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2. Méthodologie qualitative

2.4. Échantillonnage

2.4.1. Critères d’inclusion et de diversification

L’échantillon de participantes* est composé majoritairement de jeunes femmes* blanches, dans la vingtaine, scolarisées (cégep ou université), se mobilisant ou s’étant mobilisées pour la plupart dans les luttes étudiantes et féministes. Comme méthode d’échantillonnage, nous avons procédé par homogénéisation avec critères de diversification interne, que nous avions préalablement établie. Certains critères d’inclusion avaient également été choisis pour déterminer la possibilité de participation à la recherche. Le premier critère consistait à être une personne militante identifiée comme une femme par la société. Ensuite, il fallait avoir vécu à de nombreuses reprises des interactions conflictuelles avec la police dans le contexte d’action de protestation. Par interaction, nous entendons toutes formes d’intervention policière qui ont été exercées auprès des manifestants et manifestantes dont elles* ont été témoins ou directement la cible. Par conflictuel, nous désignons tous les évènements où la police a utilisé les armes à létalité réduite10 auprès de la foule, comme des gaz lacrymogènes, du poivre de Cayenne, des bombes assourdissantes, des balles de plastique, la technique de souricière, les arrestations de masse, etc. ou encore l’utilisation de la force physique à l’endroit des individus. Les interactions conflictuelles peuvent aussi prendre la forme de propos dénigrants ou d’échanges d’insultes de part et d’autre. Dans certaines situations, les interactions conflictuelles avec la police ont pris place hors du contexte d’action de protestation, mais elles étaient toujours liées à l’implication militante. De manière volontaire, le terme « nombreuses » n’a pas été précisé. L’objectif était de permettre aux femmes* qui se sentaient interpelées par le fait d’avoir vécu ce type d’interaction avec la police d’entrer en contact avec nous. Certaines* ont vécu un

10 Les armes à létalité réduite sont des outils technologiques ou des tactiques qui sont réputés présenter un risque

moindre de lésions graves ou mortelles. Elles sont utilisées par les policiers et policières dans une perspective de continuum de la force et ont une visée de neutralisation, diversion ou répulsion des individus (Gendron et al., 2017). Gendron et al. (2017) ont classé les armes à létalité réduite en sept catégories : barrières, armes de diversion, agents chimiques, armes électriques, armes d’impact, armes à énergie dirigée et techniques d’immobilisation provoquée. Au courant des entretiens, les militantes* ont expérimenté les gaz lacrymogènes, le poivre de Cayenne, les bombes assourdissantes, les balles de plastiques, les balles de caoutchouc, la police montée, les souricières et les arrestations de masse, suscitant bien souvent de vives réactions chez elles*.

grand nombre d’interactions conflictuelles alors que d’autres moins, mais pour lesquelles l’intensité et la gravité ont été tout de même marquantes.

Pour ce qui est des critères de diversification interne à l’échantillon, nous désirions approcher des participantes âgées de minimum 21 ans, pour qu’elles puissent avoir suffisamment d’expériences en action de protestation. Elles devaient avoir participé à différents types d’action de protestation telle que des manifestations, blocages, occupations, etc., et avoir eu différents types d’interaction avec la police (verbales, physiques ou encore des arrestations par exemple). Finalement, nous cherchions à rejoindre des femmes mobilisées au sein de causes diverses. Nous avons donc contacté des groupes militants de différents horizons. Toutefois, comme la recherche s’est effectuée sur une base volontaire, il a été difficile d’atteindre une grande diversification au sein de l’échantillon ce qui a amené une certaine homogénéité, ce qui sera discuté dans les limites méthodologiques.

2.4.2. Profil des répondantes*

Un point commun de l’expérience de la majorité des participantes* a été l’implication militante dans la lutte étudiante comme porte d’entrée au militantisme. L’ensemble des participantes*, sauf une, était d’ailleurs mobilisé lors de la grève étudiante en 2012. Pour la plupart, l’implication militante s’est diversifiée au courant des années. Afin d’avoir un portrait caractéristique de chaque participante*, en lien avec les objectifs de recherche, une fiche signalétique a été complétée à la fin de chaque entretien semi-dirigé11. Les variables sociologiques comme l’âge, l’occupation et l’appartenance culturelle ou religieuse ont été contrôlées afin d’avoir un portrait global de l’échantillon, de même que de mettre les résultats en lien avec celles-ci. Il s’est avéré que l’appartenance culturelle ou religieuse n’a pas été un élément distinctif au cœur de l’échantillon, qui est majoritairement composé de femmes* blanches. Nous y reviendrons d’ailleurs dans la section sur les limites. Cet élément était contrôlé au sein de la fiche signalétique afin de comprendre s’il avait une occurrence sur le vécu des femmes dans leur interaction avec la police. Ensuite, des variables stratégiques ont été déterminées en fonction du sujet d’étude. Le nombre d’années d’expérience militantes, les causes pour lesquelles elles se mobilisent, de même que le nombre d’actions de protestation, de

rapports conflictuels et d’arrestations qui ont été estimés par les militantes*. Le tableau 1.1 présente les caractéristiques des participantes.

