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Entrevue semi-dirigée et présentation du schéma d’entrevue

3. CADRE MÉTHODOLOGIQUE

3.2 Le mode de collecte de données

3.2.2 Présentation de l’outil de collecte

3.2.2.1 Entrevue semi-dirigée et présentation du schéma d’entrevue

L’entretien est une technique de cueillette de données considérée efficace et pertinente en recherche qualitative, notamment lorsqu’il s’agit d’une étude de type exploratoire (Karsenti & Savoie Zajc, 2004; Mongeau, 2008). Aux fins de cette étude, c’est l’entrevue individuelle semi-dirigée qui permettra de recueillir la quasi-totalité des informations relatives aux objectifs susmentionnés, donc sur les trajectoires migratoires, les stratégies identitaires et les défis d’intégration. Ce type d’entretien est un outil par excellence dans ce cas-ci, puisqu’il fournit des données complexes sur un individu, et permet à l’enquêteur d’adapter certaines questions dépendamment de la personne interviewée et offre à cette dernière la possibilité de répondre plus librement qu’avec un questionnaire fermé (Mongeau, 2008).

Par le nombre restreint de sujets ciblés, et afin de capter le plus d’informations possible, deux entrevues ont été réalisées pour chaque participant. En tout, près d’une quarantaine de questions constituent l’ensemble des deux entretiens (grille d’entretien en annexe A). Elles sont structurées autour des trois objectifs de la recherche : décrire les trajectoires migratoires, décrire les stratégies identitaires mobilisées en tant que réfugié et jeune pour comprendre le processus identitaire à l’intérieur des différents espaces de vie et documenter les défis d’intégration et obstacles. Le canevas d’entrevue est sous divisé en cinq thématiques qui découlent de ces objectifs. Les questions rédigées dans la grille d’entrevue sont généralement inspirées de travaux de Deutsch (2008), Kanouté (2009), Lafortune (2006) et de Legault (2008).

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La première entrevue permet surtout de rendre compte de la trajectoire migratoire et de situer le vécu du jeune dans son projet d’intégration au Québec. Tandis que la seconde entrevue tend à jeter un regard sur le processus identitaire, mais pareillement sur le projet d’intégration. Évidemment, dans le cas où le répondant déviait de la question posée ou que l’exploration d’un thème n’était pas suffisamment approfondie lors de la première rencontre, il a été toujours possible d’y revenir lors de la seconde entrevue.

Au cours des entretiens, quelques variantes qui peuvent faciliter la communication et dynamiser la conversation sont proposées aux répondants. Elles demeurent des alternatives aux questions dites plus formelles : carte géographique, ligne de temps pour identifier des dates importantes dans le parcours, objets de la maison rapportés par les répondants pour appuyer des questions, photos amenées par l’intervieweur (technique de photolangage). Les deux premiers procédés consistent à marquer sur un axe (ligne du temps) des dates significatives du parcours migratoire et à tracer le chemin parcouru depuis le départ du pays d’origine jusqu’au Québec sur une carte géographique du monde, ce qui correspond notamment à décrire la trajectoire migratoire du répondant. Ils sont utilisés au début de la première entrevue. Ensuite, les deux dernières techniques semblent adéquates dans ce contexte particulier parce qu’elles permettent d’engager la discussion sous une autre forme de support. Elles sont mises en œuvre lors de la deuxième entrevue pour permettre l’éclosion d’un discours sur la trajectoire migratoire, sur le projet d’intégration, mais plus spécifiquement sur le projet identitaire du jeune.

À la fin de la première rencontre, une feuille indiquant des directives simples et précises est distribuée au répondant. Cette feuille énonce le premier exercice effectué lors de la deuxième rencontre. Celui-ci exige une contribution importante de la part des répondants, lesquels sont appelés à rapporter un ou plusieurs objets (et/ou photos) personnels en lien avec chacun des points suivants (un objet peut représenter plus d’un point, même tous si tel est le cas) :

• Qui te représente le mieux maintenant; • Qui te rappelle le mieux ta culture d’origine; • Qui te fait le plus penser à la culture d’ici; • Qui représente ta vision du futur;

• Qui illustre ce que tu aimes le plus; • Qui illustre ce que tu aimes le moins.

