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1. PROBLÉMATIQUE

1.3 L’organisation de l’accueil des réfugiés au Canada et au Québec

1.3.2 Défis pour les intervenants

Chaque structure communautaire a sa mission qui lui est propre et tente de véhiculer ses valeurs respectives. L’intervention auprès de ces jeunes leur donne un support affectif et moral et l’organisme peut fournir aussi un espace de socialisation, d’insertion culturelle et pédagogique. À travers les efforts déployés par le milieu communautaire, apparaissent certains défis émergents que les intervenants doivent surmonter.

Un des obstacles le plus souvent rapporté concerne la communication sous tous ses angles. En effet, il y a plusieurs facteurs entourant la sphère communicationnelle qui entrent en jeu. D’abord, la barrière de la langue peut s’avérer un énorme défi pour le jeune réfugié ainsi que nous l’avons mentionné plus tôt, mais également pour l’intervenant qui tente de démarrer une relation d’aide (Bertot & Jacob, 1991; Bouteyre, 2004; Diallo & Lafrenière, 2007). Par contre, bien que les écrits soulèvent les difficultés linguistiques, il ne s’agit pas non plus de mesurer l’intégration du jeune exclusivement par la maîtrise de la langue locale (Vatz Laaroussi & Manço, 2002).

Une autre difficulté qui pourrait entraver la communication entre les acteurs est l’incompréhension culturelle, par le contre-transfert culturel dû aux codes de références de chacun (Cohen-Emerique, 1993; Diallo & Lafrenière, 2007; Legault, 2000; Sterlin & Dutheuil, 2000). Au cours de l’intervention, l’agent d’aide s’appuie sur son système de codes culturels et ainsi interprète l’autre à partir de ce système. « En partant d’une vision qui tient compte uniquement de sa propre culture, on déforme ainsi la réalité de l’autre. » (Sterlin & Dutheuil, p.143)

Dans le secteur communautaire, plusieurs mettent en évidence le sentiment de méfiance et de résistance envers les services d’aide et le rôle des intervenants (Bertot & Jacob, 1991; Mvilongo-Tsala, 1995). Face à cette réticence, l’intervenant doit tenter d’établir une relation de confiance, essentielle à la compréhension du processus d’intervention. C’est ce lien de confiance qui favorisera l’investissement de la part du jeune soutenu. D’ailleurs, un des obstacles observés relève de l’intérêt que porte l’aidé face aux projets proposés. Pour l’intervenant, encourager le jeune à se projeter dans l’avenir par l’entremise de réalisation, malgré l’incertitude engendrée par son statut, constitue un défi de taille.

Une autre difficulté rencontrée touche à l’outillage des professionnels. Ceux-ci peuvent se sentir dépourvus et manifestent la nécessité d’un bagage suffisamment riche pour répondre aux besoins des jeunes réfugiés, que ce soit par le manque de connaissances du vécu et des paramètres de l’exil ou par l’inexistence des outils développés adaptés à la réalité de ces jeunes (Bertot & Jacob, 1991; Diallo & Lafrenière, 2007). Il peut s’avérer compliqué de mobiliser tous les cadres relationnels du jeune : la communauté, la famille, les pairs, l’école. Le rapport qui sera entretenu entre l’agent d’aide et le jeune peut aussi dépendre de la collaboration entre les sphères environnant le jeune pour ainsi permettre un suivi plus efficace. Par ailleurs, le suivi comme tel s’avère laborieux dans un contexte d’intervention auprès des

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jeunes réfugiés parce que l’urgence d’agir prime souvent sur l’action à long terme. Pourtant, certains problèmes peuvent survenir seulement quelques mois, voire quelques années après l’installation.

À cause des particularités des jeunes réfugiés, les intervenants œuvrant dans les centres communautaires doivent porter attention à leur pratique à travers les interactions. Pour remédier aux pièges et difficultés relatés ci-haut, bon nombre de chercheurs ont identifié des approches adoptées pour favoriser l’échange interculturel entre l’intervenant et l’aidé (dans ce cas-ci le jeune réfugié) (Cohen-Emerique, 1993; Legault, 2000; Sterlin & Dutheuil, 2000).

L’approche d’intervention interculturelle, élaborée par Cohen-Emerique, comporte trois démarches : 1) la décentration, 2) la pénétration du système de l’autre, 3) la négociation et la médiation (Cohen-Emerique, 1993; Legault, 2000). Étant dans un processus dynamique, les étapes peuvent s’imbriquer, s’effectuer simultanément ou séparément (Cohen-Emerique, 1993).

1) La décentration : Ici, il apparaît important de se distancer de soi en tant que porteur de culture et de sous-cultures relatives à l’individu même, mais aussi à l’institution que l’on représente. La distance permet de réfléchir sur ses premières impressions et d’être vigilant en ce qui regarde ses perceptions momentanées vis-à-vis de la situation. La décentration fait émerger les « images guides » comme l’indique Cohen-Emerique, les images qui constituent des valeurs sous-entendues dans l’exercice professionnel. Puis, se décentrer c’est se pencher sur ses présupposés qui régissent ses conceptions d’intervenant. Se décentrer c’est prendre conscience de ses filtres qui empêchent l’ouverture à l’autre (Sterlin & Dutheuil, 2000).

2) La pénétration du système de l’autre : Il n’est formellement pas problématique que de se référer à ses schèmes culturels pour intervenir, là où cela cause problème c’est dans le cas où l’intervenant ne tient pas compte aussi du système culturel de l’autre. Ainsi, il demeure pertinent de s’approprier les référentiels culturels de l’autre. Cela peut s’effectuer par la réalisation de voyages, la lecture de documents formels ou informels sur la culture concernée et par l’apprentissage des messages non-verbaux relatifs à la culture (Cohen-Emerique, 1993; Legault, 2000).

3) La négociation et la médiation : Reliée directement à la résolution de conflits, cette étape témoigne de la complexité de chaque situation et qu’il faut penser chaque problème distinctement. Il faut réserver un espace de médiation où l’on reconnaîtra les conflits de valeurs et non l’anormalité dans les comportements, afin d’arriver à un compromis entre les protagonistes dans un climat de réciprocité (Cohen-Emerique, 1993; Sterlin & Dutheuil, 2000).

Comme il a déjà été énoncé, une des particularités des jeunes réfugiés est l’unicité de chaque profil rencontré (Azdouz, 2003; Manço & Godfroid, 2006; Sabbah, 2000). Il faut d’abord reconnaître l’individualité du jeune, peu importe son statut et s’attendre à une histoire singulière. Tout de même, il y a des éléments rapportés qui permettent de voir des aspects transversaux dans les parcours. Parmi les services d’accueil et d’intégration, les acteurs doivent prendre en compte les divers paramètres à l’intérieur des phases migratoires (avant le départ, pendant le départ et à l’arrivée dans la nouvelle société) et ainsi dégager les facteurs de protection et les facteurs de risque qui jouent un rôle dans le projet migratoire.

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