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Perception de l’homéostasie cellulaire par l’AMPK (Snf1)

Partie IV. Le remodelage de la chromatine

Chapitre 4. Discussion et perspectives

2. Les acteurs de la perception hypoxique et le rôle de la sous-unité Snf5

2.2 Perception de l’homéostasie cellulaire par l’AMPK (Snf1)

Présente chez tous les eucaryotes, la protéine kinase activée par l’AMP (AMPK) est considérée comme la jauge énergétique cellulaire, elle s’active lorsque l’énergie cellulaire se réduit [229]. Chez les cellules mammifères, elle est activée lorsque le glucose se raréfie, mais également lorsque la teneur en oxygène est réduite. Elle agit en régulant l’activité des protéines par phosphorylation dans un premier temps puis dans un second temps elle module l’expression des gènes. Elle est ainsi le lien entre les métabolites et l’adaptation cellulaire. L’activation de l’AMPK est sujet à discussion, bien qu’une activation soit reportée en condition hypoxique, il n’est pas encore clairement établi si son activation est réalisée par le

stimulus hypoxique directement ou plutôt comme un effet secondaire des conséquences du métabolisme hypoxique. Chez les cellules mammifères, l’activation de l’AMPK semble pouvoir être réalisée de trois façons. La kinase LKB1 est activée par un ratio AMP/ATP élevé et permet la phosphorylation du résidu thréonine de l’AMPK, CaMKK2, une autre kinase quant à elle dépendante du calcium, permettrait également la phosphorylation de l’AMPK. Enfin, une augmentation des ROS peut directement activer l’AMPK en condition hypoxique [230].

Lorsqu’elle est activée, l’AMPK a pour rôle de limiter la consommation en ATP de la cellule. Par exemple en favorisant l’endocytose de la pompe sodium-potassium (Na-K-ATPase), cette pompe étant très consommatrice en ATP. L’AMPK permet également de réduire la consommation en ATP de la cellule en réduisant la traduction. L’AMPK va aussi permettre l’augmentation de la production d’ATP en favorisant l’entrée du glucose dans la cellule en permettant la translocation des récepteurs au glucose vers la membrane plasmique, de plus l’AMPK stimule le flux glycolytique afin de produire plus d’ATP.

Chez les levures toutes les fonctions de l’AMPK (Snf1) et ses régulations ne sont pas encore élucidées. Chez S. cerevisiae, Snf1 régule la réponse métabolique en fonction de la disponibilité en nutriments, elle permet également la réponse contre divers stress : oxydatif, thermique, contrôle le cycle cellulaire, participe à la réponse à la suite du dommage à l’ADN, et régule l’endocytose [231-233]. En hypoxie, les enzymes glycolytiques se regroupent en foci dans le but d’accélérer la glycolyse. Cette organisation est dépendante de la protéine Snf1 et des ROS [234]. Cette fonction de Snf1 en hypoxie est retrouvée chez la levure S. cerevisiae et également dans les cellules humaines [235]. La complémentation de l’AMPK humaine dans une souche de S. cerevisiae déficiente pour le gène snf1, corrobore l’idée que les fonctions de l’AMPK/Snf1 seraient conservées entre les deux organismes [236].

Chez C. albicans, les connaissances concernant Snf1 sont limitées. Tout comme ce qui a été observé chez l’AMPK humaine et ScSnf1, la carence en glucose induit une augmentation de la phosphorylation de Snf1 au niveau de son résidu Thr208 [237]. La phosphorylation du résidu Thr208 face au stress oxydatif est dépendante de l’agent inducteur. Le buthionine sulphoximine (BSO), un composé qui réduit la quantité de glutathion, provoque une augmentation de la phosphorylation de Snf1 tandis que le CCCP qui est un agent découplant de la chaîne de phosphorylation oxydative ne provoque qu’une très faible

augmentation de la phosphorylation et de façon surprenante, cette augmentation est inversement proportionnelle à la concentration en CCCP utilisée [238].

Dans le chapitre 2, nos résultats de phosphorylation de Snf1 au niveau de son résidu Thr208 montrent une forte phosphorylation du résidu Thr208 lorsque la source de carbone est le sucrose. Cependant, nous n’avons pas observé d’augmentation de phosphorylation en hypoxie à la fois en présence de glucose et également en présence de sucrose. Ceci démontre que contrairement aux cellules mammifères, Snf1 n’est pas phosphorylée au niveau de son résidu Thr208 en condition hypoxique. Et de façon plus surprenante, la phosphorylation observée en présence de sucrose est perdue en condition hypoxique. Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, Snf1 n’est pas phosphorylée au niveau de son résidu Thr208 en hypoxie. Cependant, la perte de phosphorylation en présence de sucrose en hypoxie suggère une régulation de la phosphorylation de Snf1 en fonction de la teneur en oxygène. Ces résultats soulèvent plusieurs hypothèses quant à l’implication de Snf1 pour la flexibilité métabolique hypoxique chez C. albicans.

La première hypothèse est que Snf1 pourrait être activée autrement que par phosphorylation. En effet, bien que la phosphorylation soit la modification post-traductionnelle la plus répandue et par conséquent la plus étudiée, il existe plus de 200 modifications post- traductionnelles [239]. Les ROS participent à ces modifications post-traductionnelles en oxydant les groupements thiols (SH) des cystéines [240]. Au vu des connaissances que nous avons de l’hypoxie concernant l’augmentation de ROS et compte tenu de l’implication de ces derniers pour les modifications post-traductionnelles, on pourrait supposer que Snf1 serait activée par une oxydation de ses groupements thiols en condition hypoxique. Cette hypothèse est soutenue par l’observation d’une oxydation des cystéines de l’AMPK des cellules mammifères lors d’un stress oxydatif permettant son activation [241].

La seconde hypothèse est que Snf1 ne serait pas un senseur de l’ATP chez C. albicans. On peut supposer que le complexe SWI/SNF qui utilise de l’ATP pour remodeler la chromatine pourrait être un senseur de l’ATP cellulaire et donc un senseur d’un environnement hypoxique. Cette seconde hypothèse est soutenue par la réponse transcriptionnelle que nous avons observée chez le mutant snf5 qui ressemble généralement à celle des cellules où Snf1 est inactivé [242]. En effet, tout comme l’AMPK, Snf5 est un régulateur de l’homéostasie

cellulaire. Elle favorise la production d’énergie par le catabolisme et limite la perte d’énergie en réprimant les processus coûteux en énergie telle que la biogenèse des ribosomes qui consomme jusqu’à 60 % de l’énergie de la cellule. De plus, l’étude du complexe SWI/SNF chez la levure S. cerevisiae montre l’importance de la sous-unité Snf5 afin de permettre l’hydrolyse de l’ATP du fait de sa localisation proche du domaine ATPase de la sous-unité catalytique Snf2 [182].