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Chapitre II. Matériel et méthodes générales

5. Concepts taxonomiques et démarches utilisés

5.3. Révision taxonomique

5.3.1. Désignation des types

9 Types d’espèce et de taxons infra-spécifiques

Le type du nom d’une espèce ou d’un taxon infra-spécifique (sous-espèce, variété, forme) est soit un spécimen conservé dans un herbarium soit une illustration (CINB Art. 8.1). Un type nomenclatural n’est pas nécessairement le spécimen ou l’illustration le plus typique ou le plus représentatif d’une espèce ou d’un taxon infra-spécifique (CINB Art. 7.2), néanmoins, il est attaché à son épithète de façon définitive et il règle automatiquement l’application du nom correspondant (CINB Art. 9.1). La désignation d’un spécimen type lors de la description d’un nouveau taxon n’est obligatoire que depuis

le 1er janvier 1958 (CINB art. 37.1). Le genre Sargassum a été décrit près d’un siècle et demi plus tôt

par C. Agardh (1820) et la majorité des espèces ont été décrites avant 1958. En conséquence, peu de spécimens types ont été désignés clairement par les auteurs avant cette date et peu de lectotypifications ont été proposées depuis (obs. pers.). La pertinence d’examiner les spécimens types pour confirmer ou non l’identification d’une espèce a été démontrée au paragraphe précédent, il était donc important dans le cadre de cette étude de dresser une liste des spécimens types connus et de rechercher un maximum d’informations concernant ceux qui ne l’étaient pas. Dans cette perspective, de nombreux herbaria parmi ceux recensés dans l’Index Herbariorum (Holmgren et Holmgren 1998) ont été contactés ou visités, et beaucoup de spécimens ont été examinés.

Le plus souvent, les informations disponibles dans les diagnoses anciennes se limitent au nom de l’auteur, à une localité et éventuellement à un nom de collection ou de collecteur. Dans ce contexte,

retrouver un type peut paraître difficile mais par chance, les auteurs du 19ème et du début du 20ème

siècle (c'est-à-dire avant 1958) ne disposaient généralement que de quelques (voire un seul) spécimens (ou fragments) pour décrire une espèce. Le ou les planches d’herbiers montrant les renseignements sus-cités sont donc éligibles au titre de type. D’autres informations peuvent également permettre de confirmer une suspicion de type, il s’agit par exemple du lieu de conservation du ou des spécimens (ex. un type de J. Agardh a plus de chances d’être trouvé dans la collection Agardh à LD), de la calligraphie de l’auteur qu’il est possible de reconnaître avec l’expérience, de la qualité du papier d’herbier (ex. un papier de type buvard bleu est souvent la signature de la collection de C. Agardh), de l’herbier ou de la collection d’origine du spécimen s’il est indiqué (ex. « Herb. Mus. Palat. Vindob. » pour la collection de Grunow), ou toutes autres notes laissées par l’auteur sur la planche d’herbier. Pour la désignation des spécimens types, les règles et les recommandations de l’CINB ont été suivies, en particulier celles des Art. 7, 8 et 9. Les spécimens types répertoriés dans la littérature et ceux désignés au cours de la thèse sont listés en Annexe I et II.

9 Espèces-types de taxons supra-spécifiques

Le genre Sargassum est sous-divisé en plusieurs sous-genres, sections, sous-sections, séries et groupes d’espèces (Tableau I.2.). Pour chacun de ces rangs taxonomiques infra-génériques et à l’instar des spécimens types d’espèces, une espèce-type doit obligatoirement être désignée pour que la

sous-division soit valide et ce depuis le 1er janvier 1958 (CINB art. 37.1). Selon le même schéma que celui

explicité pour les espèces, les différentes sous-divisions du genre Sargassum ont été décrites avant 1958 et les espèces-types n’ont pas été désignées systématiquement ou de manière évidente. Connaître les espèces-types est pourtant essentiel à la révision taxonomique du genre. Pour Sargassum, deux cas se présentent: (i) soit la sous-division (ou rang) porte un nomen typificatum, (ii) soit elle porte un nomen descriptivum. Dans le cas d’un nomen typificatum, l’épithète attribuée à la sous-division est dérivée du nom de son espèce-type. Par exemple, l’espèce-type de la série Carpophyllae (J. Ag. ex Setch.) Abbott et al. est S. carpophyllum J. Ag., l’auteur a, dans ce cas, implicitement désigné l’espèce-type (Art. 22.6). Par contre dans le cas d’un nomen descriptivum, si l’auteur n’a pas explicitement désigné une espèce-type, il est plus difficile de savoir sur laquelle l’auteur s’est basé pour décrire la sous-division. Il est même possible que, dans ce cas, l’auteur se soit basé sur un ensemble d’espèces pour définir la sous-division. Il n’existe pas a priori de règle définie par le CINB, pour en désigner une a posteriori (Art. 10.2). Dans cette étude, en l’absence de consensus, c’est la première espèce citée par l’auteur dans la description originale de la sous-division qui a été choisie comme espèce-type, sauf cas particulier. Ainsi par exemple, S. hystrix C. Agardh, première espèce listée par J. Agardh (1848) pour la tribu Acanthocarpa J. Agardh (1848), est proposée ici comme l’espèce lectotype de la sect. Acanthocarpicae (J. Agardh) Abbott et al. (1988).

