1 Préambules
1.2 Système sérotoninergique
1.2.5 Système mésolimbique de la récompense
1.2.5.3 Rôle du récepteur 5-‐HT2C dans l’addiction et la récompense
Le terme d’addiction viendrait du vieux français : un terme juridique qui signifie « devenir esclave pour rembourser ses dettes ».
En 1981, l’OMS définit la définit la dépendance comme un « syndrome pour lequel la consommation d’un produit devient une exigence supérieure à celle d’autres comportements qui avaient auparavant une plus grande importance ».
C’est Aviel Goodman qui en 1990 théorise le concept général d’addiction qu’il définit comme « un processus par lequel un comportement, pouvant à la fois produire du plaisir et soulager un malaise intérieur, est réalisé sous un mode caractérisé par à la fois l’échec répété dans le contrôle de ce comportement (on parle d’impuissance) et la persistance de ce comportement malgré les conséquences négatives significatives (c’est le défaut de gestion) [260].
Les circuits ciblés par les drogues addictives modulent le plaisir et le renforcement des comportements associés aux renforçateurs naturels tels que la nourriture, l’eau et le contact sexuel. Les neurones dopaminergiques dans le VTA sont activés par les renforcateurs naturels, et vont libérer de la dopamine dans le NAC. Le NAC et le VTA sont des éléments centraux du circuit de récompense et de la mémoire de la récompense. Comme mentionné précédemment, l'activité des neurones dopaminergiques dans l'aire tegmentaire ventrale semble être liée à la prédiction de la récompense. Le NAC est impliqué dans l'apprentissage associé au renforcement et la modulation des réponses motrices à des stimuli qui
répondent aux besoins homéostatiques internes. La capsule du NAC semble être particulièrement importante pour les actions initiales des drogues au sein des circuits de récompense : les drogues addictives semblent avoir un effet plus important sur la libération de dopamine dans la capsule que dans le coeur du NAC [247].
La dépendance est aujourd’hui reconnue comme une intégration désordonnée des aspects cognitifs et motivationnels de comportement de la récompense dirigée impliquant les structures mésolimbique et corticostriatale [261].
Dès 1988, les travaux de Di Chiara et Imperato vont montrer que les substances addictogènes comme l’amphétamine et la cocaïne, l’héroïne, la morphine, le cannabis, l’alcool et la nicotine, agissent sur la libération de dopamine dans le NAC et stimulent donc le système de la récompense. Bien qu’induisant des mécanismes initialement différents, dans la modulation de la libération ou de la recapture de neurotransmetteur, ou de l’activité électrique des neurones, les produits toxicomanogènes ont une action commune finale, à savoir la libération de dopamine, pouvant induire une dépendance.
Concernant les psychostimulants, l’amphétamine et la cocaïne entraînent une augmentation extracellulaire très importante de dopamine et de noradrénaline. Alors que les amphétamines provoquent une libération de ces monoamines à partir des vésicules de stockage, la cocaïne agit sur leur recapture en bloquant leurs transporteurs. Par ailleurs la cocaïne va aussi bloquer la recapture de sérotonine. Ainsi, lors des expériences sur des animaux « knock-‐out » dépourvus de système de recapture de dopamine, on observe que ceux-‐ci continuent à s’auto-‐administrer de la cocaïne [262]. Il existe donc une action des psychostimulants en amont de l’effet dopaminergique dans le NAC qui constitue l’arrivée du système mésolimbique.
Muller et Hutson en 2006, montrent que le système sérotoninergique est impliqué dans la dépendance aux psychostimulants et proposent les récepteurs 5-‐HT comme cibles des traitements de celle-‐ci [263].
Or parmi les récepteurs 5-‐HT, les récepteurs 5-‐HT2C auraient la particularité de réguler trois axes principaux : dopaminergique, mésolimbique, et mésocortical et nigrostrié [264].
Ils sont les seuls présents dans le VTA qui correspond, comme décrit précédemment, au point de départ des neurones dopaminergiques du système mésolimbique.
Le récepteur 5-‐HT2C exerce un contrôle tonique inhibiteur sur l’activité des neurones dopaminergiques centraux. Ainsi les agonistes et antagonistes 5-‐HT2C vont respectivement inhiber ou activer la libération de dopamine ainsi que l’activité électrique des neurones dopaminergiques [265].
La cocaïne est un inhibiteur de la recapture des neurotransmetteurs monoaminés au niveau des neurones pré-‐synaptiques en agissant sur les transporteurs protéiques de la dopamine, de la sérotonine et de la norépinéphrine. Ce sont ses effets sur la concentration en dopamine qui sont responsables en grande partie de ses propriétés addictives. La cocaine, comme les amphétamines, agit via plusieurs mécanismes sur les neurones catécholaminergiques cérébraux. Ses effets peuvent néanmoins être atténués par un prétraitement avec des agonistes spécifiques 5-‐HT2C qui agissent sur le VTA donc en amont du site d’action de la cocaïne (la région mésolimbique). Navailles en 2008 a ainsi démontré que l’injection intra-‐VTA d’un agoniste de 5-‐HT2C (Ro 60-‐0175) atténuait l’augmentation de dopamine due à la cocaïne [266].
Par ailleurs, Wise et Bozarth [267] décrivent une activation psychomotrice en réponse inconditionnelle de la stimulation du circuit de la récompense. En effet la récompense se caractérise par l’activation de la voie mésolimbique dopaminergique ce qui produit une activation psychomotrice. Le processus de renforcement qui consolidera un comportement opérant dépendra de la même activation de la voie mésolimbique. Ainsi, selon cette théorie, les propriétés renforçantes d’une drogue peuvent être prédites par leur capacité à produire un effet psychomoteur puisque les deux processus dépendent de la voie mésolimbique dopaminergique.
Chez les rongeurs, l’élévation de la concentration en dopamine dans le NAC est associée à une hyperactivité locomotrice facile à mesurer et l’injection de produits toxicomanogènes donne effectivement lieu à une hyperactivité locomotrice qui augmente avec la répétition des administrations et qui se maintient pendant plusieurs mois après le sevrage. Cette hyperlocomotricité relative aux produits toxicomanogènes constitue un modèle qui nous permet, lors des expériences, de mesurer l’effet des psychostimulants au niveau du système mésolimbique [268].