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Contexte historique et développement des médias en Algérie

2.4 La révolution arabe, une ouverture inattend ue de l’audiovisuel en Algérie

L’état de l’audiovisuel en Algérie comme nous l’avons déjà souligné, est toujours instable, on a jamais eu un système médiatique fort, lucratif et fiable, qui couvre l’actualité avec transparence et objectivité, ses mouvements de mutation sont généralement liés à un fait ou à un événement historique ou politique.

Depuis ses commencements, la télévision algérienne a toujours prêté attention aux faits anodins et a quasiment occulté les faits socio-économico-politiques les plus saillants. Cependant, on commence à s’interroger sur la fermeture de l’audiovisuel et particulièrement sur l’absence du débat démocratique à la télévision algérienne. Tous les Algériens notamment l’élite intellectuelle, se demande jusqu’à quand les chaînes de télévision vont-elles

perpétuer l’immobilisme au sujet de la médiatisation du débat politique démocratique en Algérie ?

En fait le débat télévisé socioéconomique existe, or, il est conforme à une structure prédéterminée par l’instance du pouvoir politique qui entretient constamment un semblant de consensus afin de montrer au téléspectateur la convergence d’idées et d’opinions.

En revanche, la révolution arabe qui a éclaté en décembre 2010 en Tunisie41 et qui a embrasé progressivement l’Algérie et l’Egypte42pour arriver en Libye43et au Proche- Orient44, a eu un grand impact sur les médias. Le 03 janvier 2011, les manifestations en Tunisie suivies d’une hausse des prix des denrées alimentaires essentielles au niveau du marché algérien ont stimulé la colère des jeunes algériens souffrant du chômage, de la cherté de vie et du mépris. Pour ces deux raisons, des émeutes ont éclaté dans les rues algériennes et ont tout bouleversé. C’est alors que ces jeunes se sont élevés violemment contre les mauvaises conditions de vie.

2.4.1 Télévisions arabes dans le tumulte du mouvement révolutionnaire

Les télévisions nationales des pays en proie à la révolte qu’elles soient tunisiennes, égyptiennes ou algériennes, ont toujours défendu les régimes en place, elles ont assumé un rôle informationnel important.

Au début, elles négligeaient les tragédies vécues avec une insouciance remarquable pour banaliser les faits, elles ont même diffusé des concerts de musique au moment où la police tirait sur les manifestants, mais quand la situation s’est aggravée, chacune s’est présentée comme le porte-parole du régime. Diffusant constamment menace et conseil, l’instance médiatique fournit tous les

41 Le peuple tunisien s’est révolté contre le régime autocratique pour faire valoir sa citoyenneté, rétablir ses droits et participer à la construction de la démocratie de son pays, ces mouvements populaires ont terminé par renverser le Président ZINE ELABIDINE BEN ALI qui a quitté la Tunisie avec sa famille le 14 janvier 2011 en allant se réfugier en Arabie Saoudite.

42 Les Egyptiens suite aux Tunisiens contestent également le régime de HOSNI MOUBAREK et demandent sa démission, après de longues manifestations et de nombreux accrochages, le Président démissionne le 11 février 2011.

43 En Libye la situation est explosive, la population demande le départ du Président Mouammar ELKADHAFI, tandis que lui s’y tient fortement et menace hostilement les insurgés d’une punition dure, l’armée libyenne bombarde la population manifestante, beaucoup de morts et de blessés.

efforts pour convaincre les émeutiers des conséquences inestimables. Les médias ont eu cesse de les interpeller pour arrêter les manifestations et résoudre pacifiquement la situation à travers le dialogue démocratique.

Néanmoins l’influence des chaînes libres privées et surtout de la chaîne Eljazeera était plus fort et plus crédible, c’est pourquoi les chaînes nationales ont échoué dans leur mission à persuader les opposants d’arrêter les protestations et écouter les fausses promesses du gouvernement. La révolution arabe a suscité l’intérêt de la chaîne d’infos internationale arabe « d'Eljazeera »45, cette chaîne a assuré une couverture en continu des événements en Tunisie et en Egypte voire en Algérie, une couverture distinguée et enthousiaste. Celle-ci, contrairement aux autres chaînes d’infos qui se sont efforcées d’être le plus neutre possible, a participé à la montée des protestations et a accompagné le mouvement des opposants aux régimes tunisiens et égyptiens, dès le début en soutenant leurs revendications.