Une discussion autour des objets rapportés fait office d’introduction de la deuxième rencontre. Le jeune est donc invité à élaborer ses idées autour de son choix. Inspirée de la technique de « photovoice » tirée de l’anthropologie afin d’étudier des cas en contexte minoritaire, cet exercice est un procédé où l’interviewé exerce un certain pouvoir dans l’orientation de l’entretien par le choix qu’il fera de ses objets (Deutsch, 2008). Cela autorise des dévoilements plus profonds de soi, d’autant plus que le répondant sélectionne des objets de sa vie, qui font un sens pour lui. C’est une technique qui peut être profitable quand il est temps d’aborder des sujets plus difficiles.

Afin d’aborder les stratégies identitaires et comprendre le projet d’intégration, la technique du « photolangage », fondée de théorie psychanalytique, consiste à proposer des images sélectionnées par le chercheur et permet de partir de l’expérience du sujet (Vacheret & André, 2000). Souvent utilisée en groupe, cette technique inductive offre la possibilité, à travers la photographie, de faire participer le sujet dans l’articulation des entrevues et de laisser place à une réflexion selon le rythme du répondant. C’est une méthode simple et plutôt facile pour favoriser l’expression par l’interprétation d’images et non seulement par les mots, qui peuvent s’avérer lourds dans certains contextes comme celui de l’exil. Durant la deuxième entrevue, une trentaine de photos sont étalées devant le sujet servant de point d’amorce à quelques questions sur l’identité du sujet. Ces images encouragent le processus associatif et favorise l’éveil de sentiments intimement liés au vécu du jeune, à condition toutefois que les directives soient claires et précises. Ainsi, il est préférable de mentionner le nombre d’images souhaitées, le temps accordé et une question suffisamment large pour susciter l’imaginaire du jeune et non le restreindre à une symbolique trop pointue (Vacheret & André, 2000). Voici un extrait de la grille d’entrevue (voir Annexe A), il s’agit d’une des questions formulées lors de la deuxième entrevue lors de l’exercice de photolangage :

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À partir des images (j’ai emporté une banque de 35 photos environ), dis-moi quelles sont celles qui t’interpellent le plus, de manière positive ou négative et pourquoi en 2-3 minutes? Tu peux choisir entre deux et quatre photos et expliquer ton choix.

Présentation du schéma d’entrevue (pour plus de détails, se référer à l’annexe A):

Première entrevue (questions 1 et 2) - Présentation, trajectoire et parcours social/scolaire : première section de l’entrevue, elle comporte des questions entre autres sur les aspects sociodémographiques du jeune, le trajet migratoire de manière globale, la scolarité atteinte lors du départ dans le pays d’origine ou transit s’il y a lieu et celle au Québec. C’est ici que les deux techniques indiquées plus haut, la carte géographique plastifiée et l’axe des dates importantes dans le parcours, sont employées. C’est une section qui sert de prémisse à l’entrevue et qui permet de situer un peu le jeune pour le reste de l’entrevue. Elle fait également office d’échanges et de présentation entre l’interviewé et l’intervieweur dans l’établissement d’une première relation avant de poursuivre sur des questions un peu plus délicates. Tranquillement, à travers les exercices de la carte géographique et de l’axe, le jeune est appelé à s’exprimer sur les raisons qui ont poussé sa famille à quitter le pays d’origine.

Première entrevue (questions 3 à 6) - Parcours migratoire et projet d’intégration : l’arrivée au Québec, les différences et les ressemblances entre les systèmes : le but de cette partie d’entrevue est de comprendre le projet d’intégration, et en continuité avec la première thématique, de décrire la trajectoire migratoire chez le jeune. Comment le jeune perçoit-il le fait d’immigrer au Québec, ses premières impressions au cours du contexte migratoire et postmigratoire, les obstacles affrontés, mais aussi ce qui a facilité son arrivée. Il est question ici d’aborder directement ses conditions de vie dans son pays d’origine et dans le pays hôte. Toutes ses informations supportent l’édification des profils des répondants.

