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Le rôle et l’acquisition des compétences au sein des entreprises

CHAPITRE IV LES COMPÉTENCES, ET LA GESTION DES COMPETENCES

2. Le rôle et l’acquisition des compétences au sein des entreprises

2.1 Les compétences dans la gestion des ressources humaines

Selon Arnaud et Lauriol (2008), l’instauration progressive d’une économie mondiale,

en modifiant substantiellement les règles du jeu concurrentiel, explique, en partie les mutations

qui bouleversent, depuis quelques années, le management des entreprises. Ainsi, « la mise en

place de la notion de compétitivité globale s’établit à partir du déploiement de nouveaux modes

d’action stratégiques, qui relèvent d’une logique de « développement basé sur les ressources ».

Arnaud et Lauriol (2008).

Dans ce nouveau contexte, la gestion des compétences remplace la gestion des hommes.

Les nouvelles approches relatives à ce concept ont favorisé l’individualisation des relations de

travail qui a placé l’évaluation des compétences au cœur de la gestion des ressources humaines.

D’après de nombreux chercheurs (Clamak & Fromage, 2006), l’entreprise qui vise l’excellence

doit être en mesure de recenser les compétences stratégiques qui la distingueront de ses

concurrents. En effet, ce capital dynamique doit être en permanence mesuré, consolidé et

enrichi par l’ensemble des leviers disponibles (formation et évaluation) afin de placer chaque

collaborateur en situation "d’apprendre tous les jours". De même, il est non seulement

nécessaire de valoriser les salariés dans leur diversité, mais également de mettre en avant

l’organisation et les valeurs qui les font « travailler ensemble » pour former une communauté

économique. De plus, l’amélioration de la performance d’une entreprise s’accompagne de plus

en plus souvent d’une réorganisation des processus de travail et plus largement d’une évolution

du rôle et des qualifications de chaque acteur. Pour (Mennechet, 2006) une compétence

s’exprime dans un contexte de recherche d’un résultat professionnel - la réalisation d’un

produit ou la prestation d’un service. Il est donc désormais largement admis que les ressources

humaines constituent un facteur de plus en plus déterminant dans la réussite des organisations

publiques ou privées.

A ce sujet, (Penso-Latouche, 1993) avance en revanche que la gestion des compétences

peut évoluer vers une gestion par les compétences. Dans cette situation, l’entreprise s’organise

autour des compétences des salariés, dans une démarche stratégique qui prend en considération

les impératifs technologiques et concurrentiels. Pour (Parlier, 2000), la gestion par les

compétences englobe l’ensemble des pratiques par lesquelles une entreprise cherche à

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développer les compétences de ses salariés. Cette démarche se traduit à trois niveaux : tout

d’abord, la formation qui s’intègre dans un ensemble large et diversifié (l’activité de travail, la

mobilité professionnelle, la coopération au sein des équipes, le soutien de l’encadrement, le

management des savoirs) joue un rôle décisif. Les nouvelles pratiques se reflètent ensuite

essentiellement dans la manière dont les compétences sont sollicitées et dont elles sont

effectivement mobilisées dans les situations professionnelles. Elles se manifestent également

dans la mise en place de parcours professionnels diversifiés qui dépassent la notion de carrière

et permettent la construction de nouveaux "espaces professionnels". Enfin, ce type de gestion

s’appuie sur la reconnaissance qui s'inscrit au niveau de toutes les composantes de la

rémunération pour encourager une plus grande implication au travail.

Brochier D., (2002), en cherchant à établir les voies par lesquelles la gestion des

compétences a pu parvenir à se déployer dans un nombre croissant d’entreprises françaises à

partir du début des années 1990, évoque deux facteurs. Le premier trouve ses origines dans

l’obligation légale qui impose aux organisations de financer les formations continues.

