CHAPITRE I LE CONTEXTE SOCIOÉCONOMIQUE ET LA STRUCTURE ADMINISTRATIVE DU CAP VERT
2. L’évolution de l’Administration Publique au Cap Vert
administrative en facilitant la collecte d’informations, la transmission des données, la
communication avec les usagers et l’accès de ces derniers à l’information ;
2. Elle améliore les services, qui est l’objectif visée par toute réforme administrative ;
3. Elle contribue à réaliser des résultats spécifiques. En effet, Internet favorise l’échange
d’informations et d’idées entre les parties prenantes pour s’entendre sur certains
objectifs ou projets. À titre d’exemple, la disponibilité d’informations en ligne pourrait
permettre d’établir un programme d’éducation ou de formation ; l’échange de données
peut améliorer l’utilisation des ressources et des soins dans le secteur de la santé, de
même le partage d’informations entre les administrations centrales et locales peut
faciliter l’intervention dans le domaine agricole ;
4. Elle peut contribuer à améliorer les résultats économiques. Tout d’abord,
l’administration électronique, en permettant de diminuer la corruption, renforcera la
confiance des usagers quant aux projets politiques et économiques. L’OCDE mentionne
également la réduction des coûts du fait de l’efficacité accrue des programmes
informatiques, et l’accroissement de la productivité des entreprises grâce à la
simplification des démarches administrative et l’amélioration des informations fournies
par les pouvoirs publics. L’administration électronique permettra par ailleurs l’essor du
commerce électronique ;
5. Elle peut être un instrument important de réforme ;
6. Enfin, elle peut aider à renforcer la confiance entre les administrations et les usagers, ce
qui est essentiel à une bonne gouvernance. En effet, les TIC peuvent permettre
d’intégrer les citoyens au processus politique en encourageant la mise en place d’une
administration accessible à travers laquelle chacun peut s’exprimer.
2. L’évolution de l’Administration Publique au Cap Vert
Afin de comprendre les enjeux du développement de l’administration publique
capverdienne, il faut retourner aux prémices de la construction de l’État postcolonial, à l’origine
de toutes les structures sur lesquelles repose le fonctionnement du système administratif actuel.
Cela permettra, en effet, d’expliquer et de proposer des théories concernant le processus de
modernisation administrative en cours aujourd’hui.
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L’indépendance de 1975 consacre le Cap Vert comme nouvel État souverain. Le
premier défi était alors de créer les conditions institutionnelles indispensables à la construction
de l’État. Le projet institutionnel du gouvernement de transition de 1974 a ainsi jeté les bases
des programmes politiques qui ont ensuite façonné l’État capverdien, avec toutes les contraintes
et les évolutions que nous lui connaissons aujourd’hui.
Après avoir obtenu son autonomie, l’administration publique a évolué en trois étapes.
Elle a d’abord été influencée par le processus d’indépendance politique marquée par
l’affirmation de l’identité capverdienne à partir de 1975, période où le Cap Vert dépendait d’un
système fortement centralisé. Pour pallier l’insuffisance des ressources humaines, le
gouvernement a alors tenté de renforcer les institutions de l’État. Cependant, en conséquence
des politiques mises en œuvre, et des difficultés inhérentes à l’archipel, l’administration
publique a été contrainte de s’appuyer sur un personnel de faible qualification et n’offrait que
des carrières peu attrayantes. Cela s’explique, toutefois, par l’urgence au cours de cette période,
de consolider l’État à travers la mise en place d’institutions promotrices du développement
économique et social. Quant aux ressources humaines on privilégiait la qualification massive
de la population.
La problématique de la modernisation et des réformes administratives marque la
seconde étape qui commence en 1985. Le développement du secteur privé et la réduction de la
pauvreté étaient alors au cœur des discours officiels. En outre, la modernisation du secteur
public représentait une stratégie indispensable à la mise en place d’une politique de
développement global. L’État a ainsi poursuivi les mesures lancées au début des années 1980
pour notamment renforcer la décentralisation et les compétences des pouvoirs locaux (les
municipalités), et ce en organisant les premières élections municipales en 1993. Au niveau de
l’administration centrale, la gestion financière du secteur public et la gouvernance ont de même
fait l’objet de réformes pour favoriser la construction d’un système démocratique. Il était
également question de réduire le poids de la bureaucratie et de réviser la structure de l´appareil
étatique.
C’est au cours des années 1990 que les changements politiques, en rupture avec
l’idéologie qui prévalait jusque-là, ont permis l´avancée vers la décentralisation et la
libéralisation de l´économie, bien que l’interventionnisme de l’État reste relativement fort. En
conséquence de cette évolution, on prévoyait une réduction des fonctionnaires encadrée par des
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programmes qui en restreignent le nombre dans certaines branches administratives et limitent
le recrutement de personnes peu qualifiées. Ainsi, depuis les années 1990 plusieurs lois de
finances prohibent systématiquement l’affectation de nouveaux contingents dans
l´administration publique. En dépit de ces mesures, cependant, les effectifs n´ont cessé de
croître au cours des années suivantes.
