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4. PRÉSENTATION ET ANALYSE

4.1 Profils des jeunes réfugiés

4.1.4 Le cas de Zulema Maria Juarez

Zulema est née le 28 août 1994, dans la très grande ville de Guadalajara, dans l’État de Jalisco au Mexique. Elle vit alors avec sa mère, son père, sa petite sœur, sa grande sœur et son grand frère. Puis, pour des raisons de travail, la famille de Zulema déménage quelques années plus tard, dans un village situé à trois heures de Guadalajara. Vivant dans un milieu tout à fait rural, sa vie change et elle s’habitue à un environnement différent de celui de la ville. Il n’y qu’une ou deux écoles et le strict minimum comme infrastructure : ‘Donc, c'est un tout petit village, j'habitais là et c'est vraiment différent la vie qu'il y a de la vie qu'il y a à Guadalajara et ici, ce sont vraiment trois choses différentes. Mais oui, plutôt là-bas, c'est très euh, le travail, y a pas beaucoup de travail, c'est plus dans les champs et des choses comme ça, dans mon village. Et l'école aussi, y avait pas beaucoup des élèves, vraiment pas beaucoup, mais donc euh c'était bon parce que tu connaissais tout le monde dans l'école, mais c'est pas bon parce que tu n'as pas l'opportunité de connaître beaucoup de gens et son opinion et des choses comme ça.’ En raison du petit nombre d’élèves, Zulema a un petit cercle d’amis, mais avec qui elle aime faire toutes sortes d’activités comme jouer de la musique dans une petite fanfare. Active, Carina adore faire divers exercices physiques avec ses amis et sa famille comme courir dans les parcs avec sa marraine qui en fait une activité quotidienne. Malheureusement, elle doit freiner quelque peu sa ferveur pour l’activité physique en raison de ses problèmes respiratoires qui s’accroissent vers l’âge de 12 ans et qui s’intensifieront davantage, plus tard à son arrivée au Québec. Durant ses premières années à l’école secondaire, Zulema obtient de bonnes notes et passe de beaux moments avec ses amis. Parallèlement, sa vie familiale semble s’alourdir par des épreuves qu’elle qualifie comme étant de véritables combats contre la vie.

Audrey : ok, est-ce que ça t'est arrivé des moments où tu es tombée et que tu as dû te relever comme tu dis?

Zulema : oui y'a toujours.

Audrey : pour toi ce serait quel moment marquant qui représente ça?

Zulema: euh c'est quand mon grand-père s'est fait couper la jambe, il était vraiment malade au Mexique et mon père n'était pas avec nous, il était aux Etats-Unis, mon frère également. Donc ma grande soeur, elle

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était enceinte, mais elle habitait pas avec nous, elle habitait à 4 heures du village, donc euh nous vivons chez nous juste ma mère, ma petite soeur et moi. Donc euh ma mère, même si mon grand-père avait beaucoup de fils, c'était juste ma mère qui l'aidait, mais c'est toujours ma mère, donc elle est partie presque 3 semaines à l'hôpital pour être juste avec lui, donc euh c'est moi qui devait aider ma soeur et tout. Mais le plus euh l'effet plus sévère pour moi c'est de voir ma mère déprimée, c'est quelque chose que j'ai jamais pu, c'est quelque chose de très fort, je donnerai ma vie pour que ma mère ne soit pas comme ça.

Audrey: hum, je comprends, tu as trouvé ça difficile de voir ta mère comme ça.

Zulema: c'est très difficile, c'était très difficile pour moi de pas tomber vraiment, parce que euh je pouvais pas, je devrais pas, donc euh c'est ça.

Audrey: est-ce que tu as eu l'impression que tu devais être plus responsable tout à coup?

Zulema: oui responsable, forte, euh dans les sentiments parce que c'est vraiment dur. Euh ma soeur, ma grande soeur dans ce temps-là, elle avait eu une menace de avortement, parce que elle était trop petite, bon pas trop petite, elle avait 17 ans, mais quand même, on lui a dit qu'elle était obligée de se avorter et perdre le bébé. C'est euh c'était pas facile pour sa santé vraiment, donc euh c'était difficile, c'était de mettre en jeu la vie de ma petite nièce, de ma soeur, mon grand-père, ma mère.

Audrey: ok, c'était plein d'événements bouleversants en même temps.

Zulema: et ma grande soeur a eu finalement le bébé, mais avec une santé difficile. Mais euh c'était le pire moment que je passai dans ma vie.

