Le rôl e d es pres crip teu rs

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d’eux-mêmes vers un roman dont rien, dans une production pléthorique, ne laisse présager l’atypisme. »388

La littérature pour adolescents doit donc composer avec les désirs des adolescents mais également ceux des prescripteurs. Christine Féret-Fleurey témoigne du poids de ces derniers dans la conduite de la politique éditoriale d’une collection, même s’ils ne contrôlent pas entièrement la production : « Je crois qu'on y pense tous parce qu'il est vrai que la prescription reste l'un des principaux véhicules de diffusion de la littérature jeunesse. Néanmoins, les collections de littérature sont des « collections militantes », des collections où l'on ne cherche pas forcément à faire du chiffre mais où l'on cherche à trouver des auteurs et des textes, à faire du fonds ; en amont donc, on ne pense pas aux prescripteurs. On publie avant tout les textes qui nous plaisent profondément, qui nous semblent à la fois être dans l'image que l'on veut donner à la collection et aller vers un lecteur qu'on respecte et à qui l'on a envie d'apporter du bonheur. On pense au rôle du prescripteur en aval parce qu'on voudrait que nos livres soient lus et partagés par le plus grand nombre, et donc qu'ils se vendent. Le rôle de l'éditeur par rapport au prescripteur est avant tout un rôle d'information que nous essayons de développer en ce moment chez Gallimard notamment à partir des fiches pédagogiques. »389

Entre création littéraire et création marketing, entre écriture spécifique et romans universels, entre écriture aménagée et liberté de ton, entre peur et reconnaissance, la collection « Scripto » se situe au croisement de nombreuses problématiques qui touchent avec plus ou moins de force toutes les collections pour adolescents. L’offre diversifiée qu’elle propose regroupe de nombreux questionnements que pourtant ne sont pas nouveaux. Dans une interview au magasine Livres Hebdo en 1989, Geneviève Brisac affirmait déjà que les frontières en matière de littérature pour adolescents posaient problème surtout en matière d’écriture lorsqu’on s’adresse à ce public : « Je dirais même que, dans ce domaine, les définitions sont dangereuses. Carson Mc Cullers écrit par exemple des livres qui devraient être lus par des adolescents… Il y a des auteurs que les jeunes s’approprient d’emblée alors qu’eux-mêmes n’ont jamais écrit pour eux, comme Philippe Djian. […] Cela dit, je crois qu’il y a des livres qui s’adressent plus particulièrement à eux : ceux qui offrent de très fortes possibilités d’identification, ceux qui leur permettent de tester la vie sans vraiment y aller, qui leur donnent l’impression de prendre de l’avance, de se projeter dans l’avenir. » 390 Toutefois, on constate que les collections de la troisième génération sont touchées plus fortement par des critiques négatives concernant la marchandisation de leur production. Ainsi, après avoir lutté pour affirmer son existence et se faire une place, notamment institutionnelle, la littérature pour adolescents doit maintenant prouver qu’une production légitime et de qualité peut survivre malgré les pressions du marché éditorial.

388_{http://www.ricochet-jeunes.org/critiques/livre/33688-amis-de-cœur}

389 _{Féret-Fleury, Christine. Actes de la deuxième rencontre professionnelle consacrée à “La lecture des}

adolescents ”, 10 mai 2000. UFR IDIST, DFMLD Médialille.

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CONCLUSION

La littérature de jeunesse s’est développées en France et ailleurs avec l’idée de « frontières » : frontières d’âge entre les collections, frontières à ne pas franchir pour ne pas choquer la jeunesse, frontières qui séparent littérature pour la jeunesse et littérature générale.

Cependant, notre parcours à travers l’offre de lecture destinée aux adolescents et l’étude des collections « Page blanche » et « Scripto » nous a montré que l’édition adressée aux adolescents tendait à élargir des plus en plus ces frontières.

La collection « Scripto », qui revendique la diversité, est en ce sens emblématique des nouvelles tendances éditoriales et littéraires qui parcourent la littérature adressée aux adolescents : élargissement du lectorat, rétrécissement des sujets tabous, rapprochement des champs littéraires, prégnance des considérations commerciales etc.

Mais alors qu’est-ce qu’un livre pour adolescents aujourd’hui ? Au terme de nos observations nous pouvons avancer qu’il s’agit d’une littérature de croisement qui cristallise plus que des enjeux purement littéraires. La dichotomie qui représente au mieux cet espace littéraire est celle qui oppose d’un côté la consécration de cette littérature via des pris qui lui sont dédiée, et de l’autre « une industrie où l’auteur n’a pas d’existence et où certains noms de personnages ne sont que des marques commerciales. »391

Parce que les adolescents composent un public particulier, la littérature qui s’adresse à eux est elle aussi particulière. Plus que les autres productions éditoriales elle prend en compte ses destinataires et se conçoit avec un horizon de réception spécifique. Le roman pour adolescents présente comme caractéristique d’être défini par son public et d’opérer des choix littéraires et stratégiques pour rencontrer ce même public.

Et c’est là toute l’ambivalence des collections pour adolescents. Puisqu’elles sont conçues pour un public particulier, les risques d’enfermement dans une production complaisante, stéréotypée et commerciale sont grands. La collection « Scripto » est représentative de ces problématiques puisqu’elle marque un infléchissement des préoccupations littéraires qui prévalaient chez sa grande sœur « Page blanche » et s’ouvre de plus en plus aux goûts et aux envies des adolescents.

Mais est-ce un mal ? En effet, la collection montre une facette plus innovante et impertinente avec la publication de textes forts, dont l’atmosphère, le ton particulier et les qualités littéraires sont attestées par la critique.

391_{MARCOIN Francis, CHELEBOURG Christian, La Littérature de jeunesse, Armand Colin, « 128 », 2007, p.}

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Enfin, il s’agit d’un espace littéraire créatif, qui évolue avec ses lecteurs et qui se cherche peut être encore. Peut être parce que son public n’est pas encore formaté par une vision d’adultes sur le monde et s’adonne encore un peu à la rêverie, la littérature pour adolescents ose braver les interdits et mêle humour, poésie et impertinence pour s’adresser aux adolescents. Le plaisir de lecture devrait alors être au cœur des préoccupations des créateurs et des prescripteurs de cette littérature, puisque c’est ce que les adolescents cherchent le plus dans les romans qu’ils lisent.

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BIBLIOGRAPHIE