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5. ÉLÉMENTS DE DISCUSSION

5.1. Des résultats sous la loupe des clés d’interprétation

5.1.1. Rapports intervenants-jeunes selon la perspective des adolescents

De façon générale, on peut soutenir que l'appréciation que font les adolescents ayant participé à l'étude de leurs attentes quant à la relation avec leurs intervenants rejoint ce que la littérature nous instruit, et ce, tant sur les éléments favorables à l'établissement d'une relation constructive, entre autres Brillon (2011), que sur les embuches pouvant guetter une relation s'inscrivant dans un rapport d'aide contrainte (Colle-Plamondon, 2013). D'autre part, la description des relations qu'ils entretiennent avec leurs intervenants rejoint celle décrite par les jeunes ayant participé à l'étude de Byrne et Lemay (2005) sur le même sujet, et ce, tant sur les éléments facilitants que handicapants. Finalement, ils se voient difficilement comme « ayant du pouvoir sur les processus les affectant », signifiant du même coup qu'il s'agit là d'un pouvoir positif très important pouvant affecter leur démarche de réadaptation et confirmant certaines avancées récentes de la recherche quant aux meilleures pratiques (Giguère, Lamonde, Turcotte et Paradis,

2014). Quelques éléments d’explication relatifs à ce dernier point seront apportés dans les prochaines parties.

 Ce que les adolescents trouvent favorable à l'établissement et au maintien d'un rapport positif avec leurs intervenants et ce qu'ils considèrent comme nuisible

Plusieurs auteurs s’accordent sur le fait que la qualité de la relation entre le jeune et son intervenant est l'une des pierres angulaires de toute démarche de relation d'aide (Brillon, 2011; Gros-Louis, 2011; Guay, 2009,2010; Lajoie et Gauthier, 2006). Pour les adolescents concernés par ma recherche, la qualité de la relation s'exprime à travers l'attitude adoptée par l'intervenant : sa disponibilité, le fait qu'il favorise l'autonomie et le droit de parole, qu'il puisse lui faire confiance, la posture que prend l'intervenant dans la relation, qu'il soit digne de confiance, qu'il y ait continuité dans la relation et finalement son expérience, son vécu et son savoir-faire.

Ces résultats rejoignent ceux de Byrne et Lemay (2005), puisque les adolescents sujets de leur étude ont identifié la qualité de l'écoute, la sollicitude, l'attitude positive, l'aide concrète et la stabilité comme étant les qualités des importantes chez leurs intervenants. Ils rejoignent aussi ceux d'Ackerman et Hilsenroth (2003) lorsqu'ils identifient les attitudes de ces derniers propres à affecter positivement la relation thérapeutique avec leurs clients.

Par ailleurs, lorsque les adolescents identifient l'importance d'être consultés et impliqués dans les différents processus décisionnels les concernant, ils rejoignent les conclusions de Giguère, Lamonde, Turcotte et Paradis (2014) ainsi que celles de Baillargeon et Puskas (2013), quand ceux- ci soulignent l'importance d'établir un rapport de partenariat sur les objectifs d'intervention entre l'intervenant et l'adolescent et sur les moyens retenus pour y parvenir.

Quant au fait de pouvoir faire confiance, bien que les participants à la recherche trouvent cette dimension essentielle pour l'établissement d'une relation positive avec leurs intervenants, ils mettent en lumière tous les enjeux propres au contexte d'intervention d'aide contrainte, expliquant leur inquiétude que les confidences faites à leurs intervenants puissent être mises en commun avec les autres intervenants de l'unité de vie ou utilisées au tribunal contre eux. Comme le résume un participant à la recherche :

« Tu ne peux pas avoir confiance en aucun éduc. Tu ne peux pas parce, mettons que tu dises quelque chose à ton éduc, ils vont s’en parler en réunion (...) même si tu ne veux pas qu’ils le sachent. Ils lisent ton dossier. Ça finit là! »

On peut donc retenir que les adolescents participant à l'étude ont une vision en grande concordance avec ce que la recherche nous apprend quant aux ingrédients requis pour le développement et le maintien d'une relation de qualité. Posons maintenant un regard sur leurs représentations des relations qu'ils entretiennent effectivement avec leurs intervenants.

