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Série 2. Discussion générale

3. Eléments de réponses aux questions soulevées

3.2. Rôle du dispositif de réponse

A l’issue de la revue de la littérature existante, un second questionnement a concerné le rôle du dispositif de réponse dans les effets de compatibilité entre valence et latéralité. Comme on l’a vu, de nombreuses tâches de catégorisation binaires comme le jugement de valence ont recours à des dispositifs de réponse où les modalités sont disposées côte à côte sur le plan horizontal : deux touches de réponses accolées ou de chaque côté d’un clavier, les cases d’une échelle de jugement, etc.

Or on assiste fréquemment à une absence de contrebalancement de la position des touches de réponse dans les procédures expérimentales, ce qui implique une confusion entre les facteurs, par exemple entre la signification d’une réponse et sa localisation ou entre l’effecteur et le côté de réponse. Par exemple, chez de la Vega et al. (2012) les participants devaient répondre avec leurs deux mains sur deux touches situées à gauche et à droite d’un clavier. Leur méthodologie ne permettait donc pas de discerner si les réponses étaient plus rapides du fait de la localisation de la touche (à gauche ou à droite du clavier) ou de la main de réponse (main droite ou main gauche).

A notre connaissance, seule l’expérience de de la Vega et al. (2013) s’est attaché à distinguer ces deux dimensions en proposant aux participants de répondre à la tâche avec les mains croisées, c’est-à-dire que la main droite répondait à gauche et la main gauche répondait à droite. Les résultats ont mis en évidence que le facteur majeur dans les effets de compatibilité était la main de réponse et non le côté de réponse, puisque chez les droitiers les

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mots positifs étaient jugés plus rapidement par la main droite à gauche que par la main gauche à droite (et inversement pour les mots négatifs).

Toutefois il faut noter que dans les expériences de de la Vega et al. (2012, 2013) les participants ne réalisaient pas de mouvements de réponse à proprement parler, car leurs mains restaient sur les touches de réponses tout au long de l’expérience. Nous avons quant à nous tenus à ce que les participants réalisent des mouvements orientés vers la droite et la gauche afin de concevoir des situations avec le plus ou le moins de fluence motrice possible. De plus notre questionnement ne concernait pas uniquement le rôle spécifique d’une dimension comme la fluence motrice ou la disposition des réponses, mais aussi l’effet de la combinaison de ces deux facteurs. Ainsi, un moyen pour nous d’étudier le rôle du dispositif de réponse a été d’une part de ne faire utiliser qu’une seule main durant toute la tâche, ce qui nous a permis de distinguer ce qui relevait de la localisation et ce qui concernait la main de réponse, et d’autre part de manipuler la position de touches de réponse comme une variable expérimentale.

Dans la première série d’expérience la moitié des participants répondaient sur un clavier de réponse où la position des touches « + » et « - » était compatible avec les associations spontanées des participants (d’après Casasanto, 2009 : chez les droitiers positif à droite et négatif à gauche, l’inverse chez les gauchers), tandis que l’autre moitié des participants disposaient d’un clavier de réponse inversé. Dans l’expérience 2 de cette première série nous avons également manipulé ce facteur en intra-sujet afin de nous assurer qu’il s’agissait bien de différences dues à la position des réponses et non pas de différences interindividuelles entre deux groupes de participants. L’introduction de ce facteur dans la première série d’expériences a mis en lumière l’effet conjoint de la fluence motrice des mouvements de réponse et de la congruence du dispositif de réponse dans les temps de réponse des participants : les réponses aux mots positifs étaient plus rapides lorsque la disposition des

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touches de réponse correspondaient à la fluence associée à la main de réponse, tandis que les réponses aux mots négatifs étaient plus rapides lorsque cette disposition était contraire à la fluence liée à la main utilisée durant la tâche.

Au vu de ces résultats, nous avions choisi dans la seconde série d’expériences d’également manipuler la présentation du dispositif de réponse, en proposant deux types d’échelle de jugement de valence : une échelle congruente avec les associations valence/latéralité des participants droitiers (positif à droite et négatif à gauche) et une échelle inversée. Les participants, tous droitiers, n’utilisaient qu’une seule de ces échelles. Dans les expériences où les participants évaluaient des mots neutres, les résultats ont montré un effet principal du type d’échelle, avec des évaluations plus positives sur l’échelle congruente que sur l’échelle non- congruente, ainsi qu’une interaction entre la fluence motrice et le type d’échelle. Cette interaction reflète un effet additif des deux facteurs, puisque les évaluations les plus positives concernaient les conditions rassemblant fluence motrice et congruence de l’échelle, alors que les évaluations les plus négatives concernaient les conditions réunissant non-fluence et non- congruence de l’échelle. Dans les expériences où les participants évaluaient des mots de valence positive et négative, la congruence de l’échelle était un facteur déterminant car c’était sur la base de la compatibilité émotionnelle entre cette dimension et la valence des mots qu’étaient constituées les attentes d’évaluations.

En résumé, la disposition des touches de réponse et en particulier la congruence de cette disposition avec la fluence motrice des participants (et par extension avec leurs associations valence/latéralité durant la tâche) a été un facteur crucial dans les effets observés, aussi bien dans la première série d’expériences où la conjonction fluence/congruence a entrainé des effets de compatibilité au niveau des temps de réponse, que dans la seconde série où les diverses combinaisons de ces facteurs ont joué sur l’évaluation émotionnelle de matériel neutre et connoté.

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Il nous semble donc important, à l'avenir, de considérer la possibilité de tels effets, voire de biais de réponse lors de l’utilisation de dispositifs latéralités dans des tâches de catégorisation telles que le jugement de valence. En l’absence de contrebalancement, divers facteurs au nombre desquels la dominance manuelle, la main utilisée pour répondre ou la compatibilité avec d’autres variables expérimentales peuvent influencer les performances des participants.