Eljazeera diffuse systématiquement ce qui se passe réellement et en direct, elle a permis aux émeutiers de suivre les événements grâce aux projections sur les murs, et surtout le discours des autorités qui défendent le régime, ce qu’on a remarqué qu’à chaque retour au calme et quand les manifestants baissent les bras, les reportages de cette chaîne déclenchent à nouveau le soulèvement populaire et dramatise la situation en insistant sur le fait que le monde arabe reste en situation d’alerte incessante.

Et en vue de relayer les événements de manière instantanée, l’instance médiatique de la chaîne a même divisé l’écran en trois pour transmettre en même temps les mouvements de colère en Tunisie, en Egypte, en Libye et dans d’autres pays du Proche-Orient. Considérée comme la véritable chaîne contestataire, Eljazeera a joué son rôle en faisant une sorte de révolution télévisée, ce qui lui a permis de gagner la concurrence informative.

45Une chaîne d’information qatarie de langue arabe qui est devenue en très peu de temps un média mondial très écouté. En 2008, la chaîne compte entre 35 millions et 40 millions de téléspectateurs quotidiens dans le monde.http://fr.wikipedia.org/wiki/Al_Jazeera

2.4.2 La télévision algérienne, un moyen incontournable de persuasion

Suite aux émeutes déclenchées pendant cette même période en Algérie, le gouvernement algérien n’a pas attendu pour mettre en œuvre une politique télévisuelle à son service, c’est ainsi qu’il a pris toutes les dispositions urgentes en adoptant une politique de séduction économique et sociale. Dans la mise en œuvre de cette politique, les autorités supérieures annoncent plusieurs mesures économiques telles que ses subventions de produits alimentaires pour d’abord, régulariser la hausse des prix46, ensuite on a proposé aux jeunes des projets pour résoudre la crise du logement, des aides financières dans le cadre de l’ANSEJ47, des contrats d’embauche prolongés d’une année.

En outre, l’Etat veille au contrôle des prix de produits alimentaires essentiels, puis il annule quelques lois rudimentaires (retrait de permis de conduire, …). De plus, répondant avec méfiance aux revendications sociales, le gouvernement simplifie toutes les procédures bureaucratiques, autorisant même le marché le marché informel pour faire taire les insurgés, même l’état d’urgence en vigueur depuis 20 ans est levé le 24février.

46La hausse des prix était la raison pour laquelle les jeunes émeutiers sont sortis protester dans la rue.

Quand les émeutes ont pris de l’ampleur, l’Etat s’est rapidement dirigée vers les médias, la télévision est devenue donc le seul moyen efficace pour sensibiliser le peuple algérien et dénoncer ce que font ces jeunes protestataires, en montrant les dégâts matériels importants dans les édifices étatiques saccagés et incendiés; les usines, les écoles et les hôpitaux, les routes coupées et les pneus en feu, les banques et les boutiques attaquées et cambriolées. L’objectif était donc montrer la situation qui risque de déborder. Mais il s’agissait aussi d’informer le téléspectateur sur les nouvelles mesures prises.

L’Etat algérien, grâce aux médias audiovisuels, a vite réagi pour mettre fin aux émeutes et a réussi à détourner ainsi l’intérêt du citoyen algérien et faire oublier la colère. Ainsi nul n’a trouvé un moyen d’information direct et persuasif meilleur que la télévision. On a commencé d’abord par diffuser quotidiennement des reportages rappelant la décennie noire, la terreur dont souffrait le peuple algérien et en contre partie la sécurité que l’armée a rétablie aujourd’hui et dont jouissent tous les Algériens.

Ensuite, pour plus de démocratie illusoire, le gouvernement opte pour le dialogue et l’ouverture politique démocratique et médiatique. Au lendemain des émeutes du 07 janvier, la majorité des responsables de l’Etat ont été invités en direct sur le plateau des trois chaînes télévisées ; la chaîne terrestre, la troisième et canal Algérie et aussi au niveau des chaînes radiophoniques pour déclarer les nouvelles décisions gouvernementales. C’est ainsi que survient la grande conversion du système médiatique algérien, la télévision a contribué au retour du calme par le biais des différentes émissions « Questions d’actu », « Hiwar Elssaâ » ( dialogue de l’heure), et bien d’autres, des programmes que l’Etat a mobilisés afin de diffuser les différentes réalisations au profit du citoyen, alors, grâce à la télévision, on a su calmer la colère sociale et dominer la situation.