 Ce que les adolescents traduisent quant aux relations qu'ils vivent avec leurs intervenants

À travers les représentations positives et négatives de leurs intervenants s'expriment toute la tension entre la détresse de l'abandon, l'absence d'écoute, de stabilité, les contraintes de l'encadrement pour une part et l'expression d'un sentiment d'être entendu, d'être accompagné et sécurisé par un cadre de vie stable.

On retrouve cette tension lorsqu'ils nous parlent de leur perception de la relation idéale. On y remarque chez certains la recherche d'harmonie, la coopération, le rapport de confiance mutuelle tandis que pour d'autres, il est question d'une incapacité à décrire ce qu'est une relation idéale autrement qu'à travers un modèle de réussite sociale, une recherche de liberté individuelle, un sentiment de solitude ou de colère face à un abandon vécu récemment.

Parmi les difficultés qu'ils rencontrent avec leurs intervenants, plusieurs d'entre eux soutiennent le fait de ne pas avoir droit à la parole, ne pas être impliqués dans la programmation de leur quotidien, dans les décisions les regardant, que ce soit pour le plan d'intervention OU sa révision. Leurs commentaires rejoignent les constats de Byrne (1997) et de Magrinelli-Orsi (2011) qui soutiennent que les adolescents hébergés en milieu résidentiel ont rarement l’occasion de se manifester et de se faire entendre sur les différents éléments les concernant. La discontinuité et les changements d'intervenant sont aussi vécus difficilement, laissant poindre chez certains une résignation devant ce qui leur apparait inéluctable.

En revanche, pour d'autres adolescents, la relation avec leur intervenant apparait positive, en particulier lorsqu'ils se sentent compris, impliqués dans les décisions les concernant, soutenus dans leurs démarches, sécurisés et soutenus par un cadre de vie stable. Cette relation apparait chez

eux incarnée en la personne d'un intervenant en particulier avec lequel ils ont créé une relation signifiante.

 Quant aux lieux où ces jeunes perçoivent qu'ils pourraient avoir le pouvoir de contribuer positivement à la relation avec leurs intervenants

Comme décrit dans la présentation des résultats, il s'agit du contenu le plus pauvre de l'ensemble de l'exercice. L'hypothèse soulevée était que les adolescents sentent qu’ils ont peu de pouvoir dans la relation avec leur intervenant. Plusieurs en donnent des exemples en appui, affirmant ne pas avoir de voix dans les décisions qui sont prises les concernant. Ils soutiennent par contre que le fait d’avoir la possibilité de s’impliquer lorsque c’est le cas s’avère le pouvoir le plus important dont ils peuvent disposer. Il en va aussi pour la présence du support et de la présence du milieu familial qui leur apparait comme un pouvoir extérieur positif pour les aider dans leur démarche.

Les adolescents expriment quand même aussi un certain pouvoir personnel dans les décisions profitables ou non qu'ils prennent quant à leurs choix de comportement dans à la relation avec leurs intervenants, que ce soit d'accepter ou non l'aide offerte, de travailler sur soi et d’accepter les limites qui leurs sont fixées, voire imposées.

 Quant aux conclusions que les adolescents aimeraient voir inscrites dans cette recherche

Lors de la dernière rencontre, les adolescents ont eu l'opportunité d'identifier ce qu'ils souhaiteraient voir souligné dans les conclusions de la recherche. Les points identifiés reprennent en grande partie l'essentiel du contenu des activités de cueillette de données, soit :

 L’importance qu’ils accordent à la continuité au niveau des intervenants et comment ils trouvent difficile de toujours devoir changer d’intervenant ;

 L’importance qu’ils puissent participer à leur plan d’intervention et aux décisions qui les concernent ;

 L’importance de l’attitude des intervenants faisant principalement référence à l’écoute, à l’accueil, la disponibilité et la sollicitude ;

 La possibilité de s’impliquer dans la programmation et de planifier des activités ;  Le respect de la confidentialité et de ce qu’ils confient à leurs intervenants.