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Partie II. La flexibilité métabolique

2. Flexibilité métabolique chez C albicans

2.5 Lien entre pathogénicité et flexibilité métabolique

La flexibilité métabolique est un facteur de virulence important, car l’utilisation de sources de carbone alternatives va impacter les traits de pathogénicité de C. albicans (figure 10) [123]. Le sucre disponible va influencer la sensibilité aux stress, la transition levure- filament ainsi que la formation de biofilms. La paroi cellulaire est également modifiée en fonction de la source de carbone utilisée par C. albicans, ce qui perturbe la reconnaissance par le système immunitaire.

Figure 10 : Schéma représentant l'influence des nutriments sur l'expression des différents traits de

virulence de C. albicans.

La quantité ainsi que la nature des sources de nutriments influencent le métabolisme ainsi que la signalisation cellulaire modulant ainsi l’expression des traits de virulence (provenant de [123]).

Les analyses transcriptomiques de C. albicans en cours de phagocytose par les macrophages ont démontré une induction des gènes de la néoglucogenèse, de la β-oxydation et du cycle du glyoxylate [124]. L’importance de ces voies a été confirmée grâce à l’inactivation de gènes codant pour des protéines de ces voies alternatives qui provoque une réduction de la virulence. Le mutant icl1 dont le gène code pour une enzyme du cycle du glyoxylate est plus sensible aux stress et n’est pas virulent dans un modèle d’infection systémique murin [125]. Chez S. cerevisiae, la présence de glucose provoque la dégradation de la protéine Icl1 à la suite d’un signal d’ubiquitination, or il n’y a pas de site d’ubiquitination analogue chez C. albicans ce qui ne permet pas au glucose de favoriser la dégradation de cette protéine. L’ajout d’un site d’ubiquitination dans la protéine CaIcl1 favorise sa dégradation en présence de glucose et réduit ainsi la capacité de C. albicans à utiliser simultanément du lactate et du glucose. L’ajout de ce site d’ubiquitination rend

également la levure C. albicans plus sensible aux macrophages, réduit la colonisation intestinale et atténue la capacité à causer des infections systémiques dans des modèles murins [126]. De plus, les mutants fbp1 et pck1 dont les gènes codent pour des enzymes de la gluconéogenèse, se sont également avérés être moins virulents que la souche sauvage dans des modèles d’infection systémique murins, ce qui renforce l’idée de l’importance de la flexibilité métabolique pour la virulence [127, 128].

La source de carbone utilisée par la levure C. albicans a un impact important pour la résistance aux stress. En présence de lactate comme source de carbone comparativement au glucose, C. albicans est plus résistant au stress pariétal induit par le calcofluor white et le rouge congo. La tolérance aux antifongiques tels que l’amphotéricine B, la caspofongine et le fluconazole est elle aussi augmentée en présence de lactate [129, 130]. L’utilisation de diverses sources de carbone comme le galactose, le lactate, le pyruvate, le sorbitol et l’acide oléique rend également la levure plus résistante au stress osmotique causé par le NaCl [130]. Cependant, une augmentation de la concentration en glucose (de 0.01 à 1 %) provoque une induction des gènes de la résistance au stress oxydatif, ce qui a pour conséquence de permettre aux levures de mieux résister au stress engendré par le peroxyde d’hydrogène (H2O2) [131].

La capacité à former des biofilms est un des plus importants traits de virulence pour ce pathogène. Bien que les données de la littérature ne se recoupent pas toujours du fait de la variabilité entre les protocoles expérimentaux, elles démontrent que la source de carbone utilisée va moduler l’adhésion et la formation de biofilms matures [132, 133]. Les levures qui utilisent le lactate comme source de carbone présentent une plus forte adhérence sur une surface abiotique. De plus, en présence de lactate la biomasse est plus importante après 24 h et 48 h de maturation de biofilm. Le lactate a un rôle bénéfique dans la formation des biofilms en permettant une meilleure adhésion ainsi que pour la formation de biofilms matures en comparaison avec le glucose comme source de carbone [134]. La dispersion du biofilm est elle aussi influencée par la source de carbone. En présence de galactose ou de maltose, la dispersion du biofilm est plus faible qu’en présence de glucose. De plus, la dispersion est

également proportionnelle à la concentration en glucose, un milieu riche favorise la dispersion du biofilm [135].

Enfin, la paroi cellulaire qui est l’interphase entre la levure et l’environnement extérieur est elle aussi modifiée en fonction de la source de carbone disponible. La présence de lactate modifie l’architecture et amincit la paroi cellulaire par réduction des composants pariétaux tels que la chitine, les β-glucanes et les mannanes [129, 130]. Cette modification de la paroi en présence de lactate entraine in vitro une réduction de la phagocytose par les macrophages [120]. En présence de lactate, les β-glucanes sont moins reconnus par le récepteur Dectine-1 des macrophages, ce qui explique la réduction de la phagocytose. Le changement de source de carbone utilisée par la levure modifie également le protéome de la paroi cellulaire. La transcription du gène SAP2 est augmentée en présence de galactose ou de glycérol et les protéines Sap9 et Als2 sont plus abondantes lorsque le lactate est utilisé comme source de carbone par la cellule [133, 136]. Les protéines exprimées et sécrétées par les cellules utilisant le lactate, corrèlent avec l’augmentation de l’adhérence de ces cellules par rapport à celles utilisant le glucose.

Il est donc important de mieux comprendre le fonctionnement et l’impact de l’utilisation des sources de carbone, en particulier des sources alternatives, car l’environnement nutritif joue un rôle considérable pour la virulence de la levure, notamment sur l’efficacité des traitements antifongiques.