D’autre part, l’évolution
15politique entre 1980 et 2000, marquée par des préoccupations
sociales, économiques, et juridiques montrent la nécessité de poursuivre les réformes
administratives. En effet, les changements qui se produisent au Cap Vert présentent de
nouveaux défis qui imposent une conception novatrice de l’administration publique, un modèle
décentralisé de l’organisation du pouvoir public et de la société, le questionnement du rôle de
l’État, des réformes économiques et de la possibilité d’ouvrir l’économie capverdienne aux
marchés mondiaux, mais aussi l’utilisation des nouvelles technologies
16et la nécessité
d’améliorer et d’adapter les services publics aux nouveaux besoins.
Il est intéressant de souligner, par ailleurs, que l’ouverture démocratique de 1990 a
permis la création d’une centaine d’associations s’apparentant parfois à des coopératives. Après
1990, ces organisations se sont drastiquement réduites pour réapparaître à nouveau sous forme
d’organisations non gouvernementales locales, régionales ou nationales en poursuivant les
mêmes objectifs sociaux. Certaines de ces structures exercent des activités qui complètent les
politiques gouvernementales, notamment dans les domaines économiques et sociaux. En outre,
au cours des dernières années sont apparues des centaines d’associations qui sont devenues les
interlocutrices
17des organisations gouvernementales pour réaliser des projets de
développement local.
15 En 1990 le système politique change complètement avec le passage à la démocratie avec les premières
élections libres, secrète et directe en 1991, où le peuple capverdien a choisi ses représentants.
16 Notamment les technologies de l’information et communication.
17 Le régime juridique des associations : Loi n. 25/VI/2003 du 21 juillet – définie le régime juridique
général de la constitution des associations non lucratifs ; La Loi n. 26/VI/2003 du 21 juillet – définie le statut des associations de la jeunesse ; Loi n. 90/VI/2003, du 9 janvier – Le régime juridique des
associations publiques professionnels, nomme « ordem » et le Décret-loi n. 59/2005, du 19 septembre
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L’évolution actuelle de l’administration publique, consolidée, entre autres, par un
système politique centralisé, constitue la troisième étape. Le Cap Vert se voit désormais
confronté à de nouveaux défis et à la nécessité de s’engager davantage dans les politiques
régionales et internationales. Cette nouvelle orientation du Cap Vert mérite une attention
particulière, concernant notamment l’organisation institutionnelle de l’État. En effet, le modèle
du gouvernement moderne
18envisagé devrait reposer sur la coordination de plusieurs niveaux
décisionnels et sur la construction d’un consensus entre les différents acteurs institutionnels.
Cette étape est également caractérisée par le recul de l’État dans l’économie et la
décentralisation du pouvoir. La politique de privatisation, qui a commencé dans les années 1990
dans le cadre du programme de la réforme et de la modernisation administrative, a été cependant
entravée par la résistance des fonctionnaires peu qualifiés aux changements.
La fragilité des ressources humaines dans l’administration publique capverdienne
devient plus évidente avec l’accélération de la croissance économique tandis que l’orientation
institutionnelle du secteur public prend une certaine complexité suite aux réformes
19établies.
18 D’après le Plan de Qualification des Ressources Humaines de l’Administration Publique (PQRHAP),
le modèle du gouvernement moderne est fondamentalement différent du modèle du gouvernement traditionnel. La modernisation implique, en effet, que le gouvernement opère en réseau ce qui permet aux gestionnaires publics à répondre de façon plus satisfaisante aux défis complexes de la société d’aujourd’hui. Très souvent ces défis dépassent les frontières institutionnelles et géographiques.
19 Depuis les années 1990 plusieurs reformes ont vu le jour dans les Ministères, Institut Publics et
municipalités :
- Dans les secteurs de Justice : la législation du travail ; code des sociétés commerciales ; code
du registre notarial ; code du registre civil ; code du registre commercial, etc.
- Dans le Ministère des Finances : réformes économiques ; réforme du système de
planification ; Création de l’Agence de régulation économique.
- Dans le secteur de l’Education : reformes du fonctionnement de l’enseignement secondaire ;
Réforme de l’enseignement technique et professionnel.
- Dans le secteur de la Réforme de l’Etat et de l’Administration publique : Approbation du
statut de Gestionnaire Public ; recensement des fonctionnaires de l’Administration Publique ; création de « maison » du citoyen.
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C’est dans cette situation que la capacitation institutionnelle prend toute son importance.
Définie par le PNUD (2010) comme « le développement des institutions, des ressources
humaines, sa forme d’organisation et de gestion, l’administration à fonctionner selon une
politique précise où les biens et les services produits sont utilisés à l’atteinte des objectifs
d’intérêt général », la capacitation institutionnelle constitue un moyen efficace pour pallier
l’insuffisance des ressources humaines dans l’administration et stabiliser l’emploi. Il s’agit, en
effet, d’améliorer la productivité et la qualité des services publics, en renforçant les
compétences des fonctionnaires. De même, il est désormais nécessaire de mettre en place de
nouvelles pratiques de gestion stratégique basées sur les résultats et l’évaluation des
compétences (plusieurs documents officiels envisagent et proposent une gestion par résultat
dans l’Administration Publique)
20. C’est pourquoi, la formation s’impose comme un outil
indispensable au développement institutionnel puisqu’elle permet l’acquisition des
connaissances, des aptitudes, des compétences et des comportements adéquats pour améliorer
les services et adapter les fonctionnaires aux nouveaux objectifs institutionnels.
