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Présentation du corpus et choix méthodologiques

5.4 Périodicité du corpus et l’ancrage sociopolitique

Suite à l’état d’urgence déclarée en 1990, engendrant la fermeture de l’audiovisuel en Algérie, apparaissent des débats que Sébastien Rouquette (2001) qualifie de débats de société quasi-politiques. Cette nouvelle forme consiste à engager un échange pour traiter d’un dossier d’actualité organisé autour des hommes politiques en tenant compte de « la représentativité politique dans le droit de parole accordé à chacun » (Rouquette S. , 2001, p. 332).

Nous avons constitué un corpus de six débats télévisés. Il s’agit en fait de six émissions non consécutives d’un même débat. Chacune se subdivise en séquences thématiques et en séquences-invités. La macrostructure (Charaudeau, 1991) est basée sur une succession thématique dont le schéma est presque régulier. En dehors de quelques séquences-invités, des sous-thématiques que provoque l’intervention d’un invité, on assiste en général à un rituel préétabli.

Après avoir enregistré une trentaine de numéros pendant une durée de trois ans 2009/2012, nous nous sommes aperçue que le débat Questions d’actu a

traversé dans son parcours trois périodes: avant, pendant et après les révolutions arabes le printemps arabe. Et comme cette agitation politique a exercé une influence directe sur la politique informationnelle dans le monde arabe113, la télévision était le premier dispositif médiatique visé et censé établir des renouvellements pour acquérir sa véritable liberté d’expression. Cette capture est prise du débat 6 L’Algérien et la politique qui a eu lieu pendant le printemps arabe.

C’est ainsi que ces changements ont eu leurs effets sur les programmes proposés par les cinq chaînes algériennes. Dans notre choix nous proposons de mettre sur pieds une méthode permettant de définir la valeur et la fonctionnalité de ce paramètre externe incontournable qui pèse en réalité dans l’analyse de notre corpus.

A travers cette réflexion, nous voulons montrer qu’une émission de débat est fortement influencée dans la manière dont se déploient les stratégies discursives se rapportant à ce qui se passe dans la société.

Cet objectif trouve toute sa justification d’autant plus que Questions d’actu est une émission dont les thèmes portent sur l’actualité sociopolitique mondiale.

D’ailleurs, P. Charaudeau (1991) affirme, quant aux phénomènes de communication en situation dialogale, que

«…les faits de langage, pour ce qui concerne leurs significations, dépendent des caractéristiques de la situation dans laquelle ils naissent vivent et meurent, et qu’il y faut donc, pour prendre celle-ci en considération, une théorie de la construction du sens qui permette d’articuler un « externe-au-dire »(…) avec le « dire » lui-même » (Charaudeau, 1991, p. 5).

De par sa complexité, la question méthodologique nous a paru en fait délicate. En d’autres termes, la question par où faut-il commencer revient sans cesse dans notre esprit. Nous avons estimé qu’il fallait suivre un ordre chronologique dans le recueil des données, tout en garantissant une certaine diversité thématique et focaliser notre attention sur les numéros les plus saillants faisant parler d’eux par eux-mêmes, ceux qui nous ont interpelée d’abord en tant

que téléspectatrice et ensuite comme investigatrice dans un travail de recherche qui se fixe pour objectif de conduire une analyser pluridimensionnelle du débat télévisé.

5.4.1 Un oral audiovisuel médiatique

Notre corpus correspond à ce que Kerbrat-Orecchioni (2005) appelle « la grande famille des interactions médiatiques ». Il est question d’un genre interactif qui met l’accent sur la « problématisation de domaines de représentation de la pratique sociale » (Charaudeau, P., et R. Ghilione, 1997) en l’occurrence le politique et le scientifique.

Tout d’abord, le débat télévisé est un discours complexe en soi. D’ailleurs plusieurs études notamment celles de Moirand (2007), (D.Vincent, O. Turbide, Laforest, 2008) attestent que les discours publics subissent l’influence du discours quotidien ambiant et ne peuvent jamais être analysés indépendamment de ceux véhiculaires dans la société. En fait, le discours médiatique prononcé dans le débat télévisé Questions d’actu est un oral semi-préparé. Ce fait est lié d’abord au type d’intervention (prise de parole volontaire ou sollicitation du participant), puis aux compétences professionnelles du domaine (un invité expert « un politologue par exemple » et « un simple représentant d’association »).

Hormis l’écrit oralisé114, chaque locuteur prépare son discours en même temps qu’il le produit. A la différence de l’écrit, l’oral en interaction est co-construit, la présence des interlocuteurs rend la tâche plus compliquée car il y a toujours un risque d’incompréhension, de rupture ou de malentendu. Le contact direct s’établit et se construit entre eux en partageant un ou des codes linguistiques respectifs. Il serait plus judicieux de qualifier l’oral des participants au débat d’oral formalisé relativement au contexte situationnel formel et institutionnel dans lequel il se produit. Le fait que les invités, à un moment donné de l’émission, se référent parfois à un écrit ou un papier mis sur la table, nous informe sur la nature de cet oral semi-préparé. Toutefois, quelques caractéristiques de l’oral spontané

114Lors d’une conférence par exemple, le conférencier lit ce qu’il a préparé par écrit donc c’est un « écrit oralisé ».

resurgissent tout au long de l’échange et se manifestent à travers quelques marques de l’oral qui viennent nuancer le contenu du discours :

 Les répétitions du mot ou groupe de mots

Exemple : la plupart des produits un peu de large consommation figurent au niveau

de de de ce taux

 les reformulations

Exemple :effectivement on va commencer dans un premier temps par l’aspect commercial donc l’importation et la distribution donc la revente en l’état d’un certain nombre de produit

 les incises

Exemple : Ministère de l’agriculture l’avait dit il y a une restructuration du secteur de euh euh laitier puisque l’Etat veut encourager la production nationale// il y a des facteurs de blocage hein qu’il faut les identifier

Un autre élément susceptible de nous éclairer est le questionnaire adressé à l’animateur de cette émission. A la question n°10 précisément (cf. annexes), Ahmed LAHRI indique

« je n'adresse jamais mes questions aux invités, je me contente de leur donner les grandes lignes avant l'émission, un briefing approfondi une heure avant le direct et ça suffit. » et que « J'ai eu à adresser mes questions à 2 Ministres, mais je réserve toujours quelques unes qu'ils découvriront en direct. »115

Les questions ne sont donc pas communiquées aux invités dans les coulisses. En outre, il existe des questions sous-thématiques inopinées que l’échange suscite, l’animateur rajoute à ce propos « Je donne la liberté totale à mes invités pour aborder les questions qui leurs viennent à l'esprit dans le cadre de la thématique abordée». Ces déclarations viennent confirmer notre hypothèse qui appuie l’idée d’une semi-préparation institutionnelle de l’oral médiatique produit lors du débat.