• Aucun résultat trouvé

Présentation du corpus et choix méthodologiques

5.6 Modalités et choix de transcription

Etudier un corpus oral nécessite disposer de deux types de données, des données primaires (les enregistrements), et des données secondaires (les transcriptions) car selon Mondada (2008)

« La transcription et l’enregistrement s’éclairent en effet mutuellement : la première permet un accès au second qui en augmente l’intelligibilité et l’analysabilité ; le second donne à la première son caractère d’évidence. Cette relation de réflexivité, dont découle une intelligibilité réciproque, est aujourd’hui matérialisée dans les alignements entre le texte transcrit et le son ou la vidéo, » (Mondada, 2008, pp. 79-80).

Ces deux dernières doivent être donc alignées (la vidéo et le texte) dans notre recherche car elles se complètent. L’opération de transcription des données orales est sans doute une démarche déterminante des résultats de la recherche, de l’avis de Mondada (2008)

« La transcription est une activité pratique qui « incorpore »littéralement le travail d’analyse, d’interprétation et de sélection dans des choix techniques, dans des activités perceptives-auditives ou visuelles-, dans des gestes d’inscription ». (Mondada, 2008, p. 78)

Elle est si compliquée qu’elle demande une grande rigueur ainsi qu’une longue durée de travail (de visionnement, de re-visionnement, d’écoute, de réécoute) selon des normes et des conventions.

Toutes les données orales doivent être minutieusement transcrites dans l’analyse des interactions car d’après Bilger (1999) « Le travail de transcription n’est pas une question secondaire, au contraire, cela suppose et engage toute une réflexion théorique sur les données» (Bilger, 1999, p. 181).

A notre avis, la question de la transcription qui est individuelle, se fait corrélative à l’étude que l’on se propose de mener, et plus exactement du rapport entretenu avec les données, de l’objectif, et du cadre théorique de la recherche. Mondada (2008) soutient que

«la transcription est loin d’être un objet autonome ou autonomisable : elle est une entité liée à d’autres entités, telles que la bande enregistrée ou encore les conventions de transcription, dont elle dépend pour faire sens ; elle est une pratique, elle-même imbriquée dans d’autres pratiques, scientifiques, technologiques, représentationnelles. » (Mondada, 2008, p. 79)

Nous revendiquons au même titre que les analystes du langage parlé, l’utilité de transcrire des données orales car « La transcription joue un rôle central dans la recherche sur le discours parlé, distillant et gelant dans le temps les événements complexes et les aspects de l’interaction selon des catégories liées à l’intérêt du chercheur » (Edwards, 1993:3, ma traduction)116.

La question que nous voulons soulever ici, porte sur l’impossibilité d’analyser l’oral uniquement à partir de sa source sonore ou même audiovisuelle. Par ailleurs, tout analyste se réfère à la trace écrite même s’il exploite des données

orales (Blanche-Benveniste Claire et Jeanjean Colette, 1987). En d’autres termes, pour approcher l’oral on doit passer, même si cela est paradoxal, par l’écrit.

Cependant, la démarche inverse ne servira pas à effectuer concrètement l’analyse, donc il est injuste de l’idée qu’après avoir obtenu des données secondaires le texte, les données primaires l’enregistrement perdent leur valeur. Au contraire, l’étude ne peut se réaliser qu’en étudiant conjointement les deux sources orale et écrite, selon Blanche Benveniste (1997a) « On ne peut pas étudier l’oral par l’oral, en se fiant à la mémoire qu’on en garde. On ne peut pas, sans le secours de la représentation visuelle, parcourir l’oral en tous sens et en comparer des morceaux » (Blanche-Benveniste, 1997a, p. 24).

En outre, Sandré (2010) souligne l’idée qu’il est nécessaire de reconnaitre les traits distinctifs des deux types de support

« le support écrit ne peut pas rendre exactement le support oral, il ne peut pas donner à voir ce que l’enregistrement donne à entendre. Il s’agit donc toujours de deux versions distinctes par ce qu’elles montrent, ce qu’elles mettent en relief et ce qu’elles permettent d’appréhender » (Sandré, 2010, p. 189).

