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La fluorescence correspond au phénomène d’émission lumineuse par une substance après absorption d’un rayonnement d’une longueur d’onde différente de celle émise (ex). D’un point de vue moléculaire, le phénomène de fluorescence débute par l’absorption d’un photon. Un électron du niveau fondamental de la molécule atteint alors un état singulet excité. Le retour à l’état fondamental de cet électron après quelques nanosecondes se fait avec l’émission d’un photon de plus faible énergie, i.e. à une longueur d’onde plus élevée. Des processus de décroissance non-radiative, telle que la perte d’énergie sous forme de chaleur, expliquent la différence d’énergie entre le photon absorbé et le photon émis. L’absorbance et l’émission d’un composé fluorescent correspondent ainsi à l’énergie de ces transitions électroniques (Figure 117).

Figure 117 : Diagramme de Jablonski simplifié décrivant le phénomène de fluorescence.

Le principe de fluorescence a été utilisé pour de nombreuses applications notamment en biologie, en science des matériaux et en électronique. L’imagerie cellulaire est un domaine dans lequel la recherche de nouvelles molécules fluorescentes est en constante expansion. Ces molécules servent par exemple à marquer les différentes organelles des cellules afin d’obtenir ensuite des informations structurales par la microscopie confocale.170

Un fluorophore est caractérisé par différents paramètres. Sa capacité à absorber et à réémettre de la lumière est représentée dans son spectre d’absorption et son spectre d’émission caractérisés principalement par leurs maximums. Ces deux spectres sont généralement l’image miroir l’un de l’autre. La différence entre ces deux maximums est appelée déplacement de Stokes, il correspond à la différence d’énergie entre le photon excitateur et le photon émis (Figure 118). En fluorescence, un grand déplacement de Stokes permet de faciliter la détection de la lumière réémise par le fluorophore.

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Figure 118 : Exemple de spectres d’absorption et d’émission–Illustration du déplacement de Stokes (Stokes’ shift). On peut ensuite définir le coefficient d’extinction molaire , qui caractérise la capacité d’une substance à absorber la lumière en solution à une longueur d’onde donnée. Cette valeur relie l’absorbance à la concentration au travers de la loi de Beer-Lambert présentée dans l’Équation 3, valable à une longueur d’onde donnée.

𝐴 = 𝜀 × 𝑙 × 𝐶

Équation 3 : Loi de Beer-Lambert

(avec A= absorbance ; = coefficient d’extinction molaire (M-1.cm-1) ;

l = épaisseur de solution traversée (cm) ; C = concentration du composé (M)).

Le rendement quantique f correspond au rapport des photons émis par une substance sur le

nombre de photons absorbés. De manière expérimentale, on peut le calculer relativement à un fluorophore standard de rendement quantique connu171 en utilisant la formule suivante (Équation 4) :

Φ𝑥 = Φ𝑠𝑡× (𝐴𝑠𝑡 𝐴𝑥) × ( 𝐹𝑥 𝐹𝑠𝑡) × ( 𝑛𝑥2 𝑛𝑠𝑡2) × ( 𝐷𝑥 𝐷𝑠𝑡)

Équation 4 : Equation exprimant le rendement quantique d’un échantillon x par rapport à un standard st (avec A, la valeur de l’absorbance ; F, l’aire sous la courbe d’émission ; n, la valeur d’indice de réfraction du solvant ;

D, le facteur de dilution entre la mesure d’absorbance et la mesure de fluorescence).

La multiplication du rendement quantique et du coefficient d’extinction molaire à une longueur d’onde donnée donne la valeur de la brillance (Équation 5). Elle représente la quantité de lumière émise à une longueur d’onde d’excitation donnée.

𝐵𝑟𝑖𝑙𝑙𝑎𝑛𝑐𝑒 = 𝜀 × Φ𝑥 Équation 5 : Equation de la brillance

(avec , coefficient d’extinction molaire (M-1.cm-1); x, rendement quantique de l’échantillon).