En continuation avec ses politiques antérieures, le Cap Vert entend construire un État
plus près des citoyens et des entreprises, et favoriser une vaste participation et le développement
- Dans le secteur des infrastructures et transports : Création de l’Agence de régulation appelé
Institut de Communication.
- Dans le Ministère de l’Agriculture, alimentation et environnement : Création de l’Agence de
sécurité alimentaire.
- Au Parlement : De nouveaux services et conception des outils de gestion.
- Aux tribunaux : Définition du nouvel organigramme du cours de justice ; création de tribunal
spécialisé. Court de compte.
- Banque central : révision des documents de structuration institutionnelle.
- Institut National de Statistique : définition d’un nouvel agenda du système statistique du pays.
- L’institut d’Emploi et Formation Professionnelle : loi-cadre de la formation professionnelle ;
création de pôles de formation professionnelle et de nouveaux centres de formation.
- Mise en place de plusieurs actions visant la gouvernance électronique.
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économique soutenu par une administration publique coordonnée, efficiente, efficace, et
transparente, capable de mettre à la disposition des citoyens des services de qualité accessibles
à tous. À cette fin, Le Programme du gouvernement 2005-2010 et les Grandes options du Plan
national de développement (2005) ont été élaborés en vue de créer une administration publique
au service des citoyens et du développement. L’objectif de ces réformes, dont le gouvernement
prévoit la mise en œuvre de façon graduelle, est de préparer des gestionnaires plus ou moins
qualifiés capables de fournir un soutien technique aux décideurs, et ce en renforçant notamment
leurs compétences administratives. En outre, le Programme du gouvernement 2011-2016
affirme que «la réforme de l’administration publique doit chercher à discuter et proposer de
nouvelles technologies, de nouvelles formes organisationnelles et de nouvelles techniques de
gestion afin de faciliter et de créer des conditions propices à la participation active et créative
des fonctionnaires ».
Dans cette perspective, le Plan national du développement 2002-2005, qui encadre les
Grandes options du Plan du gouvernement vise la réforme et la modernisation du secteur public,
en se concentrant sur les thèmes suivants :
- L’amélioration de l’interaction entre les administrations et les citoyens ;
- Le renforcement de la capacité de régulation et de contrôle étatique ;
- Le gain en efficacité et en efficience dans le processus décisionnel ;
- La mise en place d’une politique de ressources humaines intégrée ;
- La décentralisation et le renforcement du pouvoir local.
Après une analyse attentive de ce document et des Grandes options du Plan du
gouvernement
21, on peut constater le rôle primordial accordé aux ressources humaines dont
l’insuffisance a empêché le développement des compétences nécessaires pour répondre aux
nouvelles exigences. Cela est sans doute également attribuable au manque de créativité des
gestionnaires, à la rigidité des procédures en matière de formation et au manque de moyens
financiers.
21 Document qui structure les options du Gouvernement en matière du développement pendant les
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Dans ce contexte a été élaboré le Plan de qualification des ressources humaines de
l’administration Publique
22(PQRHAP) qui vise pour sa part la mise en œuvre de réformes
profondes dans les services publics à partir des objectifs suivants :
1. Le développement des compétences de leadership des dirigeants en vue de transformer
les valeurs et les attitudes dans l’ensemble du secteur public et de soutenir les réformes ;
2. L’adaptation des compétences des fonctionnaires aux fonctions stratégiques de chaque
ministère.
3. L’utilisation généralisée des nouvelles TIC et des méthodes d’organisation du travail :
administration en réseaux, coordination entre les unités centrales et locales,
administration décentralisée, gestion des connaissances ;
4. La mise en place de plans sectoriels pour développer des compétences spécifiques ;
5. La professionnalisation de la gestion des ressources humaines, y compris la maîtrise
des nouveaux outils d’évaluation ;
Le Plan de qualification des ressources humaines de l’administration publique présente
dix thématiques pour renforcer les capacités de plusieurs branches stratégiques. Celles-ci
comprennent, entre autres, le leadership, la gestion du changement, la planification stratégique,
la gestion des ressources humaines, et la gestion des finances et du patrimoine.
Plusieurs mesures ont été prises pour concrétiser ces projets de réforme, parmi lesquelles
on peut citer la modernisation de la gestion du personnel, la mise en œuvre des projets de
formation, les programmes d’informatisation pour faciliter l’accès aux outils d’aide à la
décision, le programme de restructuration de la gestion du patrimoine et des ressources
humaines dans l’administration publique, la réforme de l’Institut national de l’administration et
de gestion (INAG), et le renforcement des agences publiques de régulation (agences de
régulation). La création de plusieurs organismes, notamment de l’Institut de la qualité,
l’évaluation des fonctionnaires, et la mobilité professionnelle montrent également la volonté de
moderniser le système.