Cette ouverture médiatique est survenue après avoir réclamé le droit à l’expression dans tout le monde arabe, l’Etat algérien a répondu favorablement aux protestations des partis politiques opposants au régime48dont les tentatives de déclencher la révolution ont échoué, c’est pourquoi, on a décidé de les solliciter à tour de rôle à participer au débat politique télévisé sur la chaîne 3 et la chaîne terrestre.

Cette émission de l’ancienne journaliste Thoreya Zarfaoui49 se caractérise principalement par une liberté politique irrévocable, l’invité peut sans aucune censure critiquer le système politique en direct et les stratégies des gouverneurs, on a le droit de tout dire tandis qu’avant la révolution arabe on était strictement interdit d’évoquer des sujets tabous ou de critiquer le régime étatique avec tant d’hostilité verbale. Même dans son discours officiel, prononcé le 15 avril 2011 et diffusé sur toutes les chaînes de télévision algériennes à 20h00, le Président de la République Abdelaziz Bouteflika a beaucoup insisté sur la liberté effective des journalistes voire des médias.

A cet égard, les hommes politiques profitent de la situation d’instabilité afin de désapprouver la ligne politique adverse et tentent de stimuler la réaction des citoyens. Cette liberté d’expression révélée à la télévision nous rappelle les années 90, lorsqu’on avait introduit le multipartisme suite aux bouleversements d’octobre 1988.

48Les différents partis opposant à l’Etat sont :

1/ le RND (Rassemblement national démocratique), 2/ El Islah/MRN/MI (Mouvement pour la réforme nationale), 3/ Hamas/HMS/MSP (Mouvement de la société pour la paix), 4/ PT (Parti des travailleurs), 5/ Ennahda le MN (le Mouvement national), 6/ le RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), 7/ le PRA (Parti du renouveau algérien), 8/ le MEN (Mouvement de l'entente nationale), 9/ l’UDR (Union pour la démocratie et la république), 10/ le MJD (Mouvement pour la jeunesse et la démocratie), 11/ le FFS (Front des forces socialistes), 12/ l’UDL(Union pour la démocratie et les libertés).

Toutefois, le monopole de l’Etat et du parti unique mis en place depuis le premier code de l’information en 1982 stipulant que l’information est un domaine de la souveraineté nationale tant écrite qu’audiovisuelle constitue clairement une idéologie doctrinale sur les moyens de l’information et on ne laissera jamais le champ ouvert, il s’agit juste d’un deuxième état d’urgence pour absorber la colère et qui aura pris fin avec l’avènement des révolutions dans le monde arabe.

Bilan

Après avoir présenté le paysage de la télévision en Algérie dans ses grandes lignes ainsi que les textes juridiques qui régissent son fonctionnement, nous avons constaté qu’en amont, la télévision algérienne est publique, elle joue le rôle d’un média de service public, mobilisé au service du citoyen. En aval, depuis son avènement, ce moyen de communication et d’information était la propriété singulière du pouvoir politique malgré le pluralisme démocratique. Cette réalité est due au fait que l’Etat considère la télévision comme une vitrine idéologique, c’est pourquoi le contenu informatif est toujours décidé par des autorités supérieures, car on veille à ce que l’image du pouvoir soit positive. Ce qui signifie donc que la télévision est en réalité au service du gouvernement. Toute information doit d’abord passer par les décideurs du pouvoir avant qu’elle soit transmise. La censure est le principe de base de toute diffusion, ce qui réduit en grande partie la liberté d’expression.

En outre, on constate que la télévision s’est mobilisée au service de la dynamique gouvernementale afin de promouvoir l’activité politico-économico-culturelle. On y diffuse toutes les réunions du Conseil constitutionnel, toutes les rencontres présidentielles, les nouvelles réalisations, les aspects du développement économique. En d’autres termes, ce média est le miroir qui reflète ce qu’on désire montrer. Selon le Ministère de l’information, « Les partis politiques notamment les groupes parlementaires sont forcément plus présents à la télévision (…) précisant que cela ne signifie pas que les activités des autres partis ne sont pas couvertes mais la couverture est assurée à condition que ces derniers disposent d'un statut juridique »50.

