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1. L’univers militant des femmes*

1.1. La place des femmes* au sein des milieux militants

1.1.2. Rôles et tâches au sein d’action de protestation

Une première thématique récurrente par rapport aux réalités de l’action de protestation est le machisme ambiant au sein du milieu militant. Le machisme décrit par ces femmes* relève d’une atmosphère de compétition, de l’importance accordée à la virilité, de la valorisation de l’action, de même que par la pression à faire des actions radicales* ou de confronter la police. Ce machisme s’est exprimé également à travers les attitudes et les comportements d’hommes militants notamment lors des actions de protestation et les positions occupées par les militantes et militants lors de celles-ci. Notons que ce sont les femmes* qui se sont impliquées dans les milieux militants à tendance anarchiste qui ont expérimenté davantage ce machisme. Ceci pourrait être dû au fait que ces milieux semblent être majoritairement masculins et que leur répertoire d’action est entre autres tourné vers l’action, la confrontation et parfois l’utilisation de la violence. Il semblerait qu’une certaine masculinité est importante dans la construction culturelle de ces milieux, qui a des impacts sur ses membres. Ces femmes* critiquent également les agressions sexuelles au sein du milieu militant et la difficulté de recevoir cette critique pour leur camarade masculin. Comme ces femmes* l’apportent, ceci est d’autant plus ironique que certains de ces milieux se proclament proféministes. De plus, une faible majorité de militantes* ont noté que les hommes avaient tendance à se placer au-devant lors de manifestation et à chercher la confrontation avec la police. Elles* notent que les hommes militants semblent menés par l’adrénaline et le désir de l’action. À ce propos, Angela parle de son expérience:

« So I think in protest there is macho. So when you have a bunch of communist and anarchist at a front of a protest, it’s often men. […] Like the guys and the protesters are little worked up. I think they’re very humps, like very macho, like “rawww”! That creates a lot of mistakes and puts a lot of people in danger. »

– Angela Cet extrait vient appuyer ce que les militantes* pensent. Elles* perçoivent que le fait de vouloir aller au-devant et de confronter la police est une façon de se prouver aux yeux de la communauté militante, de se valoriser par le fait de subir de la répression policière et ainsi d’obtenir de la reconnaissance. Plusieurs d’entre elles* parlent de ces attitudes et comportements comme étant les dude being dude ou les super-militants, pour faire référence au caractère héroïque derrière ces comportements. L’entretien de Judith est évocateur sur cette question : « C’est sur que y’a

line et qui veulent que tout le monde sache qu’ils sont genre vraiment nice pis qui lead les affaires. » Toutefois, des perceptions divergentes se sont exprimées chez certaines femmes. Une

d’entre elles* croit que les comportements de chacun ne sont pas différenciés. Pour une autre, il y a plutôt une différence dans le type de confrontation exercée par chacun et chacune : les hommes seraient plus dans la confrontation physique alors que les femmes seraient plus dans la confrontation verbale.

Dans un autre ordre d’idée, au-delà de leur perception des comportements militants lors d’action de protestation, les participantes* ont évoqué leurs propres attitudes et comportements. Un premier élément saillant relève des rôles qu’elles* ont occupés. Tout d’abord, une partie d’entre elles se sont désignées comme étant « médic en manif ». Ce rôle consiste à aider les individus qui sont blessés ou qui présentent des difficultés majoritairement dans les moments où il y avait confrontation entre la police et le groupe. Pour certaines*, cela les a amenées à aller au-devant, près des confrontations, afin d’aider ceux et celles qui se blessaient. Pour une participante, Simone, ce rôle est particulièrement féminin puisqu’il implique d’aider et de soigner les autres. Toutefois, la présence des femmes* au-devant des lignes de confrontation n’est pas exclusivement liée à un rôle de « médic en manif ». Une petite partie d’entre elles* se disent plutôt dans la protection des manifestantes et manifestants ou dans les actions offensives pour déjouer la police et se positionnent en confrontation de manière consciente et désirée. C’est d’ailleurs le cas de Christine : « Moi quand je fais la manif, je suis « on front ». Si les flics

commencent à charger, je ne vais pas m’asseoir et faire des signes de peace (rire). Je me protège et me défends. » À l’inverse, une partie d’entre elles* vont plutôt éviter de se retrouver en avant

de la foule et vont rester en arrière du groupe pour différentes raisons. Certaines* disent avoir peur alors que d’autres trouvent cela dangereux et que cela constitue leur limite. Pour deux femmes, Eve et Kimberly, ceci est entre autres lié au fait que physiquement, elles sont de petite taille, et que cela les met davantage en danger. Finalement, certaines ont recours à une confrontation verbale avec les policiers (plutôt que physique) ou encore s’occupent d’informer les manifestants et manifestantes de leurs droits lorsqu’il y a des arrestations.

Afin de contraster avec la thématique précédente sur les perceptions du machisme au sein du milieu militant, la présence au-devant des manifestations est divisée au sein de l’échantillon des femmes*. Certaines* prennent part aux confrontations, d’autres se positionnent à l’avant, sans

être dans une attitude d’attaque, alors que d’autres évitent de s’y retrouver. Comme l’un des critères d’échantillonnage était d’avoir vécu plusieurs interactions conflictuelles avec la police, un certain biais est présent dans ces résultats. En effet, bien que les militantes* perçoivent que ce sont davantage les hommes militants qui sont au-devant, en réalité environ la moitié des femmes* de l’échantillon se sont retrouvées* au cœur des confrontations avec la police dans les manifestations en fonction de leurs idéologies, leur tempérament et leur répertoire d’action. Il était donc plus propice pour les militantes* de l’échantillon d’avoir vécu ce genre d’expérience considérant les critères d’échantillonnage. Pour remémorer ce qui a été expliqué au chapitre précédent, ces militantes* ne représentent pas la norme en matière d’implication des femmes en action de protestation étant donné l’ampleur de leur expérience militante. Cependant, comme elles possèdent une expérience militante importante, elles* ont pu observer de manière répétée la place qui était dévolue aux femmes dans ce cadre.