Malgré tout, Zulema se fixe des rêves qui lui permettent de persévérer devant l’adversité, elle garde en tête que la réussite vient parfois avec des obstacles et qu’avec l’assiduité, elle peut atteindre ses buts.

Audrey : Bon pour toi, comment définirais-tu la réussite?

Zulema : oui ah ok. C'est quoi pour moi, c'est quelque chose, bon c'est le but, le but, quelque chose qui toujours quand je me réveille bon je dis je fais ça, parce que ça m'aide à réussir. Donc ben oui c'est euh, c'est la raison pour laquelle tu es dans la bataille, pour laquelle tu vis, tu es toujours là.

Audrey : et ça serait quoi pour toi ton but?

Zulema : mon but ben en fait c'est euh, ma profession, ce sont mes études et la vie que je veux avoir, la famille, l'amour, tout ça, avoir toujours une bonne vie.

Audrey : et ce sont des buts pour toi qui ont toujours été là, au Mexique aussi ou plus depuis ton arrivée tu penses?

Zulema:ouais ça fait longtemps que j'ai cette idée, mais plus euh la profession de psychologie, c'est quelque chose que je sais depuis le secondaire au Mexique […]

Audrey: hum, hum. Selon toi, quelles sont les compétences, les qualités qui permettent d'accéder à la réussite?

Zulema: euh je crois que c'est toujours de si j'ai, si je tombe, je me lève toujours.

Audrey: ah ok, est-ce qu'on pourrait dire la persévérance?

Zulema: oui c'est ça, c'est la persévérance, il y a l'orgueil aussi, si je dis je veux ça et je l'aurai.

À travers les entretiens, son discours témoigne à la fois d’une appréciation de sa vie au Mexique et à la fois d’un désappointement. Pour elle, en plus des difficultés relatives à sa famille; l’insécurité, la pauvreté et les inégalités croissantes entre les différentes classes lui laissent un souvenir perplexe face à son pays d’origine.

Audrey : ah ok et qu'est-ce que tu aimais le moins au Mexique?

Zulema : euh je pense que c'est l'insécurité, le danger là-bas parce que il y a beaucoup, vraiment beaucoup de vols ??? des choses comme ça, ouais c'est ça.

Audrey : est-ce que c'est une des raisons pourquoi vous êtes venus ici? Zulema : oui c'est pour ça, et euh oui je pense, je sais pas.

Entre-temps, d’autres problèmes surviennent dans la famille et les parents de Zulema réfléchissent à la possibilité de fuir le pays. Ayant un oncle installé au Canada depuis trois ans et aussi parce qu’ils ont entendu que le pays possède des mesures d’accès plus efficaces pour les immigrants, les parents de Zulema pensent s’arrêter sur ce choix. Toutefois, il s’écoule un an entre le moment où les parents envisagent de partir et le départ. Bien que Zulema se doute de l’idée qui cogite dans la tête de ses parents, ce n’est qu’une journée avant le départ, qu’elle le sait, sans pour autant connaître quelles sont les raisons exactes qui motivent ses parents à vouloir se réfugier au Canada. Alors que son frère quitte pour les États-Unis et que la sœur aînée déménage dans une autre région du Mexique, le 12 novembre 2008, Zulema, sa petite sœur et ses parents quittent pour le Canada.

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Audrey : ok et vous êtes partis du Mexique pour quelles raisons? Zulema : Bien c'est plutôt des problèmes avec mes parents

Audrey : ok

Zulema : on est réfugiés donc je sais pas trop.

Audrey : ok donc il s'est passé des choses au Mexique, des problèmes qui concernaient tes parents et vous êtes partis. Est-ce que tu savais qu'ils avaient des problèmes?

Zulema : hum, pas vraiment, mais ils en parlent pas, je savais et non en même temps.

Audrey : ok et est-ce que tu l'as su d'avance que vous deviez partir, au moment où tes parents ont pris la décision?

Zulema : quelques mois, mais c'était rien de sûr. C'est une décision qui a été pris d'un jour pour l'autre, on a décidé ok on part demain ou après- demain, c'était vite.

Après quelques heures passées à l’aéroport de Montréal, Zulema, ainsi que son père, sa mère et sa sœur germaine sont référés au centre des résidences du Y du centre-ville, où ils logeront quelques jours avant de trouver leur appartement actuel, avec l’aide de l’oncle à Zulema, dans un quartier près du métro Côte-Vertu.

Audrey : Puis quand tu es arrivée ici, comment ça s'est passé?

