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Chapitre 1. Définitions du concept de diversité: entre non discrimination et valorisation des différences

1.2. De la diversité iceberg à la valorisation des différences

1.2.2. Les 3 dimensions de la diversité

Harrison et Klein (2007) proposent trois dimensions de la diversité :

• La séparation : des différences sont mises en avant et permettent ainsi de classer les individus en fonction de critères (la plupart du temps eu égard aux critères de non-discrimination).

• La variété : cette dimension permet d’apporter une connotation positive ou négative à la différence. La diversité est soumise à relativité : un phénomène de perception Plusieurs classifications : les 3 dimensions (Harrison, Klein, 2007) Les 3 dimensions : Séparation Disparité Variété

• La disparité : chaque différence va s’entendre en termes de récompenses potentielles.

Si Harrison et Klein voient dans la disparité une source de bénéfices au niveau individuel, rien n’empêche de penser que cette dimension de la diversité n’est pas incompatible avec l’idée de bénéfices pour l’organisation au travers de ces différences comprises comme synonymes de récompenses. Autrement dit, la notion de bénéfice se retrouve une fois de plus associée à la diversité sous sa dimension de disparité. Cela implique donc que des différences permettent d’obtenir quelque chose de plus que ce que la norme apporte. Ceci s’inscrit donc dans une logique business case de la diversité.

Quelque part, se dessine également sous la notion de diversité, une forte corrélation avec la notion de pouvoir (Semache, 2009). En effet, la perspective d’obtenir quelque chose en plus peut laisser à penser que les individus porteurs de différences peuvent être tentés d’assoir une forme de domination afin de s’assurer de garder les récompenses obtenues du fait de leurs différences. La diversité devient donc une réalité politique au sens premier du terme de

politeia (fonctionnement d’un groupe social composé d’individus), mais

aussi en son sens de politike (pratique du pouvoir au sein d’un groupe).

Qui est alors en droit de pratiquer le pouvoir en matière de diversité au sein d’une entreprise ?

March et Weil (March, Weil, 2003) permettent de commencer à entrevoir un élément de réponse à cette question : les bénéficiaires d’une politique diversité ne sont pas en position de les mettre en œuvre et ceux qui doivent les mettre en œuvre ne sont pas en position d’en tirer avantage. Il est alors possible d’interroger la théorie avancée par March et Weil :

Les acteurs qui sont censés mettre en œuvre les politiques diversités ne sont-ils pour autant pas tentés de mettre en avant une différence dont ils se sentiraient eux-mêmes porteurs ? A l’inverse n’existe-t-il pas un certain bénéfice à laisser les personnes, pour qui les politiques diversités sont mises en place, participer à cette mise en place ?

La disparité correspond à une logique business case Dans l’optique business case, la diversité est parfois synonyme de pouvoir

La différence permet parfois un positionnement hiérarchique donné au sein de l’organisation, ou tout du moins, d’obtenir des avantages faisant autorité. Or, comme le soulignent March et Weil (March, Weil, 2003) : « à une position hiérarchique donnée, chacun tend à revendiquer plus d’autonomie (donc à réclamer une plus grande tolérance de l’organisation à laquelle il appartient pour la diversité et la décentralisation) et à souhaiter contrôler ce qui dépend de lui, donc à promouvoir une certaine unité dans son domaine » (March, Weil, 2003). Et souvent, pour ce faire, les individus porteurs de différences ont la possibilité de se rassembler, formant des groupes de lobbying ou des réseaux à l’instar des réseaux de femmes qui se sont développés, y compris au sein du Groupe Crédit Agricole S.A..

Ainsi, que peuvent faire les promoteurs de la diversité du Groupe Crédit Agricole S.A. pour obtenir et favoriser un engagement dans l’optique de tenir des objectifs communs tout en stimulant et acceptant les différences dans une perspective d’innovation organisationnelle et de dynamique sociale ?

Les membres des réseaux de femmes ont beaucoup plus de facilité à faire reconnaître leur(s) différence(s), mais le danger est tel « [qu’ils pourront changer d’attitude] dès qu’ils seront en situation de pouvoir » (March, Weil, 2003) car le pouvoir pourrait les rendre égocentriques. Ce risque associé à la diversité / disparité se retrouve très souvent abordé par la littérature en matière d’égalité femmes / hommes (Laufer, 2007 ; Cornet, 2007 ; Point, 2007). D’ailleurs, avec la loi du 27/01/11 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, le DRH du Groupe Crédit Agricole S.A. ayant souhaité que la politique diversité mette l’accent sur la mixité sous l’angle égalité femmes / hommes, se pose la question de savoir si les risques associés au traitement de cette dimension de la diversité ont bien été tous envisagés. Ce souci de renforcer l’égalité femmes/ hommes de sa part tient du fait de la loi, mais s’inscrit également dans l’optique d’une performance économique qui existerait du fait de la présence des femmes et leurs valorisations au sein du Groupe.