50

En revanche, quelques fois, on ne souhaite pas faire circuler l’information, et plus particulièrement celle qui nuit à l’image de l’Etat ou qui risque d’instaurer des principes ou des conduites contraires aux normes édictées par les pouvoirs politiques surtout, quand il s’agit de la sécurité du pays, des conflits politiques internes, des revendications des citoyens, de l’insatisfaction du peuple.

La télévision algérienne a été libéralisée, elle a progressé de manière un peu plus accélérée que ce soit par rapport aux moyens techniques (introduction de la couleur, amélioration de l’image, généralisation de la réception) et technologiques (création de plusieurs chaînes satellitaires) ou par rapport aux contenus (amélioration des programmes dispensés, grande ouverture sur le monde, diversification thématiques,…). Dans ce même contexte, le Ministre a fait remarquer que « le secteur de la communication, notamment la télévision nationale, nécessite des réformes, affirmant qu'il s'agit aujourd'hui du retour de la crédibilité et du professionnalisme »51.

En d’autres termes, ce média demeure lacunaire donc il faudrait le remettre en question et adopter de nouvelles logiques informationnelles plus pertinentes. Cependantl’usage de la télévision reste restrictif dans la mesure où, avant la révolution arabe, on ne faisait jamais passer à l’écran des opposants au pouvoir, on n’exprimait jamais leurs réflexions, ils étaient totalement exclus sous prétexte que l’Algérie est toujours en état d’urgence en vigueur depuis 20 ans. Par ailleurs, l’absence de chaînes privées en témoigne, vu la sensibilité de ce média, il reste sous contrôle de l’Etat nonobstant la favorisation de la privatisation qui a touché tous les domaines et la majorité des établissements.

Enfin, le pluralisme politique existe mais celui qui touche au secteur informationnel n’a pas encore vu le jour. L’Algérie est l’un des pays qui demandent à être reformés pour se débarrasser des anciennes pratiques en vue de promouvoir la liberté d’expression.

Le champ de l’audiovisuel est encore verrouillé, mais pour effectuer un véritable saut, il faut ouvrir ce secteur aux initiatives libres, alléger le contrôle sur les médias et libérer le son et l’image pour que la TV remplisse un véritable service public. Il en résulte que le parcours historique explique nettement l’existence d’une seule chaîne nationale par rapport à l’ancien parti unique, en revanche, avec l’essor de l’information dans le monde, l’Etat s’est trouvé obligé de créer de nouvelles chaines surtout internationales pour mieux représenter le paysage algérien et notamment après tant d’années d’insécurité et de guerre civile.

Enfin, l’importance qu’accordent les Algériens à la radio révèle qu’il est considéré comme le média le plus populaire en le comparant à la télévision algérienne. D’après les promesses incessantes, l’ENTV va se doter d’un nouvel organigramme52 élaboré par le Directeur Général qui va constituer la première étape de la révision et de la refonte des statuts, de celle du cahier des charges afin d’adapter la télévision algérienne aux développements technologiques internationaux et au moins récupérer sa place naturelle dans le monde des médias audiovisuels. Si l’Etat algérien se propose d’améliorer les services de la télévision il est nécessaire de revoir sa gestion et y établir les changements indispensables résumés dans les points suivants

 Améliorer les programmes de la télévision nationale s’agissant notamment de l’introduction des différents thèmes de sensibilisation sociaux, culturels, économiques et surtout politiques.

 relancer le septième art (le cinéma algérien).

 mettre en place plus de moyens techniques modernes de numérisation afin d’améliorer la qualité de la mise en scène.

 mettre en place des chaînes de télévision spécialisées dans les domaines de la jeunesse et des sports, de la culture, du savoir, de l'économie afin de regagner l’intérêt des jeunes algériens.

52 http://www.algerie360.com/algerie/entv-mise-en-place-d%e2%80%99un-nouvel-organigramme/

Avant d’entamer l’analyse des différents cadres où se produit le débat télévisé, nous proposerons une tentative de définition générique du débat télévisé, car la notion de « genre » suggère des différenciations (Corner, 1992) « à la fois sur toute la gamme de la production télévisuelle et sur les attentes et les modes d’écoute des téléspectateurs » (Corner, 1992, p. 117) . Il ne s’agit pas de dresser un tableau exhaustif, l’approche doit être plus approfondie, laquelle nous permettra d’étudier le système générique de notre objet d’étude grâce à l’analyse des conditions de production et aux deux notions fondamentales, celle du « rituel » et celle de « champ ».