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Partie II. La flexibilité métabolique

1. Flexibilité métabolique de la levure modèle S cerevisiae

S. cerevisiae est une levure ubiquitaire retrouvée dans l’environnement. Grâce à sa capacité de fermentation, elle a été largement utilisée pour la fermentation des boissons ainsi que des aliments depuis des millénaires. Les premières traces de son utilisation pour la fermentation datent d’environ 9000 ans [91]. Toutefois, bien qu’elle soit présente sur les

fruits, le dogme selon lequel la niche écologique de S. cerevisiae serait les fruits est remis en question. Il semblerait qu’il s’agisse plutôt d’une levure nomade capable de survivre dans des environnements divers [92]. Bien que l’on ne puisse pas utiliser le terme niche écologique, S. cerevisiae est retrouvée préférentiellement dans des environnements riches en sucres. Cette levure peut utiliser différentes sources de carbones telles que le sucrose, le maltose, le glycérol, l’éthanol, cependant le glucose est sa source de carbone de préférence. Ainsi, la présence de glucose réprime les voies d’utilisation des sources de carbone alternatives, il s’agit de la répression par le glucose. S. cerevisiae est une levure dite Crabtree positive, c’est-à-dire qu’elle produit de l’ATP par la fermentation même en présence d’oxygène lorsque la teneur en glucose est élevée. Ceci est également contrôlé par la répression par le glucose.

1.1 Perception et signalisation du glucose

Trois voies de signalisation gouvernent la perception des sucres et la réponse métabolique : la voie Snf3/Rgt2, la voie Snf1/Mig1 et la voie de l’AMPc/PKA (figure 7) [93].

Voie Snf3/Rgt2 ou voie SRR (Sugar Receptor-Repressor). La levure S. cerevisiae perçoit le glucose grâce à deux senseurs transmembranaires Snf3 et Rtg2. Ces récepteurs vont ensuite activer les kinases Yck1 et Yck2, qui vont phosphoryler les protéines Mth1 et Std1. La phosphorylation de ces protéines est un signal de dégradation par le système protéasome. La dégradation de Mth1 et Std1, provoque l’hyperphosphorylation du facteur de transcription Rgt1 par les protéines kinases. L’hyperphosphorylation de Rgt1 provoque sa perte de liaison à l’ADN, il ne peut ainsi plus réprimer les gènes codant pour les transporteurs d’hexose HXT1-17 qui sont alors transcrits.

Figure 7 : Représentation des voies de signalisation gouvernant la réponse aux sucres chez la levure

S. cerevisiae.

Les trois voies majeures gouvernant la perception et la signalisation en réponse aux sucres sont représentées. La voie Snf3/Rgt2 ou voie SRR (Sugar Receptor Repressor) est représentée en vert, la voie Snf1/Mig1 appelée voie de répression par le glucose est en rouge et la voie de l’AMPc est en bleu (provenant de [93]).

Voie Snf1/Mig1 (Glucose Repression Pathway). La disponibilité en glucose régule l’activité de l’AMPK (Snf1) qui est un régulateur central de la répression par le glucose. En présence de grande quantité de glucose, Snf1 est inactif et reste dans le cytoplasme. Les gènes impliqués dans le métabolisme alternatif pour l’utilisation d’autres sources de carbone que le glucose sont alors maintenus réprimés par Mig1. En présence de glucose, l’action répressive de Mig1 est également maintenue grâce à l’hexokinase Hxk2 qui permet la première étape de phosphorylation de la glycolyse en générant du glucose-6-phosphate. En interagissant avec Mig1, Hxk2 cache le résidu de Mig1 phosphorylable par Snf1, permettant ainsi la formation du complexe répresseur Hxk2/Mig1 [94].

Voie de l’AMPc. Le glucose est perçu par Gpr1, un récepteur transmembranaire couplé aux protéines G, ce qui permet l’activation de l’adénylate cyclase Cyr1 qui va alors produire de l’AMPc [95]. Il est également possible pour la cellule d’activer Cyr1 par l’activation préalable de Ras par le fructose-1,6-bisphosphate (intermédiaire de la glycolyse) [96]. L’augmentation de la concentration cytoplasmique d’AMPc active les protéines kinases A (PKA) : Tpk1, Tpk2 et Tpk3 en les dissociant de la sous-unité régulatrice Bcy1. Ces PKA vont alors phosphoryler diverses protéines impliquées dans le métabolisme et la moduler la transcription des gènes cibles (répression de la néoglucogenèse, activation de la glycolyse) [97].

Dans la cellule, le glucose est oxydé par la glycolyse qui a lieu au niveau du cytoplasme, puis par la respiration, c’est-à-dire par le cycle de Krebs suivi de la phosphorylation oxydative au sein des mitochondries lorsque la teneur en oxygène est élevée. Lorsque la teneur en oxygène se réduit, le pyruvate produit par la glycolyse est transformé en éthanol par la fermentation. Cependant, S. cerevisiae est une levure dite Crabtree positive, lorsque le glucose est présent en concentrations élevées il est oxydé par la voie de la glycolyse suivi par la fermentation alcoolique, au niveau cytoplasmique. [98]

1.2 Déplétion en glucose et utilisation de sources de carbones alternatives

Lorsque le glucose s’épuise dans l’environnement, la levure active les voies permettant l’utilisation de sources de carbones alternatives. La kinase Snf1 joue un rôle central afin de permettre ce changement métabolique [99]. Par l’effet Crabtree, la déplétion

en glucose provoque la transition d’un métabolisme fermentaire à respiratoire. Snf1 semblerait également impliquée dans cette réponse métabolique [100].

Voie Snf3/Rgt2 (SRR). Lorsque le glucose se raréfie, les protéines Mth1 et Std1 ne sont pas dégradées, et interagissent avec le facteur de transcription Rgt1, empêchant ainsi l’hyperphosphorylation de ce dernier. Rgt1 reste fixé aux promoteurs des gènes des transporteurs d’hexose (HXT) et réprime leur transcription. La liaison de Rgt1 à l’ADN est favorisée par sa phosphorylation par Snf1.

Voie de l’AMPc. En absence de glucose, l’adénylate cyclase n’est pas stimulée, ni par la voie de Gpr1, ni par la voie Ras. Il n’y a par conséquent pas d’augmentation d’AMPc. Les protéines kinases A : Tpk1, Tpk2 et Tpk3 sont alors inactives car elles sont attachées à la sous-unité régulatrice Bcy1.

Voie Snf1/Mig1. Quand le glucose se raréfie la phosphorylation de Snf1 augmente grâce à la phosphorylation par les kinases en amont de Snf1 (Sak1, Tos3 et Elm1) et surtout par une réduction de la déphosphorylation par le complexe phosphatase Reg1-Glc7 [101]. Snf1 phosphorylée va à son tour phosphoryler Hxk2 et Mig1 qui vont alors être exportés en dehors du noyau. L’exportation de Hxk2 et Mig1 provoque la dissociation du complexe répresseur. Les gènes réprimés par de fortes concentrations en glucose sont ainsi transcrits. Il s’agit entre autres des gènes de l’utilisation de sucres alternatifs (tels que SUC2 pour l’utilisation du sucrose) et de la bêta-oxydation pour la dégradation des lipides. Ceci a pour but de permettre l’oxydation des molécules organiques disponibles afin de générer l’ATP nécessaire à la croissance cellulaire.