L’entreprise devient ainsi « formateur » et découvre l’intérêt de développer les connaissances

des salariés. Le second facteur tient à la nécessité d’accompagner l'évolution de l’organisation

du travail. En effet, de nombreuses tentatives ont été entreprises au cours des années 1970-1980

pour casser la traditionnelle "logique du poste" et viser une forme de travail coopérative. Selon

Brochier (2002), cette démarche a mis en avant la nécessité de développer de nouveaux

principes de gestion des mobilités dans les marchés internes des entreprises. Le couple "poste-

ancienneté" qui constituait le principal moteur de l’évolution professionnel dans le schéma

taylorien cesse de fonctionner dans un nouveau système où l’extension des domaines

d’intervention du salarié (via multivalence ou polyvalence) devient la règle. Les compétences

du salarié deviennent ainsi l’épicentre de la gestion des ressources humaines. Brochier, D.

(2002) estime, d’autre part, qu’il est important de déterminer le niveau des compétences des

salariés à partir de référentiels de compétences pour identifier les besoins de l’entreprise et

concevoir des stratégies de progression.

Pour Dietrich (2015), la Gestion des compétences est toujours le résultat de compromis :

entre les acteurs, entre les contraintes économiques et sociales, entre système technique et

organisationnel, entre des connaissances et des situations de travail, entre les individus et leur

motivation, entre des règles de gestion et d’organisation du travail.

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2.2 La formation continue et les compétences

Des auteurs comme Aubret, Gilbert, & Pigueyre, (2010), considèrent que le

management des compétences constitue un deal: "en contribuant à la performance de

l’entreprise le salarié développe des compétences et garantit ainsi sa capacité à se maintenir

un emploi. Pour assurer cette performance du salarié l’entreprise s’engage à développer ses

compétences. Mais l’employabilité n’est pas emploi cette échange est très inégal et peu

favorable à priori au salarié », Aubret, Gilbert & Pigeyre, (2010, p. 123). Ainsi, les

investissements immatériels réalisés s’imposent non seulement comme un versant social de la

politique des organisations mais aussi comme une nécessité. Un changement négocié étant plus

efficace qu’un changement imposé, la formation joue un rôle essentiel dans le processus de

transformation économique.Dans ce sens, les salariés privés d’une formation professionnelle

continue et adaptée à même de consolider leurs acquis se trouvent démunis face aux nouvelles

conditions de travail.

En effet, la formation permet la professionnalisation des employés que Perrenoud, P.

(2012) définit comme « la construction de nouvelles compétences professionnelles et la

transformation d’un métier en profession ». Perrenoud, P. (2012), Hoyle E. (1983)

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pour sa

part, attribuent à la professionnalisation une dimension technique et sociale : elle contribue,

selon lui, à l’amélioration des compétences et la rationalisation des savoirs, et permet de

valoriser le statut d’une profession à partir de stratégies collectives. Au-delà de l’apprentissage

technique, la formation est également un processus psychosociologique qui peut aider les

individus à conquérir leur autonomie. Elle s’intègre, en effet, au processus même de production,

et parfois, accompagne la promotion sociale du salarié (Afonso, 2002), en permettant un

« changement de poste, de statut, et de conditions sociales ». En outre, la formation est

considérée comme un investissement économique qu’on peut évaluer en termes de

qualification, de compétences, et de rendement (Orivel, F., 1979).

D’après Orivel, F (1979) et Afonso, M. (2002), la formation répond à une triple

nécessité :

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- Permettre aux salariés de s’adapter à un changement social permanent.

- Actualiser les connaissances dont la dévalorisation rapide jette un doute croissant

sur la pertinence de la culture héritée et transmise par l’école et l’université.

- Éviter d’exclure le citoyen du marché de l’emploi et de la société. Dans ce cas, la

formation est vue comme un moyen d’émancipation de l’individu.

Dans son étude sur les enjeux de la formation dans les entreprises, Laflamma (1999)

souligne que l’objectif visé est de répondre aux besoins organisationnels. La formation permet

d’un côté l’intégration aux stratégies de l’organisation et favorise, de l’autre côté, une meilleure

gestion des changements. Elle permet, par ailleurs, le développement d’une nouvelle manière

de penser : en agissant sur le savoir-être et le savoir devenir, elle contribue à modifier les

comportements, les croyances et les valeurs du monde de l’entreprise pour changer la culture

organisationnelle.

