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Création d’un building-block bifonctionnel clivable employant les iminosydnones

Nous avons imaginé que les iminosydnones pouvaient s’inscrire dans la problématique des espaceurs clivables bioorthogonaux. Les composés capables d’être coupés de façon exogène, c’est-à-dire par une espèce non présente dans les milieux biologiques sont rares et nous pensons que les iminosydnones pourraient étoffer cette catégorie.

Pour être utilisables dans ce but, les iminosydnones doivent :

 Posséder des groupements permettant de greffer des molécules ou biomolécules de part et d’autre du squelette iminosydnone ;

 Afficher une vitesse de réaction avec les cycloalcynes suffisamment élevée pour réagir de manière efficace en conditions diluées ;

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En prenant en compte ces critères, nous avons mis au point la synthèse d’iminosydnones bifonctionnelles à l’aide des réactions développées dans le Chapitre I que nous rappelons brièvement ici.

La stratégie de synthèse utilise le sel d’iminosydnone iodé 4d (Figure 197) comme synthon. Nous introduisons tout d’abord une fonction urée sur l’azote exocyclique puisque cette fonction accélère la réaction avec les cycloalcynes. Le bras ajouté présente une amine protégée par un groupement Boc, dont les conditions de clivage sont compatibles avec le squelette iminosydnone. L’isocyanate correspondant est généré in situ avec du triphosgene activé par des conditions douces en milieu biphasique. L’urée 8k est obtenue avec un rendement de 70% par filtration et une simple trituration dans l’éther diéthylique comme unique purification sur une échelle de 2.8 g. Nous pouvons ensuite introduire un groupement ester électroattracteur sur l’aryl en position N3 via une carbonylation palladocatalysée comme nous l’avons décrit précédemment. L’iminosydnone 26i est ainsi obtenue avec un rendement quantitatif, là encore sur grosse échelle (1.9 g). L’ester introduit peut ensuite être clivé par une réaction de saponification pour obtenir l’iminosydnone-acide 26k. Cette réaction est assez sensible et est optimale dans un mélange d’eau, de THF et d’éthanol avec 5 équivalents d’hydroxyde de sodium. Le suivi réactionnel doit être strict pour stopper la réaction immédiatement après avoir consommé le produit de départ. Une simple extraction permet d’isoler l’acide carboxylique de façon quantitative à petite échelle et avec un rendement de 80% sur une échelle de 800 mg.

Figure 197 : Synthèse de l’iminosydnone 26k sur large échelle, formation du produit 71 portant un azoture. La synthèse précédemment décrite permet ainsi d’obtenir l’iminosydnone 26k sur large échelle avec des méthodes de purification simples. Elle possède un acide carboxylique et une amine protégée dérivatisables par des couplages peptidiques. Les positions N3 et N6 du squelette iminosdynone ont été également fonctionnalisées de sorte à avoir une réaction de click & release rapide et efficace.

Afin de différencier les réactions nécessaires pour fonctionnaliser les deux extrémités de nos espaceurs, nous avons introduit un groupement azoture sur la structure. Il pourra réagir selon une réaction de CuAAC avec les alcynes terminaux par la suite. Un couplage peptidique entre l’iminosydnone acide 26k activée par HATU et la 3-azidopropan-1-amine permet d’obtenir l’iminosydnone azoture 71 avec un rendement de 76% (Figure 197).

A partir des synthons 26k et 26i, il est possible d’obtenir des iminosydnones conçues pour se cliver rapidement et/ou possédant des fonctions d’accroche orthogonales.

Comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, l’introduction d’un brome en position C4 des iminosydnones permet d’accélérer la réaction de click & release. Celle-ci se fait en utilisant NBS et permet d’obtenir l’iminosydnone bromée bifonctionnelle 27e avec un rendement de 74% (Figure 198).

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Le dérivé bromé 72 est obtenu avec un rendement de 38% sur deux étapes (saponification et couplage peptidique) à partir de l’iminosydnone 27e (Figure 198).

Figure 198 : Formation des synthons 27e et 72

Nous avons ensuite souhaité vérifier que les vitesses de coupure de ces iminosydnones étaient conformes à celles attendues. Nous avons utilisé les produits 26i et 27e qui ne portent pas d’azoture susceptible de réagir avec les alcynes cycliques. Les constantes de cinétique ont été mesurées dans le PBS 10 mM contenant 1% de DMSO avec le BCN et le DBCO (Figure 199).120

Figure 199 : Valeurs de constante de cinétique entre les iminosydnones 26i, 27e et BCN, DBCO en M-1.s-1.

Mesure par absorbance UV ; Solvant : PBS (10 mM)/DMSO 99/1.

L’iminosydnone 26i comportant un groupement électroattracteur en N3 et une urée en N6 réagit avec une constante de l’ordre de 0.2 M-1.s-1 avec BCN et de 3 M-1.s-1 avec DBCO, conformément à ce qui est attendu. L’espaceur bromé 27e affiche des vitesses supérieures. Typiquement, l’ajout du brome permet une accélération de la réaction comparable à l’emploi de DBCO sur 26i, soit d’un facteur 10 environ. Curieusement, la réaction entre 27e et le DBCO ne se révèle pas aussi rapide qu’attendu.

Par la suite, nous avons souhaité vérifier la bioorthogonalité de la réaction de click & release. Pour cela, nous avons synthétisé l’iminosydnone 73 par réaction de CuAAC entre 72 et une coumarine- alcyne (Figure 200).

Figure 200 : Formation de l’iminosydnone-coumarine 73.

Nous obtenons le produit désiré 73 avec un rendement de 42% et montrons ainsi que la réaction de CuAAC est compatible avec le squelette iminosydnone puisqu’aucun produit résultant d’une cycloaddition entre le noyau iminosydnone et l’alcyne n’a été observé. La valeur plutôt moyenne de rendement provient de difficultés de purification à cause de la polarité et du manque de solubilité du

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produit. De plus, nous avons stoppé la réaction avant complétion car une incubation prolongée avec le système catalytique mène à la débromation du produit.

L’ajout du noyau coumarine permet d’augmenter le coefficient d’extinction molaire et d’avoir une meilleure détection de l’iminosydnone. Nous avons donc utilisé cette iminosydnone pour vérifier la biocompatibilité de la réaction de click & release (Figure 201) en laissant incuber l’iminosydnone dans du plasma humain pendant 95h pour nous assurer de sa stabilité puis en ajoutant le cycloalcyne pour contrôler sa réactivité après cette période d’incubation.

Figure 201 : Stabilité de l’iminosydnone 73 dans le plasma pendant 95 heures avant réaction avec le DBCO. Suivi HPLC après précipitation des protéines.

L’espaceur se montre stable dans le plasma sur une période de 4 jours. La réaction de clivage de l’iminosydnone reste efficace malgré son incubation prolongée dans le plasma et la présence de centaines de protéines.

Nous avons ainsi développé des espaceurs clivables facilement dérivatisables issus d’un synthon commun 26i dont la synthèse peut être effectuée à l’échelle du gramme. Le clivage de ces espaceurs s’est montré efficace en milieu biologique. Ces résultats préliminaires nous permettent d’envisager d’utiliser ces espaceurs pour les applications qui nous intéressent.

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