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Partie I. Candida albicans

4. Le fitness fongique

Le terme anglais fitness désigne la capacité d’un organisme à croitre lorsque les conditions sont hostiles, ceci grâce à une perception et une adaptation efficace face aux changements environnementaux. C. albicans colonise et infecte différentes niches au sein de l’hôte où les conditions environnementales sont variables entre les niches mais également dynamiques au sein d’une même niche. Les principaux facteurs variables au sein de l’hôte sont le pH, les nutriments, l’oxygène, les minéraux tels que le fer, le zinc et le cuivre. La réponse aux stress tels que le stress osmotique et le stress oxydatif fait également partie du fitness fongique. C. albicans est un pathogène opportuniste robuste capable de s’adapter et de proliférer dans une très large gamme de conditions environnementales. Le fitness est par conséquent important pour le commensalisme et la virulence.

4.1 Le pH

Au sein de l’être humain, le pH est un facteur très variable, il est plutôt neutre pour le sang (7.4), acide pour le vagin (~ 4) et varie de 2 à 8 pour le tractus digestif. C. albicans peut se développer à des pH variant de pH 2 à pH 10, ce qui nécessite une perception et une adaptation efficace de ce champignon pour survivre et se développer [63]. Le pH environnemental a un impact sur les cellules, en effet, les protéines ont un pH optimal pour leur activité, ainsi, un pH inférieur ou supérieur à ce pH optimal peut conduire à des protéines non fonctionnelles. Les protéines sécrétées et celles exposées à la surface du micro-

organisme sont particulièrement sujettes aux variations de pH. C. albicans perçoit et s’adapte au pH environnant et régule l’expression des gènes codant pour les protéines exposées.

Chez C. albicans, la perception et l’adaptation au pH est régi par la voie de transduction du signal Rim101. Le pH environnemental est perçu par deux récepteurs membranaires Dfg16 et Rim21. Lorsque le pH est alcalin, la protéine Rim8, associée à Rim21 est ubiquitinylée, provoquant le recrutement de la protéase Rim13 au niveau du domaine inhibiteur C-terminal de Rim101. Ce domaine inhibiteur est ensuite clivé, conduisant à la forme active du facteur de transcription Rim101, qui va ensuite migrer au noyau pour activer la réponse transcriptionnelle associée à un pH alcalin [64].

Le facteur de transcription Rim101 est un régulateur du morphotype de C. albicans, un pH acide favorise la transition white-opaque [65], tandis qu’un pH basique favorise la transition levure-filament [66].

C. albicans perçoit et s’adapte au pH environnemental, et de façon plus surprenante, cette levure à la capacité de modifier le pH environnant. C. albicans peut augmenter le pH de 4 à 7 grâce à un processus d’alcalinisation via l’ammoniac [67]. Ce processus a lieu lorsque l’environnement est pauvre en glucose et riche en acides aminés, une condition retrouvée dans les cellules phagocytaires. Cette augmentation de pH est alors corrélée à la filamentation, un trait de virulence important de cette levure.

4.2 Les métaux

La présence de métaux est essentielle pour tous les organismes vivants, bien que les quantités requises soient faibles. Les métaux les plus importants sont le fer, le zinc, le cuivre, le manganèse et sont nécessaires au fonctionnement des métalloprotéines telles que certains facteurs de transcription et des enzymes [68]. Cependant, à de fortes concentrations ils peuvent être toxiques pour les cellules, une régulation de leurs teneurs cellulaires est donc primordiale.

L’homéostasie cellulaire du fer est la plus étudiée chez C. albicans néanmoins, les autres métaux sont tout aussi importants. La solubilité d’éléments essentiels tels que les ions est dépendante du pH, ainsi la transition du fer de la forme Fe2+ (soluble) à Fe3+ (insoluble) dépend du pH. Au sein de l’être humain, presque tout le fer est séquestré par des protéines

(hémoglobine, ferritine, transferrine). Contrairement au champignon pathogène de l’être humain Aspergillus fumigatus, qui dépend uniquement des sidérophores, peptides sécrétés chélatant le fer, C. albicans peut utiliser différentes sources de fer [69]. En effet, C. albicans possède plusieurs perméases au fer, il peut également tirer profit du fer contenu dans l’hémoglobine, la ferritine et la transferrine [70]. C. albicans exploite aussi les sidérophores produits par d’autres micro-organismes [71].