Tableau I. Caractéristiques reliées au militantisme des participantes* et leurs interactions avec la police

Participantes* Âge Nombre années d’expérience militantisme Causes Nombre moyen d’actions de protestation Nombre moyen de rapports conflictuels Nombre moyen d’arrestations (contravention, accusation criminelle en lien avec le militantisme)

Simone1213 29 ans 10 ans Étudiante Féministe

Plus de 50 Environ 25 1 arrestation (accusation criminelle) Angela14 24 ans 6 ans Antifasciste

Anticapitaliste Contre brutalité

policière Féministe

Plus de 150 Plus de 100 Environ 80 (arrêtée et

détenue)

Kimberly15 26 ans 9 ans Étudiante Féministe

Plus de 100 Plus d’une vingtaine

1 arrestation (contravention)

Emma16 32 ans 7 ans Étudiante

Féministe

Plus de 75 Plus d’une vingtaine

Aucune arrestation Patricia 27 ans 16 ans Abolition des

prisons Étudiante Féministe Contre brutalité policière Environ 400 à 500 Plus de 300. 3 arrestations (contravention)

Eve 23 ans 2 ans Étudiante

Féministe Lutte des travailleurs et travailleuses Environ une vingtaine 4 moments marquants 1 arrestation (contravention)

Judith17 23 ans 5 ans Abolition des prisons Environnementale

Étudiante

Plus de 100 Plus d’une vingtaine

7 arrestations (contravention)

12 Afin de préserver la confidentialité des participantes, tout en gardant un caractère personnifié à la recherche, les

noms employés sont des noms fictifs.

13 Les nombres moyens d’action de protestation et rapports conflictuels ont été estimés à partir de l’entretien. 14 Les nombres moyens d’action de protestation et rapports conflictuels ont été estimés à partir de l’entretien. 15 Les nombres moyens d’action de protestation et rapports conflictuels ont été estimés à partir de l’entretien. 16 Les nombres moyens d’action de protestation et rapports conflictuels ont été estimés à partir de l’entretien. 17 Les nombres moyens d’action de protestation et rapports conflictuels ont été estimés à partir de l’entretien.

Participantes* Âge Nombre années d’expérience militantisme Causes Nombre moyen d’actions de protestation Nombre moyen de rapports conflictuels Nombre moyen d’arrestations (contravention, accusation criminelle en lien avec le militantisme) Féministe

Marie 27 ans 13 ans Étudiante

Contre la brutalité policière Féministe Entre 40 et 50 Entre 10 et 12 1 arrestation (accusation criminelle)

Camille 26 ans 8 ans Étudiante

Féministe

Entre 80 et 100

Entre 20 et 30 1 arrestation (contravention) Christine 30 ans 17 ans (à

revoir) Antifasciste Anticapitaliste Contre la brutalité policière Féministe

Environ 300 Plus d’une vingtaine Plus d’une vingtaine (contraventions et accusation criminelle)

Aurélie 27 ans 5 ans Étudiante

Contre la brutalité policière Féministe Environ une centaine Environ une cinquantaine 8 arrestations (contraventions et accusation criminelle)

Chloé 24 ans 5 ans Étudiante Plus d’une

centaine

Une vingtaine Aucune arrestation

Andréa 23 ans 16 ans Étudiante

Féministe

Environ une centaine

Une vingtaine 1 arrestation Pascale 26 ans 6 ans Anticapitaliste

Antifasciste Contre la brutalité policière Étudiante Féministe Environ une centaine

Une dizaine 1 arrestation (contravention)

Margot 26 ans 11 ans Étudiante

Lutte des travailleurs et

travailleuses Pour le Tibet libre

Pacifiste

Environ une soixantaine

Une quinzaine 1 arrestation (accusation criminelle)

Charlie 24 ans 5 ans Contre la brutalité policière Étudiante Féministe

Une centaine Une vingtaine 2 arrestations (contravention) Laurence 25 ans 10 ans Environnementale

Étudiante Féministe

Environ 50 Une trentaine 1 arrestation (contravention)

Participantes* Âge Nombre années d’expérience militantisme Causes Nombre moyen d’actions de protestation Nombre moyen de rapports conflictuels Nombre moyen d’arrestations (contravention, accusation criminelle en lien avec le militantisme)

Viola 24 ans 7 ans Étudiante

Féministe Entre 50 et 100 Ne pouvait pas dire d’approximation.

2 arrestations (contraventions)

Caroline 22 ans 5 ans Étudiante

Féministe

Environ soixante-dix

Environ 35 Aucune arrestation

Bien que les militantes* se mobilisent pour les luttes féministes, il est possible de comprendre que les actions de protestation féministes sont moins nombreuses et que ce militantisme se représente différemment que par les actions protestataires (comité affinitaire, autodéfense féministe, comité femmes au sein d’une organisation militante, etc.). Les luttes antifascistes, anticapitalistes, contre la brutalité policière sont également représentées dans l’échantillon et finalement en moindre proportion, les luttes environnementales. Les luttes au sein desquelles les participantes se mobilisent n’entrent pas dans un cadre précis, c’est-à-dire qu’il y a une fluidité entre les idéologies et que l’adoption d’une cause particulière n’empêche pas la participation à d’autres luttes politiques. Par exemple, une militante féministe peut également avoir participé à des manifestations contre la brutalité policière ou anticapitaliste. De plus, en ce qui a trait à la participation aux actions de protestation, il est possible de voir que plus de la moitié des femmes* ont participé à au moins une centaine d’actions de protestation. Plus de la moitié ont vécu plus d’une vingtaine de rapports conflictuels avec les forces de l’ordre. Au total, seulement trois participantes n’ont vécu aucune arrestation policière dans le cadre de leur mobilisation. La présentation des résultats permettra de faire un sens autour de ces variables.