l’espèce) et un autre produit (externalité), dont la production ne peut se dissocier. Les externalités négatives sont le plus souvent corrigées par le jeu normal des règles du marché. Dans bien des cas malheureusement, le marché est défaillant. L’application à l’agriculture des éléments essentiels de la multifonctionnalité se heurte parfois à la difficulté liée à la nature-même de l’externalité. Comment en effet corriger les externalités négatives par les règles du marché dans l’hypothèse d’un bien non-marchand ?

La notion de bien non-marchand est également discutée. Quels sont en effet les biens qui peuvent être considérés comme des biens non-marchands ? Il n’y a pas de consensus sur cette notion. On relèvera à titre indicatif que « pour le Japon, la Corée ou encore la Norvège, dont l’alimentation dépend largement des importations, la sécurité alimentaire est considérée comme un bien public.

Pour ces pays, il est inconcevable de rendre l’alimentation de leur population totalement dépendante des variations de prix sur le marché international, de cataclysmes climatiques ou de pressions

      

684BONNAL (Ph.), LOSCH (B.), et BAINVILLE (S.), « Points de repères sur la multifonctionnalité de l'agriculture : les dimensions nationales et internationales du débat », Actes de séminaire, 21-24 novembre 2000, Bouillante, Guadeloupe, p.33.

685 Idem.

166  politiques ou économiques »686. Ceci étant, il importe de dire qu’il ne faut pas confondre « sécurité alimentaire » et « produits agricoles ». La première est sans doute un bien non-marchand tandis que les seconds sont des biens marchands qui sont nécessaires à la réalisation de la sécurité alimentaire.

Tout le débat porte justement sur comment mettre en place une règlementation du commerce des produits agricoles qui permette d’atteindre la sécurité alimentaire et d’autres objectifs non-marchands.

Pour revenir aux difficultés relatives à la correction par le marché des externalités négatives, prenons les exemples suivants :

− l’optimisation des gains conduit les agriculteurs à recourir aux pesticides qui, bien que pouvant accroître la production, peuvent dégrader les sols et polluer les nappes phréatiques ;

− la culture de certaines plantes permet de lutter contre la sécheresse dans les régions sahéliennes, même si, par ailleurs, ces cultures ne sont pas rentables.

Pour résumer la situation, l’on peut reconnaître avec ULMANN que « l’entretien et la gestion de l’espace ont eu tendance à être négligés au fur et à mesure que les exploitations grandissaient et que la main d’œuvre diminuait. La mécanisation des tâches a entraîné la suppression des haies, des arbres, l’aplanissement des talus, les zones humides ont été drainées, les parcelles non mécanisables abandonnées. Il en résulte une détérioration du paysage, la suppression d’abris pour la faune et d’obstacles au vent et au ruissellement. Sans compter les pollutions liées à la concentration excessive des animaux, aux produits phytosanitaires ou fertilisants répandus sur les cultures, les risques de perte de biodiversité liés à la sélection des animaux ou végétaux sur les seuls critères de la productivité ou du gaspillage d’eau »687.

La protection de l’environnement, de la santé et la préservation des ressources naturelles sont des objectifs a priori non-économiques. Les agriculteurs n’ont bien souvent aucun avantage financier immédiat à s’y intéresser. Par conséquent, « si des pratiques culturales plus respectueuses de l'environnement imposent des coûts additionnels ou des pertes de revenu aux agriculteurs, alors la société doit compenser ces derniers à hauteur des coûts ou des pertes »688. Tel est le fondement-même de la justification de l’intervention étatique. Cette justification est au centre d’un débat entre économistes. Des réticences existent, mais il est constamment admis que les défaillances du marché sont nombreuses et « l'État doit y remédier, non seulement en fournissant le cadre réglementaire et institutionnel complexe […] sans lequel aucune économie de marché ne peut fonctionner       

686BONNAL (Ph.), LOSCH (B.), et BAINVILLE (S.), op. cit., p.33.

687ULMANN (L.), «La prime à l’herbe, une aide à l’agriculture multifonctionnelle ? », Actes du congrès de la société française d’économie rurale, mars 2002, p. 338.

688 GUYOMARD (H.), « La multifonctionnalité de l'agriculture : éléments d'analyse de la position française dans la perspective des prochaines négociations agricoles multilatérales à l'Organisation mondiale du commerce », Note rédigée pour le Cabinet du Ministère de l'agriculture et de la pêche, 1er avril 2001, p.21.

167  efficacement, mais aussi en reconnaissant les contraintes et les fonctions multiples attachées à l'activité agricole. La politique agricole doit être conçue dans la perspective d'intégrer au mieux les objectifs économiques pour un secteur productif privé dans lequel les signaux du marché ne peuvent pas être ignorés et les objectifs d'aménagement du territoire, de gestion de l'espace, de protection de la nature, de maintien de la biodiversité, etc., effets externes et biens publics spontanément pas ou mal valorisés par le marché »689.

Dans le même sens, il est admis en France « qu'il est légitime de rétribuer l'agriculture pour les services non marchands qu'elle rend à [la] société, qu'ils soient de nature environnementale, paysagère, sociale ou culturelle »690.

La reconnaissance du concept de la multifonctionnalité est confrontée à la difficulté de sa justification économique et à son acceptabilité691 par certains acteurs du système commercial multilatéral. De fait, elle soulève une préoccupation des Membres de l’OMC sur les possibles distorsions aux échanges qu’engendreraient les diverses interventions publiques subséquentes à la reconnaissance de la multifonctionnalité. Cette préoccupation est légitime et mérite que les critères des interventions étatiques soient déterminés avec précision.

B – Les critères de l’intervention publique

La reconnaissance du concept de la multifonctionnalité de l’agriculture suppose la reconnaissance aux Membres de l’OMC la possibilité de prendre certaines mesures visant des objectifs qui leur sont importants. L’idée d’une libre intervention étatique dans le commerce multilatéral est cependant mal perçue et semble ramer à contre-courant. Cette méfiance est due au fait que la logique qui sous-tend les négociations commerciales en matière agricole depuis le Cycle d’Uruguay est celle du démantèlement des politiques protectionnistes. Cette logique est difficilement compatible avec l’idée d’un interventionnisme étatique, d’autant que ces interventions peuvent se décliner en diverses formes, et notamment sous la forme d’obstacles non-tarifaires. Sous réserve de ce qui est prévu pour les entreprises d’États à l’article XVII du GATT, la seule façon de réunir un consensus sur la question serait alors de faire en sorte que toutes les interventions étatiques ne soient pas des distorsions aux échanges.

Les interventions étatiques dans le contexte actuel de l’OMC sont suspectées et doivent – pour être admises – être transparentes. Elles doivent d’abord viser une externalité de l’activité agricole, se fonder ensuite sur une évaluation monétaire de l’externalité qu’elles entendent corriger et, enfin, être le seul instrument permettant d’atteindre les objectifs que s’est fixé le Membre concerné.

Les interventions étatiques dans le contexte actuel de l’OMC sont suspectées et doivent – pour être admises – être transparentes. Elles doivent d’abord viser une externalité de l’activité agricole, se fonder ensuite sur une évaluation monétaire de l’externalité qu’elles entendent corriger et, enfin, être le seul instrument permettant d’atteindre les objectifs que s’est fixé le Membre concerné.