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Les nouvelles définitions de la notion de compétence

CHAPITRE IV LES COMPÉTENCES, ET LA GESTION DES COMPETENCES

1. L’Évolution du travail et de la notion de compétence

1.2 Les nouvelles définitions de la notion de compétence

La définition de la notion de compétence suscite des débats passionnés parmi les

chercheurs en sciences humaines et sociales. Certains l’abordent comme un concept, d'autres,

80 Loïc CADIN, Francis GUERIN, Frédérique PIGUERE, GRH pratiques et éléments de théorie,

104

à l’exemple de (Zarifian, 2001), l’appréhende plutôt comme un modèle qui permet une réflexion

plus large, d’autres encore la considèrent comme une approche de la gestion des ressources

humaines. Certains auteurs (Cavestro, Colin, & Grasser, 2002) avancent que la notion de

compétence est désormais essentielle à l’analyse des rapports sociaux. Ce débat apparaît

également au sein même des entreprises en influençant significativement les relations de travail.

En effet, des directeurs des ressources humaines, aux consultants, en passant par les formateurs

et les syndicats, tous s’interrogent sur l’utilisation des compétences comme le critère des

nouvelles règles économiques. Toutefois, ce qui nous intéresse dans ce travail n’est pas d’en

établir une définition exacte, mais de chercher à mieux cerner ce phénomène en confrontant

plusieurs théories.

Dans sa réflexion sur ce concept, Permartin (2005) écrit "qu’aucune définition ne

s’impose de manière indiscutable », et ce pour deux raisons principales. Tout d’abord, les

compétences n’ont de valeur opérationnelle que lorsqu’elles sont mises en œuvre dans

l’entreprise, elles constituent, selon sa propre expression, un « construit organisationnel

opératoire spécifique »

81

. En effet, « Les objectifs » de chaque organisationétant « variables,

la définition approprié du concept sera diverse»

82

. D’autre part, les enjeux explicites et

implicites qui sont associés à la démarche compétence sont différents selon les rôles et les

statuts de chaque individu appartenant l’organisation. Les différentes définitions adoptées

révèlent donc les jeux de pouvoir en place, leur intensité, les forces et les faiblesses relatives

des partenaires en présence. Pour Permartin, la notion de compétence résulte d’une articulation

entre trois éléments : la dimension organisationnelle, personnelle et sociale. Loin de se réduire

à un principe isolable et transférable comme une "combinaison spécifique à l’individu de

ressources propres et appartenant au contexte, la compétence est un savoir agir et réagir

valorisé par la structure, démontré par le salarié, reconnu et validé par l’environnement dans

lequel il se manifeste et s’exprimant dans une situation complexe et/ou réclamant une prise

d’initiative", cela est qualifié de savoir-faire opérationnel validé (Meignant, 2009) .

Dolz & Ollagnier, (2002) étayent cette même thèse, avancent que les compétences

caractérisent la capacité potentielle ou effective des travailleurs à agir efficacement en fonction

des exigences des entreprises. Ces auteurs parlent ainsi du « savoir intégrateur dans le cadre

81 Définition donnée aussi par MEDEF.

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d’action » pour insister sur les conditions de mise en œuvre et la nature combinatoire de cette

notion. Cela démontre que ce concept devrait se situer à un niveau de complexité qui dépasse

les notions de capacité, de qualification, de savoir-faire, etc. en les englobant tous. Gilbert P.

(2003) définit également la compétence « comme un ensemble de connaissances, de capacités

d’action et de comportement structurés en fonction d’un but et dans un type de situation

donnée », (Gilbert, 2003).

Pour Cabin (1999), la notion de compétence se caractérise par sa dimension latente et

ne s’exprime que dans une situation donnée. Elle n’est pas un état ou une connaissance, mais

un processus dynamique. Elle désignera donc autant la capacité à réagir à un imprévu qu’un

ensemble figé de qualifications. Ce processus dynamique résulte de l’interaction entre plusieurs

éléments : les connaissances, le savoir-faire mais aussi le savoir-être (il parle alors de

compétences sociales), et les aptitudes cognitives (par exemple, la capacité à prendre une

décision ou à s’autoévaluer).