A l’issue de la transcription des enregistrements, nous avons essayé d’être le plus fidèle possible, lisible et précise de façon à ce que le texte reflète approximativement ce qui est dit et comment il a été dit. Pour répondre à ces impératifs. A cet effet, V. Traverso (1999) soutient que « La transcription est une préparation indispensable du corpus, à travers laquelle on cherche à conserver à l’écrit le maximum des traits de l’oral.» (Traverso, 1999, p. 23).

Il est sans doute important pour nous de préciser qu’il est difficile voire impossible que le recueil des données et leur transcription remplissent toutes les conditions d’autant plus que l’écrit ne représente graphiquement l’oral que partiellement. Cette démarche demeure aux yeux du transcripteur inachevée, il y apporte toujours des modifications par souci de fidélité.

Les choix effectués concernent le contenu du texte selon les conventions de la transcription, sont divers et variés. En voulant justifier son choix, nous nous

sommes référée à V. Traverso (1999) qui soutient « il est impossible, mais aussi inutile de tout noter » (Traverso, 1999, p. 23).

En effet, les choix faits correspondent essentiellement à notre objectif de l’analyse et au cadre théorique dans lequel s’inscrit notre recherche. Donc l’opération de transcription implique selon Gambier (1988b) « à la fois une réduction et une sélection des données, en fonction des présupposés du chercheur et de ses objectifs déclarés » (Gambier, 1988b, p. 38).

Vu que notre recherche n’a pas pour objet la forme phonique (phonétique/phonologie/prosodie), nous n’avons adopté aucune convention particulière, nous avons transcrit les données primaires en utilisant l’orthographe standard appelée aussi traditionnelle en nous référant à la méthode proposée par Blanche-Benveniste (1997b) « La démarche habituelle consiste à partir, en premier lieu, d’une transcription orthographique (complétée éventuellement par divers systèmes d’annotations) » (Blanche-Benveniste, 1997b, p. 88).

A ce stade, la contrainte majeure que nous avons rencontrée est la ponctuation, nous nous sommes posé la question ; comment ponctuer un texte transcrit en l’absence de correspondances directes entre la ponctuation écrite et les phénomènes prosodiques ?

Blanche-Benveniste et Jeanjean plaident pour des transcriptions non ponctuées. Selon les auteurs « La ponctuation, si on la met trop tôt, préjuge de l’analyse syntaxique et impose un découpage sur lequel il est difficile de revenir. » (Blanche-Benveniste Claire et Jeanjean Colette, 1987, p. 139). Selon ces deux auteurs, en ponctuant, le transcripteur « suggèr[e] une analyse avant de l’avoir faite» (Ibid.: 142).

Nous avons jugé qu’une transcription sans aucune segmentation rend le texte difficilement lisible. C’est pour cette raison que nous avons employé en plus de la transcription orthographique standard quelques symboles typographiques permettant de signaler des caractéristiques rythmiques et prosodiques voire

temporelles et ce afin de s’éloigner de la linéarité normative de l’écrit (Mondada, 2008), les marques prosodiques conventionnelles suivantes

 (/, //, ///) pause évaluée approximativement  intonation interrogative ?

 XXX passage incompréhensible

 Nous avons annoté également les répétitions de mots ou de suite de mots  les pauses ponctuant ou particules discursives euh, ben, bon,

 Les chevauchements sont introduits d’un crochet -[

En partant de l’unité de base d’un échange polylogal, chaque tour de parole est précédé d’un numéro (numéro du tour de parole) suivi d’une lettre qui désigne le locuteur (animateur ou débatteurs) et un deuxième numéro qui désigne son classement dans la distribution de la parole. De cette convention, nous avons tiré le tableau suivant

Lettre qui désigne le débatteur

Numéro qui désigne son classement

A= animateur

D1= débatteur celui qui intervient en premier

D2=débatteur celui qui intervient en deuxième

D3=débatteur celui qui intervient en deuxième

Tableau 2 Conventions d’identification des débatteurs dans la transcription

Chaque tour de parole est numéroté après un retour à la ligne, comme nous le montrons dans l’exemple suivant

Exemple

40 D3 : moi je pense qu’il y a un problème au niveau de l’organisation de tout le système financier algérien// c’est-à-dire qu’il ne met pas assez en avant // le côté service public 41 A : très bien// alors cette relation avec le

42 D1 : effectivement donc il y a //une conscience maintenant //une prise de conscience

 Les numéros 40, 41,42 renvoient au numéro du tour de parole,  D signifie débatteur, A désigne l’animateur,

 3 revoie à son classement dans l’émission (c’est le troisième débatteur sollicité à intervenir)

En cas du chevauchement, il y a toujours un ou plusieurs retours à la ligne. Par souci de clarté nous avons associé à chaque transcription (cf. les annexes) des informations complémentaires (date de l’émission, thème, noms et statuts institutionnels des participants).