Zulema : Ah c'était vraiment différent. J'avais l'émotion de connaître, mais aussi en même temps, tu sais le sentiment que on a laissé l'école, les amis, la famille. C'était pas très facile, mais on est arrivés ici et c'était, il faisait déjà froid en fait. Rien à avoir avec, au Mexique donc euh je sentais que j'étais comme euh un Esquimau (rires). Mais je sortais, et ça servait à rien, il faisait froid. Mais c'était l'émotion plutôt que rien et j'ai beaucoup aimé.

Audrey : ah ok. Est-ce qu'il y avait des choses que tu connaissais, par exemple ton oncle, est-ce qu'il vous a parlé du Canada? Est-ce que tu connaissais des choses du Canada avant?

Zulema : pas beaucoup, je cherchais des informations, mais pas beaucoup, c'est quelque chose de pas évident vraiment.

Étant donné que Zulema arrive au milieu de la session scolaire d’automne, elle devra attendre janvier 2009 pour faire sa première entrée dans une école au Québec. Elle entre alors en classe d’accueil.

De manière générale, Zulema apprécie sa vie ici, mais admet s’ennuyer de sa famille dont sa sœur et son frère aînés ainsi que ses grands-parents : ‘[…] c'est aussi quelque chose de difficile pour moi parce que c'est le seul frère que j'aie. Donc euh c'est vraiment des moments comme ça qui fait qui me manque beaucoup et je le vois pas, dès qu'il est parti je ne le vu plus, donc euh c'est difficile aussi, pour ma mère surtout, de le voir parfois toute déprimée pour ça. On lui parle souvent au téléphone et ma mère s'inquiète après.’ Aussi, elle n’arrive pas à trouver des activités hors scolaires qui lui plaisent autant qu’au Mexique et elle a quelques difficultés avec quelques camarades de classe en plus du retard scolaire accumulé depuis son départ. Ce qui semble la bloquer davantage, ce sont ses problèmes respiratoires qui s’intensifient grandement depuis son arrivée au Québec. Zulema mentionne que l’hiver est particulièrement difficile pour elle et qu’elle doit subir récemment une opération à la gorge pour diminuer ses troubles respiratoires et pulmonaires. Malgré tout, elle indique que le fait d’immigrer au Canada la rapproche de son rêve d’être psychologue, elle croit ainsi qu’elle a davantage de chance de se rendre à une université convenable.

Audrey : est-ce que tu aimes l'école en général?

Zulema : oui j'aime beaucoup, je crois que c'est quelque chose important. J'aime pas euh on pourrait dire que j'aime pas être venue ici parce que j'ai perdu deux années de mon école, donc euh j'ai toujours l'idée que je veux étudier en psychologie, donc euh je sais que c'est un métier où tu dois beaucoup des études et je dois avoir de bonnes notes et donc là j'ai deux années de plus que je dois étudier parce que j'ai perdu. Mais aussi je crois que j'ai une langue de plus, ça peut peut-être m'aider et ici il y a de bons universités, donc euh c'est ça. […]

Audrey : Et qu'est-ce qui représente ta vision du futur?

Zulema : euh peut-être l'université… de penser à quelle université j’irai […] je pense souvent, j'ai déjà l'idée de quel métier je veux faire plus tard, c'est la psychologie, c'est quelque chose que au Mexique c'est pas évident du tout…

Zulema souligne également que, pour d’autres parties de sa vie, ses conditions se sont plutôt améliorées depuis son installation au Québec et qu’elle a l’impression que les valeurs des Québécois ressemblent davantage aux siennes.

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Synthèse de la trajectoire de Zulema

Âgée de 15 ans lors de l’entrevue

AU MEXIQUE :

1994 12 novembre 2008 Novembre 2008 Naissance Déménagement École primaire et Dernière fois à l’école Départ Mexique dans un petit secondaire niveau secondaire 3 avec sa famille à Guadalajara village dans un petit village

AU QUÉBEC

2008 2009-2010 2009-2010

Arrivée et École en classe d’accueil Reconnaissance statut réfugié YMCA & CEJFI niveau intermédiaire

(aide matérielle )

2010-11 :

Elle poursuit ses études secondaires au niveau régulier pour la première fois.

Né en 1994, à Guadalajara au Mexique Présence d’insécurité, problèmes familiaux Jusqu’en novembre 2008 : école primaire et 1,2 et une partie du 3 secondaire au Mexique

2008 : arrivée au Québec, YMCA 2009 : CEFJI, Armée du Salut

2009 : entrée à l’école, classe d’accueil 2010-11 : école, classe régulière