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Chapitre 2. La diversité en entreprise : une gestion nécessaire ? Parce que les différences sont nombreuses, qu’elles peuvent être même

3. Valoriser les différences : la semaine pour l’emploi des personnes en situation de handicap permet, par exemple, de valoriser cette différence.

2.2. Le rôle de la diversité culturelle

La diversité est souvent affaire de différence constatée par rapport à une norme établie. Le poids de la norme est véhiculé par la culture, par des cultures. La culture renvoie à des fondements théoriques nombreux, procède d’effets de mode et chaque individu aborde ce concept en fonction de sa propre sensibilité théorique (Thévenet, 1993). Elle est un « ensemble de références partagées dans l’organisation et construites tout au long de son histoire en réponses aux problèmes rencontrés dans l’entreprise […]. [C’est] un contenu descriptible, spécifique à l’organisation qui la distingue des autres, et elle est un mode de description de l’organisation, une grille de lecture de cette société humaine particulière » (Thévenet, 1993). Ces références partagées ne sont pas toujours conscientes (Schein, 1984).

La culture fédère ainsi les individus vers un objectif donné. La culture apparaît comme « une programmation mentale collective » (Hofstede, 1994). En effet, chaque individu porte en lui des us et coutumes qui résultent d’un apprentissage depuis sa naissance. L’individu est donc inconsciemment conditionné par son environnement social. Or selon le groupe dans lequel l’individu va évoluer, sa culture sera différente car les normes auxquelles il va se référer vont varier. Il existe donc une diversité culturelle et cette dernière influence la perception ainsi que les processus de décision (Boltanski, Thévenot, 1991). La culture va modifier la façon dont la différence va être analysée et perçue, d’autant plus qu’un individu possède des niveaux de cultures différents. En effet, il intègre les normes du pays où il vit, celles de sa famille, celles liées à son âge, à son origine sociale, … Il s’agit de ce que de nombreux auteurs de la psychologie sociale appelle la « salience identity », prédominance d’une identité reposant sur une différence faisant qu’un individu se sentira appartenir à un groupe plutôt qu’à un autre en réponse à une situation donnée (Turner, Tajfel, 1986 ; Schneider et al., 2003) et pouvant être

Poids des normes culturelles : facteur de discrimination potentielle pour affirmer son identité propre

traduite comme appartenance sociale saillante. Autrement dit, la prédominance d’identité renvoie au rôle qu’un acteur va décider de jouer dans une situation donnée. Par exemple, une personne en situation de handicap peut choisir en fonction d’une situation d’apparaître comme Travailleur en situation de handicap ou comme un contrôleur de gestion avant toute chose. Arrivé dans le monde organisationnel, un acteur doit aussi intégrer la culture de son entreprise, qui peut différer de sa culture acquise jusque-là. Par exemple, adopter une tenue vestimentaire particulière (tailleur, jupe) alors que dans un autre endroit de l’entreprise, cela aurait été une autre tenue vestimentaire (pantalon, chemisier) plus proche de la tenue vestimentaire portée hors entreprise par la personne. La diversité culturelle explique en quoi les individus vont rejeter certaines différences à un moment donné ou un autre. D’une certaine manière, face à la diversité, un individu va discriminer, c’est-à- dire faire des choix.

De ce fait, est-ce que les politiques diversités mises en place permettent d’éviter un tel phénomène de discrimination de la part des acteurs organisationnels?

En discriminant, au sens premier du terme, à savoir en distinguant les choses, les autres individus ou objets qu’il voit, un être humain cherche tout d’abord à se repérer. Il cherche à classer ce qu’il voit pour mieux comprendre les choses par rapport à ce qu’il connaît. Or ce qu’il connaît est conditionné par sa culture. En second lieu, l’être humain est enclin à discriminer au sens négatif du terme afin de « se rassurer en rendant le monde social facile à comprendre et à prédire, mais c’est aussi affirmer son identité et son appartenance à une structure sociale qui [le] valorise » (Scharnitzky, 2006).

Le mécanisme inhérent aux gestions de la diversité comme recherche de bénéfices apparaît donc dans cette première réalité de la diversité. La réalité de la diversité comme discrimination ou comme source de bénéfices reposerait sur l’idée de l’affirmation de soi par rapport aux choses et par rapport à autrui, quitte à nier, affirmer et/ou juger en bien ou en mal la différence rencontrée et propice aux stéréotypes. L’un des bénéfices indirects des gestions de la diversité pourrait être l’affirmation de son

Sous la notion de diversité peut apparaître une lutte pour l’affirmation de soi

identité comprenant à la fois sa différence propre, son univocité. Il apparaît donc dans la notion de diversité et les potentiels bénéfices de sa présence, un certain jeu entre les frontières psychologiques individuelles et collectives.

La diversité s’applique aussi bien aux individus qu’aux organisations. L’immersion sur le terrain au sein d’un groupe bancaire a d’ailleurs permis d’observer cette diversité structurelle et non pas uniquement individuelle. Sans pour autant trop anticiper sur la partie empirique de cette thèse, il semble nécessaire d’expliciter ceci un minimum. Le groupe Crédit Agricole S.A. est un groupe bancaire composé de nombreuses filiales qui ont chacune leurs propres cultures en matière de gestion des ressources humaines, leurs métiers spécifiques, pour ne prendre que ces deux exemples les plus illustratifs. Il convient donc de comprendre un peu mieux les frontières psychologiques individuelles et collectives de la diversité en regardant de plus près à quoi ressemble la diversité organisationnelle. Ce souhait de mieux comprendre la diversité organisationnelle s’appuie également sur l’idée émise par Jacques Lebraty et Lyvie Guéret Talon (Lebraty, Guéret-Talon, 2012), à savoir que diversité des individus et diversité des structures sont à étudier conjointement. En effet, ils déplorent le fait que la diversité des individus et des groupes soit étudiée par les spécialistes de la Gestion des Ressources Humaines, tandis que la diversité structurelle relève d’études se plaçant dans le domaine de la stratégie et la théorie des organisations. Ils mettent en évidence que les structures, « les décisions prises dans une entreprise [ont leurs

structures] qui en constituent l’environnement […] sont marquées de leur diversité » (Lebraty, Guéret-Talon, 2012). Cette idée de ne pas séparer l’étude

de la diversité individuelle et la diversité organisationnelle s’explique par le fait qu’une organisation est avant tout un construit humain.