Le potentiel d’une sonde fluorescente à être utilisée en imagerie est généralement déterminé par la valeur de brillance plus que par le rendement quantique. En effet, la brillance prend en compte à la fois la capacité d’une molécule à absorber la lumière ainsi que l’efficacité de la réémission de photons. Par exemple, les sondes de type cyanines, très utilisées en imagerie, possèdent un rendement quantique plutôt bas (0,1 < f < 0,3), mais leur grande capacité à absorber la lumière ( > 100000 M-1.cm-1) en font d’excellentes sondes.

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Les fluorophores sont souvent utilisés pour suivre ou visualiser des molécules ou biomolécules dans des systèmes complexes comme l’intérieur d’une cellule. Lorsque l’on souhaite discriminer une molécule dans son état libre ou liée à son récepteur par exemple l’emploi de sondes fluorescentes classiques nécessite d’effectuer plusieurs lavages pour éliminer le fluorophore utilisé souvent en excès. Il est possible d’y remédier par l’usage de sondes dites pro-fluorescentes (ou turn-on)172, 173 dont la fluorescence est exaltée une fois liée au récepteur. Ce concept est particulièrement utilisé dans le cadre de sondes pro-fluorescentes capables de réagir par chimie click ou chimie bioorthogonale (Figure 119). Le principe de ces sondes est basé sur un état initial non (ou peu) fluorescent qui, suite à une réaction bioorthogonale, devient alors fluorescent. L’intérêt de telles sondes par rapport aux sondes fluorescentes classiques est qu’elles n’émettent pas/peu de signal avant d’avoir réagi. L’excès de sonde utilisé n’est donc pas détectable. Elles permettent ainsi d’augmenter le rapport signal sur bruit tout en se dispensant des lavages qui peuvent être laborieux.

Figure 119 : Marquage d’une biomolécule par une sonde fluorescente ou pro-fluorescente.

Une sonde pro-fluorescente possède plusieurs caractéristiques à déterminer pour évaluer son potentiel et son intérêt. La première est la valeur de turn-on qui renseigne sur la sensibilité de la sonde. Dans la littérature, elle est souvent calculée comme le rapport des rendements quantiques des états ‘’on’’ et ‘’off’’ de la sonde. Ici, nous choisissons d’utiliser le rapport des intensités de fluorescence du produit final et du produit de départ excités à la même longueur d’onde. Plus ce rapport est élevé, meilleur sera le rapport signal sur bruit.

Par ailleurs, les longueurs d’ondes d’excitation et d’émission sont également à considérer, particulièrement pour une application en imagerie. Dans le cas de l’imagerie in cellulo il est nécessaire d’éviter les longueurs d’onde d’excitation trop basses qui seraient trop énergétiques et induiraient une phototoxicité pour les cellules. De plus, les longueurs d’ondes d’excitation et d’émission doivent être adaptées au matériel utilisé pour l’imagerie cellulaire. Pour imager in vivo, les contraintes en termes de longueurs d’ondes sont bien plus exigeantes. En effet, elles doivent être comprises entre 650 nm et 900 nm, correspondant à la fenêtre de transparence des tissus biologiques (Figure 120)174. Il s’agit de la région où l’absorption de l’eau et de l’hémoglobine (Hb/HbO2) sont minimales, la pénétration du rayonnement dans les tissus est donc favorisée dans cette fenêtre.

172 P. Shieh, C. R. Bertozzi, Org. Biomol. Chem. 2014, 12, 9307–9320. 173 A. Nadler, C. Schultz, Angew. Chem. Int. Ed. 2013, 52, 2408–2410.

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Figure 120 : Fenêtre de transparence des tissus biologiques dans le proche infra-rouge. Hb = déoxyhemoglobine ; HbO2 = oxyhemoglobine ; water = eau.174

Les mécanismes permettant un effet ‘’turn-on’’ d’une sonde pro-fluorescente reposent sur différents effets d’extinction de fluorescence (quenching de fluorescence) que nous allons décrire.