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Partie IV. Le remodelage de la chromatine

3. Rôle de la sous-unité Snf5

Bien qu’il ne s’agisse pas de la sous-unité catalytique du complexe, la sous-unité Snf5 est importante pour la structure du complexe, en effet son absence ou sa mutation ont pour conséquence d’importantes perturbations sur le complexe et donc sur la cellule. Cette sous- unité est retrouvée dans tous les complexes SWI/SNF de la levure à l’être humain [178]. Dans les cellules mammifères, la délétion ou une mutation (non-sens, faux sens, décalage du cadre de lecture) de la sous-unité Snf5 sont retrouvées dans 35 % des tumeurs rhabdoïdes malignes [179].

Les études chez la levure modèle S. cerevisiae ont montré l’importance de Snf5 pour l’assemblage et l’intégrité du complexe. En conditions optimales de croissance, le complexe SWI/SNF est recruté sur environ 10% des promoteurs des gènes et ce taux d’occupation augmente en condition de stress [180, 181]. La sous-unité Snf5 favorise le recrutement du complexe au niveau des gènes cibles et permet ainsi d’activer la réponse transcriptionnelle.

Figure 12 : Effet de la perte de la sous-unité Snf5 sur l'intégrité du complexe SWI/SNF chez

S. cerevisiae.

L’absence de la sous-unité Snf5 provoque une dissociation partielle du complexe conduisant à la formation d’un complexe tronqué constitué de la sous-unité catalytique Snf2 et du module Arp (provenant de [167]).

Chez la levure S. cerevisiae, l’absence de la sous-unité Snf5 provoque une perte de l’intégrité du complexe conduisant à la formation d’un complexe tronqué (figure 12) [167]. La perte de la sous-unité catalytique Snf2 provoque le changement de la réponse transcriptionnelle le plus important, toutefois, la perte de la sous-unité Snf5 provoque également un changement transcriptionnel considérable chez la levure S. cerevisiae. La stabilité du complexe affecte la réponse transcriptionnelle, à ce titre, la perte des sous-unités Swp82, Snf11 et Rtt102 qui n’affecte pas la stabilité du complexe, conduit à une réponse transcriptionnelle similaire à la souche sauvage. Les gènes du métabolisme du phosphate, de la recombinaison et de la réplication sont les plus sous-exprimés dans le mutant snf5. À l’opposé, les gènes du métabolisme du soufre, de la biosynthèse de la méthionine et de la cystéine ainsi que ceux de la glycolyse sont surexprimés chez le mutant snf5. Une faible proportion des gènes régulés sont directement fixés par Snf2 ce qui suggère que ces gènes ne sont pas des cibles directes, mais qu’ils sont modulés par l’action du SWI/SNF via leurs régulateurs. La délétion des sous-unités du complexe a peu d’impact sur l’occupation de Snf2 au niveau de ses gènes cibles, par conséquent l’absence de Snf5 affecte peu la présence de Snf2 au niveau des promoteurs des gènes. Néanmoins, en l’absence de Snf5, l’occupation de Snf2 au niveau des gènes impliqués dans la traduction, la biogenèse des ribosomes, le métabolisme du phosphate et la réplication de l’ADN est modifiée.

La présence de Snf2 avec un complexe tronqué (en absence de Snf5) n’est pas suffisante pour une régulation efficace des gènes. Le recrutement de Snf2 au niveau des promoteurs est affecté par le niveau d’acétylation des histones. Les gènes présentant un fort niveau d’acétylation sont moins dépendants de la présence de Snf5, suggérant que le bromodomaine de Snf2 est suffisant pour cibler le complexe SWI/SNF au niveau du promoteur de ces gènes. Tandis que lorsque le niveau d’acétylation des histones est faible, l’intégrité du complexe (en présence de Snf5) est nécessaire pour cibler le complexe sur ces gènes. Snf5 permet ainsi l’interaction avec des activateurs transcriptionnels afin de permettre au complexe SWI/SNF de se fixer sur les gènes et de moduler leur transcription.

Une seconde étude, toujours chez la levure S. cerevisiae, a permis de démontrer l’importance de la sous-unité Snf5 pour la structure et la fonctionnalité du complexe SWI/SNF [182]. L’analyse des interactions entre les sous-unités a révélé que la sous-unité

Snf5 interagit avec six des sous-unités du complexe SWI/SNF. Les interactions de Snf5 avec Swi3 sont les plus nombreuses, suivies de Swi1, Swp82, Taf14, Snf6 et de la sous-unité catalytique Snf2. Snf5 se lie à Snf2 au niveau du domaine ATPase de la sous-unité catalytique. Snf5 promeut la liaison entre le domaine ATPase de Snf2 et l’ADN nucléosomal améliorant ainsi l’activité catalytique et le remodelage des nucléosomes par le complexe SWI/SNF. Ainsi, la sous-unité Snf5 augmente la processivité du complexe en permettant de coupler l’hydrolyse de l’ATP avec le mouvement de l’ADN.

Les analyses structurelles du complexe ont confirmé le rôle important de la sous-unité Snf5 pour l’assemblage du complexe SWI/SNF chez S. cerevisiae. Ce complexe est retrouvé sous diverses conformations qui diffèrent par la proximité ou l’éloignement de domaines particuliers au sein des sous-unités Snf2, Arp7 et Arp9 avec le reste du complexe [183]. La sous-unité Snf5 entoure en partie Snf2, et est ainsi régulatrice de la mobilité des sous-unités Snf2-Arp7-Arp9. L’absence de Snf5 provoque une forte mobilité de ces sous-unités, ce qui peut conduire à la dissociation du complexe. Le complexe SWI/SNF se fixe sur le nucléosome telle une pince, ayant Snf2 comme tête de la pince, une première patte comportant Snf5 et la seconde patte composée d’Arp7 et Arp9. Les diverses conformations du SWI/SNF montrent le dynamisme de ce complexe lorsqu’il fixe un nucléosome. Il semblerait que le nucléosome soit dans un premier temps fixé par le module Arp7-Arp9, puis grâce à la mobilité d’Arp7-Arp9, le nucléosome serait apporté au domaine ATPase de Snf2. Le changement de conformation de Arp7-Arp9 pourrait moduler la conformation du domaine ATPase de Snf2 et ainsi contrôler l’efficacité du remodelage. D’où l’importance de la sous- unité Snf5 qui module les mouvements d’Arp7-Arp9 et par conséquent la conformation de la sous-unité catalytique de Snf2.

Outre l’importance de Snf5 pour l’intégrité du complexe SWI/SNF, sa localisation est régulée par la teneur en oxygène chez la levure S. cerevisiae [184]. En condition normoxique, les protéines du complexe SWI/SNF sont présentes au niveau du noyau. L’hypoxie va induire une délocalisation des protéines Snf5, Swi3, Snf6, Snf11, Snf12 et Swp82 au niveau du cytosol, puis après réoxygénation, ces protéines relocalisent au noyau. À l’inverse, la sous-unité catalytique Snf2 ainsi que Taf14 demeurent nucléaires, indépendamment de la teneur en oxygène. Ceci montre une altération de la composition du

complexe SWI/SNF en hypoxie, avec une partie du complexe délocalisant hors du noyau. Ces résultats suggèrent que l’oxygène en modulant la composition du complexe, module l’expression des gènes cibles du SWI/SNF.