Première entrevue (questions 7 à 20) - Vécu scolaire ou travail, relations avec les pairs et organismes : toujours dans la première entrevue, ce segment, de même que celui d’après,

s’attarde sur les différents réseaux du jeune et sur quel rapport semble se construire les réseaux à travers ses fréquentations. Ici, les questions tournent autour du vécu scolaire dans le pays d’origine et le pays d’accueil et/ou le vécu relié au marché du travail si tel est le cas. L’intérêt est porté sur la position du jeune et sur ses perceptions dans le système scolaire et social en l’interrogeant sur ses expériences à l’école, au travail, en relation avec ses pairs et en lien avec les organismes communautaires destinés aux immigrants ou autres. Ce volet de l’entrevue se concentre sur les relations interpersonnelles, les performances académiques, les sentiments face au monde social et scolaire, la motivation, la présence ou non de discrimination et toutes autres situations faisant partie de la réalité du répondant. Ensuite, à l’aide de petites fiches, où il est inscrit préalablement des mots associés à des lieux, le jeune est invité à rendre compte des lieux qu’il estime plus déterminants dans sa vie. Il doit placer toutes les fiches en ordre d’importance et commenter son choix.

À la question 19) Sur de petites fiches, j’ai inscrit au préalable certains mots (école, travail, bibliothèque, famille, musées et expositions, organismes communautaires, sorties, maison, amis, religion et autres si mentionnés à la question 9). Puis je demande de placer les cartons selon leur priorité en expliquant le choix.

Première entrevue (questions 21 à 24): La famille et les changements: pour mettre un point final à la première entrevue, des informations sont recueillies à propos de la dynamique familiale au cours de la trajectoire migratoire. Cette partie contribue à comprendre les liens établis dans la famille, l’organisation au sein de la famille, les changements dans l’organisation et le rapport que le jeune a avec ses parents. Les questions doivent aussi faire verbaliser le jeune sur la position du parent face à son statut d’immigrant, comment celui-ci voit la nouvelle société et ses conditions de vie s’y rattachant.

Deuxième entrevue (question 25 à la fin, incluant les exercices d’objets personnels et photolangage) - Stratégies identitaires/positionnement interculturel/projection & conclusion : cette thématique fait partie de toute la deuxième entrevue, elle englobe donc plusieurs sous thématiques. D’abord, il s’agit de faire un retour sur la première entrevue,

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s’il y a des points à éclaircir ou à aborder (Deutsch, 2008). Puis, tel qu’il a été mentionné précédemment, deux exercices sont proposés, un relié à des objets rapportés de la maison et l’autre au photolangage, il convient donc de discuter autour des choix faits par le répondant par le biais de quelques questions pour entretenir l’échange. Ensuite, l’entrevue porte sur des questions ouvertes permettant de relever des aspects de l’identité personnelle, du positionnement interculturel et des stratégies identitaires mobilisées comme : « Si tu pouvais émettre trois réponses différentes à la question: « Qui suis-je ?», que répondrais- tu? » ou « Pour toi, tu définirais ton identité ethnique comme… ». De plus, une portion de l’entrevue est orientée vers le projet d’intégration et le processus identitaire, donc vers la vision qu’a le répondant de son futur : « Comment imagines-tu ta vie dans cinq ans ? Dans 20 ans ? À qui aimerais-tu ressembler? ». La fin des deux entrevues est consacrée à élaborer le rapport des jeunes avec leur statut d’immigrant et comment ils entrevoient le fait de provenir d’une famille réfugiée. Ils sont invités à discuter des défis d’intégration mais aussi à faire ressortir des éléments qu’ils aimeraient améliorer ou changer pour faciliter l’intégration de jeunes réfugiés comme eux.

Même si chaque segment du canevas d’entrevue est associé à une thématique plus qu’à une autre, il faut garder en tête que toutes se chevaucheront au cours des deux entrevues. Ainsi, bien que certaines questions ciblent plus précisément des composantes de l’identité personnelle et/ou sociale et/ou culturelle, l’ensemble du discours des répondants servira forcément à saisir leur processus identitaire et à déceler des stratégies identitaires notamment au travers les relations intrafamiliales ou interpersonnelles pour ne nommer que celles-ci. Avant la passation des entrevues, mentionnons que nous avons procédé à un prétest auprès d’un jeune immigrant; n’ayant par contre pas le statut de réfugié. Ceci a eu comme but de vérifier l’intelligibilité et la validité du schéma d’entrevue.