D’après Le Boterf, (2005) si la notion de compétence est en crise aujourd’hui, c’est

parce que son contenu traditionnel ne permet plus de faire face aux défis du nouveau contexte

du travail. Ainsi, en abordant le sujet sous une perspective différente, Le Boterf, G. (2005)

avance « qu’être compétent c’est de plus en plus être capable de gérer des situations complexes

et instables ». Selon lui, les compétences résident dans trois éléments: le savoir agir, qui suppose

une capacité à combiner et à mobiliser des ressources pertinentes (connaissances, savoir-faire,

réseaux…) ; le vouloir agir qui se réfère à la motivation personnelle de l’individu et au contexte

plus ou moins incitatif dans lequel il intervient; et enfin le pouvoir agir, qui renvoie à l’existence

d’un contexte, d’une organisation de travail, d’un choix de management, et de conditions

sociales qui rendent possible et légitime la prise d’initiative. La construction des compétences

telle que nous l’entendons ici est une responsabilité partagée entre les employés, les

organisations (managers) et les formateurs.

Par conséquent, ce qui est demandé à un sujet en situation de travail, c’est non seulement

« d’avoir des compétences » mais « d’agir avec compétence » Le Boterf, (2005). C’est

pourquoi, il est nécessaire, selon Le Boterf (2005), d’être capable de construire ou d’adapter la

combinaison pertinente de ressources pour pouvoir répondre aux situations les plus diverses.

Les compétences prennent donc une valeur stratégique dans l’évolution professionnelle de

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chaque individu, et dans les nouveaux modes d’organisation du travail et de gestion du risque

83

.

Concernant les compétences personnelles, Mennechet (2006) distingue les compétences

comportementales des compétences relationnelles. Les compétences comportementales

s’expriment à l’intérieur de l’équipe de travail et peuvent être définies par les critères suivants :

disponibilité pour l’équipe, respect du temps d’autrui, cohésion, sens du collectif, diplomatie,

pédagogie, sens de la traçabilité. Les compétences relationnelles ont à la fois trait à l’équipe et

à l’environnement de travail (rapport à la politique de l’organisation, fournisseurs externes).

Ce débat nous conduit à dissocier les conceptions de qualification et de compétence,

thèmes clés qui nous permettront de répondre à la question « qu’échange-t-on sur le marché du

travail ? ». En effet, on constate de nos jours une disparition progressive du schéma de travail

classique caractérisé par le triptyque poste, classification, et rémunération. Dans une nouvelle

organisation du travail qui préconise la flexibilité, la notion de poste reposant sur une définition

précise des tâches à accomplir, apparaît impertinente et révèle les lacunes du concept de

qualification. Celui-ci renvoie généralement à la capacité potentielle du salarié à réaliser des

tâches relatives à une activité ou à un métier en se conformant, de façon isolée, à des consignes

précises. C’est pourquoi, Paradeise et Lichtenberger (2001, P. 38)

84

y opposent le modèle de

compétence qui encourage la mobilisation des salariés, l’interdépendance, l’autonomie et la

confiance au sein de l’entreprise. L’esprit d’initiative mis en avant par cette nouvelle conception

suppose donc la mobilisation de deux types de ressources : les ressources internes personnelles

que l’individu a acquis et développe en situation, et des ressources collectives apportées par

l’organisation. Néanmoins, le concept de qualification n’est pas dénué d’intérêt dans le système

économique actuel qui repose sur ces deux modèles.

D’autre part, la notion de compétence présente un double aspect qu’il faut

impérativement prendre en compte : un aspect opératoire qui concerne les compétences

mobilisées par le salarié en situation pour faire face à la gestion des événements, la production

de service, et la communication. Et un aspect normatif qui concerne l’évaluation des

compétences par rapport à certaines normes (Merchiers et Paharo).

83 Idem.

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