4.3 La réponse aux stress

4.3.1 Le stress oxydatif

Durant l’infection, C. albicans rencontre des cellules immunitaires qui exercent en partie leur activité antimicrobienne en produisant des espèces réactives de l'oxygène (ROS) [72]. Pour faire face au stress oxydatif, cette levure possède différents mécanismes de défense. Dans la levure, les ROS sont transformés en peroxyde d’hydrogène (H2O2) par les superoxydes dismutases (Sods) puis en eau (H2O) par la catalase.

En présence d’H2O2 le facteur de transcription Cap1 subit une oxydation de ses résidus cystéines et s’accumule dans le noyau. Cap1 permet ensuite l’expression de nombreux gènes impliqués dans la réponse au stress oxydatif tels que la catalase (CAT1), la glutathion réductase (GLR1), la thiorédoxine (TRX1) ainsi que la superoxyde dismutase (SOD1) afin de neutraliser les ROS [73].

Lorsque les teneurs en ROS sont très élevées, la voie Hog1 SAPK (Stress-Activated MAPK) participe également dans la réponse au stress oxydatif [74]. En effet, le facteur de transcription Hog1 est hyperphosphorylé en présence d’H2O2 et le mutant hog1 est plus sensible à ce stress.

4.3.2 Le stress osmotique

Le stress osmotique est également un stress auquel C. albicans fait face au sein de l’hôte en particulier dans le tractus digestif. Lorsque l’environnement est hyperosmotique, le facteur de transcription Hog1 est phosphorylé par la voie des MAPK (Mitogen-Activated Protein Kinase). Hog1 permet ensuite l’activation de la transcription des gènes de la biosynthèse du glycérol RHR2 et GPD2 [75]. Hog1 active aussi l’expression du gène STL1

codant pour un transporteur à glycérol [76]. Ainsi l’activation de Hog1 par sa phosphorylation conduit à une accumulation du glycérol intracellulaire afin de contrecarrer une déshydratation due au stress osmotique [77].

4.3.3 Le stress thermique

Le stress thermique peut provoquer une augmentation du nombre de protéines mal repliées et engendrer des agrégations non spécifiques entre les protéines pouvant conduire à la mort cellulaire. Pour faire face à cela, lors d’un stress thermique il y a une augmentation de l’expression des Heat Shock Proteins (Hsps) qui jouent un rôle clé pour le repliement correct des protéines. Lors d’une fièvre, la température corporelle de l’hôte augmente, cette augmentation thermique provoque une modification de la fluidité membranaire. Ceci conduit à une hyperphosphorylation du facteur de transcription Hsf1 qui va activer la transcription des gènes de la réponse au stress thermique dont HSP107, HSP70 et HSP90 codant pour des protéines chaperons. Hsf1 régule également l’expression de gènes impliqués dans divers processus tels que la réponse au stress oxydatif (TRX1, TSA1, GPX3), l’adhésion (ALS1, ALS3, ALS4) et la filamentation (ACE2) [78, 79].

La capacité de perception et d’adaptation de C. albicans à divers stimuli est tout aussi importante pour son mode de vie en tant que micro-organisme commensal que pathogène. À ce titre, les mutants de gènes impliqués dans diverses voies de signalisation se sont avérés avoir un défaut de colonisation commensale et sont avirulents dans un modèle d’infection de C. albicans [80]. Ces différentes voies de signalisation sont donc indispensables pour une réponse efficace face aux changements environnementaux qui peuvent survenir brutalement. Bien qu’elles aient été décrites de façon distincte, de plus en plus d’études mettent en évidence des connexions complexes entre ces différentes voies, qu’il faut alors plutôt voir comme un réseau de signalisation en réponse aux modifications environnementales. À titre d’exemple, Hog1 est impliqué dans la réponse au stress osmotique, oxydatif, au fer et dans la réponse aux métaux lourds [75, 81]. De façon non dépendante de la température, le régulateur de la réponse à la température, Hsf1, est également impliqué dans la réponse au fer [82].