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1. UNE PROBLÉMATIQUE D’ACTUALITÉ DANS LES CENTRES JEUNESSE

1.3. Des défis d’importance

1.3.3. La qualité de la relation : un élément clé dans le processus d’intervention

D’évidence, tout intervenant souhaite que son intervention soit efficace. Dispenser contre leur gré des services de nature psychosociale, de réadaptation et d’intégration sociale à des jeunes qui présentent à la fois des problématiques de protection et des diagnostics en santé mentale s’avère néanmoins complexe et présente des défis considérables pour les intervenants qui les côtoient au quotidien. En outre, les intervenants arrivent avec leur propre histoire de vie, leur bagage professionnel, leurs attentes, leurs valeurs, leurs motivations et leurs idéaux. Bien qu’ils disposent de stratégies d’intervention nombreuses et diversifiées, la qualité de la relation établie avec le client constitue l’élément clé dans le processus d’intervention (Lessard et Turcotte, 1999), voire même l’un des meilleurs prédicteurs des résultats de l’intervention (Dumais et Baillargeon, 2002; Horvath et Symonds, 1991). Or, c’est précisément dans ce lien que la psychopathologie s’exprime, exposant par le fait même l’intervenant qui s’implique à vivre des émotions parfois intenses et fréquemment négatives (Lamour et Gabel, 2011).

24La présence de certaines considérations liées à l’intervention soutiendrait favorablement l’autodétermination du sujet. Compton et Galaway (2004) les énoncent de la façon suivante : 1) aviser la personne de ses droits fondamentaux; 2) lui transmettre l’information pertinente à sa situation afin qu’elle puisse exercer un choix éclairé; 3) encourager la coplanification, l’engagement et l’imputabilité mutuelle; 4) établir une communication franche, honnête en évitant l’étiquetage et la manipulation; 5) agir de manière à rendre possibles les opportunités de choix; 6) souligner les compétences et les forces présentes chez la personne et finalement, 7) promouvoir le respect de la dignité et de la valeur des individus.

Norcoss (2002) soutient que l’efficacité de tout type d’intervention thérapeutique dépend d’abord de la capacité du jeune et de l’intervenant à former ensemble une bonne relation de collaboration. Il précise certains éléments sujets à influencer l’établissement d’une telle alliance. Des éléments propres au jeune tels son mode d’attachement, son histoire familiale, ses attentes face au changement et à l’utilité du traitement ainsi que le fait d’être une fille plutôt qu’un garçon25 auraient, semble-t-il, un impact sur la création et la qualité de l’alliance thérapeutique. Des éléments propres à l’intervenant, tels la disponibilité, l’engagement, la chaleur, la loyauté, une attitude de non-jugement, l’acceptation du style personnel du client (Obegi, 2008) ainsi que la flexibilité, l’honnêteté, le respect, le fait d’être digne de confiance, le fait d’être confiant, intéressé, alerte, amical et ouvert (Ackerman et Hilsentroth, 2003) susciteraient aussi un impact appréciable (Giguère, Lamonde, Turcotte et Paradis, 2014). S’ajoutent des éléments techniques d’intervention et en dernier lieu, des éléments externes tels l’influence du réseau social du jeune, le contexte d’aide contrainte, le roulement de personnel, le ratio de jeunes par intervenant et la multiplication des tâches qui peuvent nuire, voire faire obstacle à l’établissement de l’alliance thérapeutique (Giguère et al., 2014). Norcoss (2002) souligne que les facteurs contribuant le plus fortement aux effets de l’intervention sont, par ordre d’importance, la motivation du client au changement (40 %), les facteurs personnels de l’intervenant, notamment la capacité à établir une alliance thérapeutique (30 %) ainsi que les techniques d’intervention (15 %). D’autre part, l’alliance thérapeutique entre l’intervenant et l’adolescent dans un contexte d’aide contrainte, tel celui en centre de réadaptation, entraine inéluctablement des ruptures26 susceptibles d’affecter le cours de l’intervention. Certains auteurs (Dumais et Baillargeon, 2002; Pinsof, 1995, dans Baillargeon, Leduc et Côté, 2003; Proulx, 2013) soutiennent néanmoins que les interventions comportant des ruptures d’alliance semblent plus efficaces que celles sans rupture, à la condition toutefois que l’alliance puisse être restaurée. Le fait d’explorer et de travailler à rétablir les ruptures d’alliance offrirait au jeune une nouvelle expérience interpersonnelle constructive pouvant modifier ses schémas interpersonnels inadaptés (Safran et Muran, 2006; Proulx, 2013).

25 « Bien qu’il manque d’étude pour établir une relation claire entre le sexe des jeunes et la qualité de l’alliance, il semble que les filles

établissent une alliance plus facilement avec leur intervenant que les garçons » (Eltz et al., 1995; Wintersteen et al., 2005 dans Giguère, Lamonde, Turcotte et Paradis, 2014, p. 11).

26 Safran et Muran soutiennent qu’il existe deux types de ruptures d’alliance : 1) la rupture de confrontation dans laquelle le client

exprime directement ses préoccupations, sa colère ou son insatisfaction envers l’intervenant ou envers certains aspects du processus d’intervention; 2) la rupture de retrait ou le jeune se retire, se conforme ou se désengage partiellement de l’intervenant, de ses propres émotions ou de certains aspects du processus thérapeutique (Baillargeon, Leduc et Côté, 2003; Dumais et Baillargeon, 2002; Proulx 2013).

Un projet sur l’alliance thérapeutique, actuellement en expérimentation dans quatre foyers de groupe du Centre jeunesse de Québec-Institut universitaire, témoigne d’un intérêt tangible et grandissant pour cet aspect de l’intervention (Giguère, Lamonde, Turcotte et Paradis, 2014). L’exercice consiste, autant pour le jeune que l’éducateur, à mesurer leur alliance thérapeutique à partir d’une application web. Dans les situations où l’alliance thérapeutique se révèle difficile à établir ou à restaurer avec un jeune, il est suggéré à l’intervenant de tenter d’identifier comment lui-même contribue à cet état de situation pour ainsi réfléchir sur l’influence de ses propres actions et en conséquence, apporter les correctifs qui s’imposent. L’empathie, ainsi que la reconnaissance par l’intervenant des émotions exprimées par le jeune s’avèrent aussi des éléments incontournables. Comme l’alliance thérapeutique est sujette à fluctuer en cours d’intervention, elle se voit régulièrement réévaluée par le jeune et l’éducateur. L’instrument de mesure permet d’évaluer les trois dimensions de l’alliance thérapeutique proposée par Bordin (1979) à savoir : le lien affectif, l’entente sur les objectifs d’intervention et l’entente sur les moyens retenus pour y parvenir (Baillargeon et Puskas, 2013). Les éducateurs rapportent que le fait d’obtenir les résultats sur le champ, accessibles autant pour le jeune que l’éducateur, favorise des discussions très prolifiques avec les jeunes concernés et contribue à un meilleur partenariat sur les objectifs d’intervention (Giguère, Lamonde, Turcotte et Paradis, 2014).