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1. PROBLÉMATIQUE

1.4 Le processus d’intégration

1.4.2 Rôle des dynamiques de résilience dans l’intégration

d’éternelle victime... » (Saillant, 2007) p. 68

Au cours du processus migratoire, malgré les embûches culturelles et sociales, des familles et des jeunes réfugiés affectés moralement et physiquement parviennent à surmonter les situations d’adversité, à vivre éventuellement une belle expérience et à s’intégrer dans la société d’accueil (Montgomery, 2002b). Devant des événements difficiles et des passages émotionnellement épuisants, ces jeunes arrivent à trouver un équilibre. En sciences sociales, ce phénomène se nomme la résilience. Le concept, employé notamment en psychologie et développé entre autres par le psychiatre éthologue Boris Cyrulnik, permet d’expliquer comment certains individus, face à l’adversité, peuvent tirer profits d’une souffrance intense (Bouteyre, 2004; Cloutier & Drapeau, 2008; Cyrulnik & Viau, 2000; Poilpot, 1999). Cette section fera état des principes qui régissent ce concept et de la mise en œuvre de pratiques qui contribueraient à faire émerger des sujets résilients, par le biais notamment des services d’accueil. Les propos qui suivent tenteront de répondre aux questionnements suivants :

« Qu’est-ce que la résilience? » « Qu’est-ce que devenir résilient? »

« Peut-on apprendre à devenir tuteur de résilience? » (Cyrulnik & Pourtois, 2007)

En sciences humaines, il y a un engouement pour la résilience comme objet d’étude (De Tychey, 2001; Théorêt, 2005). Au cours de recherches longitudinales, des chercheurs ont tenté de théoriser ce terme (Benard, 2004; Bouteyre, 2008). Néanmoins, le concept demeure parfois ambigu, mais il semble pertinent pour saisir,

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dans une perspective positive, la situation de ceux qui parviennent à se reconstruire suite au stress et aux traumatismes de l’exil. D'ailleurs, à travers cette notion de résilience, peut-être pouvons-nous déceler des pratiques identitaires distinctives (Bouteyre, 2008).

À l’origine, le terme résilience s’appliquait au domaine de la physique pour désigner la résistance de choc d’un matériau (Bouteyre, 2004). La résilience, comme nous l’entendons ici, va au-delà de la résistance, puisque l’individu est confronté à des difficultés notables qu’il doit surmonter (Poilpot, 1999). Autrement dit, pour déterminer ce qu’est la résilience, il doit y avoir deux composantes : celle relative à l’adversité, qui renvoie à l’exposition à une situation à risque ainsi que celle relative à l’adaptation réussie en ce qui a trait à l’état d’équilibre atteint (Cloutier & Drapeau, 2008; Goldstein & Brooks, 2005; Théorêt, 2005). En dépit de la capacité à affronter des circonstances éprouvantes, il faut comprendre que la résilience ne repose pas sur l’insensibilité face aux situations à problèmes, ni à l’invulnérabilité (Bouteyre, 2004; Cloutier & Drapeau, 2008; Goldstein & Brooks, 2005). En fait, les individus pouvant être considérés comme vulnérables à un moment de leur vie, peuvent tout de même être résilients. De même que, pour les personnes identifiées résilientes, il est possible qu’elles manifestent un jour ou l’autre des mécanismes de réponse moins efficaces (Ionescu-Jordan, 2001). Dans cette optique, la résilience est vue comme un processus multidimensionnel, variable dans le temps et impliquant des interactions entre le sujet et son environnement (Bouteyre, 2008; Poilpot, 1999).

La résilience est la tendance pour un enfant, un adulte ou une famille à se ressaisir après des circonstances ou événements stressants et à reprendre ses activités habituelles et son succès. La résilience est le pouvoir de récupération. (Ionescu-Jordan, 2001, p.165)

Il y a des agents qui peuvent contribuer à l’émergence de la résilience en stimulant le processus, ils seront considérés comme des vecteurs de résilience (Vatz Laaroussi, 2007, 2009). Parmi les vecteurs de résilience, on peut cibler le réseau familial, proche ou lointain, l’école et les membres qui y travaillent, ainsi que les professionnels d’aide. Également, on peut retrouver des symboles, circulant de génération en génération dans la famille, qui peuvent jouer le rôle de vecteur de résilience. Notons, comme exemple, un personnage historique qui apparaît comme modèle marquant pour les parents et qui sera transmis à l’enfant (Vatz Laaroussi, 2008). Ces acteurs, réseaux ou symboles, jouent un rôle de facilitateur et d’élément clé pour l’intégration des jeunes issus de l’immigration (Vatz Laaroussi, 2007, 2009).

La propagation du concept de résilience a fait émerger des idées maintenant critiquées (Benard, 2004). Une de ces idées laissait entrevoir que la résilience était considérée comme un trait de personnalité exclusif à certains. Sous cet angle, il y aurait des personnes qui posséderaient ce dernier et d’autres non, un angle qui n’envisage pas la notion de manière dynamique et systématique, ignorant l’incidence des facteurs environnementaux que plusieurs associent à la résilience (Benard, 2004; Poilpot, 1999). De plus, parce que la population étudiée était constituée souvent de jeunes de milieux à risque, certains ont appliqué le concept seulement à ce groupe. Pourtant, la résilience est considérée comme une capacité universelle, basée sur plusieurs facteurs, qu’il ce soit individuel ou collectif (Benard, 2004). Subséquemment, étant donné le caractère inclusif des services communautaires, il s’avère pertinent de voir comment ils peuvent devenir tuteurs de résilience (Cyrulnik & Pourtois, 2007).

Les groupes minoritaires ou vulnérables, que peuvent représenter les jeunes réfugiés, vivent dans un état d’oppression; en raison de leur statut, ils sont souvent sans voix et on accède rarement à leurs discours. Les organismes d’intégration et d’accueil

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présentent alors un espace pour évacuer, pour exprimer les sentiments relatifs aux difficultés survenues (Cyrulnik, 2009). Cependant, il est fondamental de cadrer le moment de révélation et que l’aidé soit soutenu. En tant que réseau d’aide, il ne s’agit pas de cloîtrer celui qui est pris en charge dans un rôle de victime, mais plutôt de le supporter dans le vécu des expériences négatives antérieures pour dégager un investissement dans l’ici et maintenant (Cyrulnik, 2009).

Le regard que les autres portent sur notre histoire nous permet de retravailler nos souvenirs, de nous réinventer un passé plus acceptable et de remanier notre personnalité de manière à devenir une meilleure compagnie pour nous-mêmes. Ce re-façonnement n’est jamais un mensonge, une duperie; c’est un facteur de résilience… (Cyrulnik, 2009, p. 12)

Dans un contexte d’exil, l’exposition de l’Autre est mise en évidence, c’est l’Autre, porteur de nuances et de différences, qui ébranle d’une certaine façon notre perception du monde (Pocreau & Martins Borges, 2006). Au fil des rencontres, l’intervention mettra en exergue trois aspects : la reconstruction de sens et de cohérence, le travail sur les liens d’appartenance et les liens actuels, et la construction dynamique de l’identité (Pocreau & Martins Borges, 2006).