5.6.1 Difficultés rencontrées

Parmi les difficultés rencontrées au cours de la transcription, la qualité d’élocution des participants à l’émission, il a été impossible de déchiffrer plusieurs passages de tours de parole, comme c’est le cas dans l’exemple suivant. Débat N°1

55D2 : -[xxxx Débat N°3

76 D2 : … l’exonération sera bien évidemment XXX jusqu’au stade un peu de distribution

Ensuite, l’emploi d’une terminologie spécifique au domaine traité nous a compliqué la tâche (les procédés de siglaison, les acronymes économiques et commerciaux), comme c’est le cas dans l’exemple suivant.

05 D2 : on a eu exactement en deux mille deux mille cinq 18 rencontres avec les PDG des banques (…) en tous en tous les cas en ce qui concerne la PMPA

77 A : d’accord L’IBS maintenant

99 D4 : et ben oui c’est important cette mesure (…) avant l’ENA sucre

104 D3 : c’est tout à fait clair que la concurrence est l’un (…) nous sommes à 52% parce que la la la TVA elle est appliquée sur un prix d’entrée CAF plus droit de

La taille des tours de parole, qui est un peu longue, elle dure en fait en moyenne 1mn 30 secondes (90 secondes), cela demande une écoute particulière avec plus de concentration et de temps, nous observons par exemple que le tour de parole suivant est long

40 D3 : moi je pense qu’il y a un problème au niveau de l’organisation de tout le système financier algérien// c’est-à-dire qu’il ne met pas assez en avant // le côté service public d’une d’une banque d’une entreprise financière //euh donc l’organisation devrait être comme celle de tous les systèmes financiers à travers le monde// c’est-à-dire un service commercial qui s’occupe du commercial avec tous ses agents// un service clientèle général avec les suivis des comptes etc// parce que le chef d’entrepreneur// d’entreprise pardon// l’entrepreneur est à la fois euh client d’une banque entant qu’entreprise mais aussi client pour compte personnel// il doit avoir toujours des interlocuteurs différents euh au niveau d’un même service pour pour ses affaires non pas le même pour distinguer dans sa propre gestion ses affaires personnelles et et et ses affaires d’entreprise// mais l’on tient compte des des des prestations des banques de manière générale// bon si je tient euh // je j’ai en tête le chiffre donné par le le délégué général de la BF// donc de l’association des banques euh monsieur ABDERRAHMANE BENKHALFA euh// c’est c’est comme

même les banques jusqu’à maintenant ont donné prêt trente milliard de d’euro// aux entreprises toute banque confondue// mais bien sûr elle traite pas de la même façon une grande entreprise comme ELHADJAR ou ou SONATRACK// parce qu’elles sont aussi des clients// et une PME parce en fait les risques// on oublie ça le risque est fondamental dans le concept d’une banque // et donc elle évalue tout par rapport aux risques// même la relation avec le client

Après avoir présenté brièvement les étapes de la constitution de notre corpus, nous passerons à la présentation du cadre situationnel du débat télévisé Questions d’actu, et déterminer l’environnement ou l’univers dans lequel se produit l’interaction, autrement dit, ses spécificités scénographiques car selon Coulomb-Gully

«…les conditions de production du discours télévisuel, les conditions de circulation et de réception ne sont pas de simples circonstances annexes au discours, qui exerceraient sur lui des contraintes extérieures, mais elles sont structurantes, constitutives de ce discours, elles l’informent, au sens de « donner forme » » (Coulomb-Gully, 2002, p. 108).

Les composantes de ce dernier sont en fait en interaction et prennent sens ensemble dans leur contexte. Le rapport des éléments discursifs avec l’environnement de production s’avère étroit, ce qui insinue que l’analyse de l’un exige l’analyse de l’autre.