Néanmoins, certains chercheurs tentent de démystifier le rapport entre formation et

travail. D’après eux, la relation entre la création de capacités humaines productives et leur

utilisation n’est ni simple ni mécanique. Il est important d’abandonner l’hypothèse de

l’information parfaite et celle d’un système d’éducation et de formation idéal pour proposer une

nouvelle logique qui repose sur la notion de compétence et sur une vision dynamique de leur

genèse

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.En somme, les diplômes ne peuvent refléter l’ensemble des compétences du salarié,

c’est pourquoi certains auteurs les décrivent comme de "signaux imparfaits" (Klarsfels & Oiry,

2003, p. 44. Ce constat résulte du fait que plusieurs types de diplômes peuvent conduire à une

même forme de compétence et, a contrario, un même diplôme peut couvrir des compétences

très différentes. D’autres auteurs considèrent le décalage entre les compétences certifiées par

les diplômes, les compétences acquises au sein de l’entreprise et celles requises pour un poste

non pas comme un ensemble de distorsions, mais comme un décalage structurel inhérent aux

relations entre formation et emploi.

Contrairement à la formation, Le Boterf (2005) avance que la transmission des

compétences professionnelles ne devrait pas relever de l’enseignement général. En revanche,

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écrit-il, celui-ci doit développer des "ressources" (connaissances théoriques, culture générale,

méthode de travail, valeurs…) qui pourront plus tard contribuer à la construction de

compétences professionnelles dont Brochier (2002) distingue trois niveaux d’acquisition :

l’apprentissage individuel, collectif et au niveau de l’entreprise. Cet auteur considère que

l’apprentissage ne devient un facteur de performance que s’il se situe au troisième niveau, celui

de l’entreprise.

Parallèlement aux formations, les entreprises, par l’organisation, les infrastructures, et

les moyens (techniques et financières etc.) qu’elle met à la disposition des salariés dans le cadre

du travail, leur offre des opportunités d’acquisition et de développement de compétences sans

pour autant y investir directement, et sans nécessairement les utiliser ou leur accorder une

reconnaissance financière particulière. Il s’agit donc là d’une contribution passive de

l’entreprise au sens où elle favorise, par l’environnement qu’elle crée, l’accroissement du

capital de compétences de ses employés. Il est évident que la finalité de cette contribution n’est

pas intentionnelle, car ce qui est visé en premier lieu est le résultat économique escompté sur la

base du travail.

2.3 les organisations qualifiantes

En conclusion des points traités précédemment, toute action permettant de renforcer les

compétences des salariés est considérée comme un outil de développement pour les entreprises.

C’est pourquoi apparaît la notion d’organisation qualifiantepour désigner toute entreprise qui

contribue à développer les compétences individuelles et collectives des employés. Au sein

d’une organisation qualifiante, la « fonction formation » est totalement intégrée à la fonction

production et ne peut en être détachée (Darvogne & Noyé, 2000).

D’après Amadieu et Cadin, (1996), une organisation est jugée qualifiante « si elle

permet une large ouverture des parcours professionnels qu’elle offre à ceux qui y participent

ainsi qu’une grande transférabilité des compétences qu’ils y acquièrent ». Ces auteurs évoquent

trois critères pour définir le modèle idéal de ce type d’entreprise qui doit être :

- « Une organisation conçue en fonction des compétences présentes des personnes

qu’elle emploie ou recrute et de manière à les développer continûment grâce aux situations

qu’elle aménage et aux dispositifs d’apprentissage qu’elle comporte » ;

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- « Une organisation qui a un potentiel d’utilisation des compétences (ou transforme

en gain de performance l’augmentation des compétences de salariés ;

- « Une organisation construite pour évoluer en fonction des compétences et de leur

progression ».

Effectivement, l’évolution et l’adaptation de l’organisation dépendent en partie de la

capacité d’apprentissage et de progression de chacun, et repose de même sur la mise en place

de parcours professionnels diversifiés dépassant la notion de carrière et permettant la

construction de nouveaux « espace professionnels »

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SECTION II LA GESTION DES COMPETENCES