Le pouvoir peut rendre insensible aux

L’idée d’une performance associée à la présence des femmes (Grant, 1988 ; Eisler, 1991 ; Fondas, 1997 ; Billing et Alvesson, 2000), notamment à des hauts niveaux hiérarchiques de l’entreprise, est à la fois relayée par des réseaux de femmes et par la loi du 27/01/11. Cette loi vise à instaurer des quotas de femmes au niveau des instances dirigeantes des entreprises (cf. Annexe 1). Un mécanisme de sanctions financières prévoit des suspensions de rémunérations pour participation aux conseils d’administration si le quota n’est pas atteint au bout de 3 ans. Or, si cette approche de la différence occasionne des avancées pour une plus juste égalité de traitement quant au genre, cela n’est pas sans poser de problèmes.

• En premier lieu, le risque est grand de voir des réseaux de femmes chercher à revendiquer leurs droits au nom de leur différence, laissant de côté l’aspect des compétences requises pour tenir de tels postes et ne s’occupant dès lors plus que de leurs petites personnes une fois leur position hiérarchique et les avantages qui en découlent obtenus.

• Le second risque d’une telle diversité / disparité est de voir se renforcer les stéréotypes à l’égard des femmes de façon paradoxale. (Laufer, 2009 ; Laufer, Paoletti, 2010) et de penser qu’elles n’ont obtenu leurs statuts au sein de l’organisation que du fait de leur différence et non pas pour leurs compétences effectives. Ceci engendre par la suite des mécanismes de discrimination, y compris de la part des personnes qui sont aussi des femmes. Les rancœurs et jalousies ainsi potentiellement créées deviennent une menace pour le collectif.

Au final, de l’inégalité serait produite pour conduire à plus d’égalité à termes. Ce qui est ici présenté pour la différence « femmes » pourrait être valable pour n’importe quelle différence. Pour le cas principal de cette thèse, les notions de mixité, genre, parité, égalité femmes / hommes sont associées à la question du sexe plaçant ce critère de non-discrimination dans le champ de la diversité. Il existe cependant tout un courant qui souhaite que l’égalité femmes / hommes ou le genre soit traitée à part de la diversité ; car en traitant cette dimension de la diversité comme n’importe quel critère de non-

La disparité pour l’égalité de traitement femmes/ hommes peut poser problèmes Risque 1 : faire primer la différence en lieu et place des compétences réelles Risque 2 : renforcement des stéréotypes Risques valables pour toutes les différences

discrimination, son caractère transversal pourrait, entre autre, disparaître (Laufer, 2007 ; Sinclair, 2010).

En choisissant d’inclure l’égalité femmes / hommes dans le déploiement de sa politique diversité, le DRH du Groupe Crédit Agricole S.A. prend-t-il un risque ?

Synthèse du Chapitre 1

Au terme de ce premier chapitre, la diversité est apparue comme un phénomène complexe, dont les définitions sont très variées. Elle renvoie essentiellement à sa dimension légale, mais aussi laisse entendre qu’il existe des bénéfices potentiels associés à ces différences. Si par diversité, il est possible de comprendre la variété, « toute différence » (Williams, O’Reilly, 1998 ; Cornet, Warland, 2007), elle est difficile à cerner et peut être représentée comme un « iceberg » (Point, 2007). La plupart du temps, elle est alors désignée par les éléments qui la constituent y compris à un niveau anglo-saxon. Parmi les éléments constitutifs, nous retrouvons le handicap, « l’âge, la couleur de peau, la langue, le sexe, […], la situation familiale, les méthodes de travail, les orientations sexuelles, l’héritage culturel, … » (Sabeg, Charlottin, 2006). Ces éléments constitutifs de la diversité renvoient dès lors essentiellement aux 20 critères de non-discrimination de la loi L.1132- 1 du Code du travail Français. Un tel traitement de la diversité peut parfois renforcer les différences et les stéréotypes qui y sont associés et n’est donc pas sans certains risques associés.

Chapitre 2. La diversité en entreprise : une gestion nécessaire ?