Les espèces-types recensées dans la littérature, ont été listées dans le Tableau I.2. ainsi que les espèces-types désignées au cours de la thèse, accompagnées d’une courte argumentation sous forme de notes justifiant leur désignation ou leur statut. Les règles et recommandation de l’Art. 10 de l’CINB ont été systématiquement suivies.

5.3.2. Réduction d’un taxon en synonymie

Depuis le début du 19ème siècle, de nombreuses espèces, sous-espèces, variétés et formes de

Sargassum ont été décrites sur la base de fragments sans tenir compte de la forte polymorphie phénotypique qui caractérise le genre, ni des variations morphologiques liées aux conditions environnementales (cf. chapitre I.2.3 et I.3.5.). L’étude de la variabilité morphologique des taxons, devenue possible grâce à la constitution de collections plus importantes (en particulier au cours de cette thèse), permet aujourd’hui d’avoir une idée plus large du gradient morphologique d’une espèce (cf. chapitre II.5.1). Intuitivement, tous les individus dont la morphologie est comprise dans le gradient morphologique d’une espèce doivent être attribués à cette espèce. S’il s’avère qu’un de ces individus représente le spécimen type d’une espèce sous une épithète différente, alors une réduction en synonymie peut être proposée. Il existe deux types de synonymes: les synonymes homotypiques (qui

possèdent le même spécimen type) et les synonymes hétérotypiques (qui possèdent des spécimens types différents). Deux principes du CINB sont à respecter lors d’une proposition de réduction en synonymie: (i) le principe n°3, « la nomenclature d’un groupe taxinomique se fonde sur la priorité de la publication », et (ii) le principe n° 4, « Chaque groupe taxonomique de délinéation, position et rang donnés ne peut porter qu’un nom valide, à savoir le plus ancien en conformité avec les règles de priorité, sauf exception spécifiée ». Ainsi, si deux taxons sont jugés conspécifiques, par exemple S. cristaefolium et S. duplicatum (Guiry et Guiry 2008), c’est l’épithète publiée la première (S. cristaefolium C. Agardh, 1820) qui sera conservée et l’autre (S. duplicatum Bory de Saint-Vincent, 1828) qui sera réduit en synonymie. Enfin, selon l’article 11.2, la règle de priorité ne peut s’appliquer qu’au sein d’un même rang taxonomique, en d’autres termes, un taxon infra-spécifique, même s’il a été décrit avant une espèce, ne pourra pas avoir priorité sur cette dernière.

5.3.3. Réévaluation de la classification taxonomique

9 Validation ou réarrangement de la classification

Les méthodes de cladistique (en particulier phylogénétiques) sont devenues une routine en systématique, en particulier en botanique (Stuessy et König 2008). Selon Stuessy et König (2008), les règles principales de cette méthode sont les suivantes: (i) seules les synapomorphies sont importantes pour déterminer les branches d’un arbre phylogénétique, (ii) seuls les groupes monophylétiques sont acceptables, (iii) la classification doit être basée exclusivement sur ces patrons topologiques, et (iv) les groupes frères (clades) ont de préférence le même rang. Les analyses phylogénétiques sont devenues un outil indispensable à l’évaluation et à la révision des classifications traditionnelles des organismes vivants. Elles ont été appliquées aux Phaeophyceae (ex: Rousseau et Reviers 1999, Draisma et al. 2003, Phillips 2008) et au genre Sargassum prinicpalement par Phillips et Fredericq (2000), Phillips et al. (2000) et Stiger et al. (2000, 2003).

Par comparaison des classifications traditionnelles (entités taxonomiques et hiérarchie) et des arbres phylogénétiques (clades et hiérarchie), il est possible, pour un groupe taxonomique donné, de tester l’hypothèse nulle suivante: « la classification traditionnelle (morphologique) est similaire à la classification phylogénétique (moléculaire)». Si l’hypothèse nulle est acceptée, il est alors possible d’accepter la classification traditionnelle. Dans le cas où l’hypothèse nulle est rejetée, il est nécessaire de comprendre pourquoi la classification traditionnelle est différente de la classification phylogénétique et comment l’adapter (ou la réviser) pour qu’il y ait cohérence. Une des sources principales d’incohérence est d’ordre topologique, c'est-à-dire que l’arrangement des taxons dans la classification traditionnelle et dans la classification phylogénétique est différent. Le cas le plus fréquent est la non-monophylie des taxons traditionnels, soit le taxon est polyphylétique, soit le taxon est paraphylétique. Les deux situations mettent en évidence la nécessité de réviser la position systématique des entités traditionnellement attribuées à ces taxons.

Si le taxon traditionnel s’avère paraphylétique, c'est-à-dire qu’il ne recense pas toutes les entités taxonomiques regroupées dans le clade concerné, il s’agira par exemple de proposer le transfert d’une espèce depuis sa section traditionnelle à la section (ou autre rang) avec laquelle elle se regroupe d’après les analyses phylogénétiques. Il peut également s’agir de proposer la fusion de deux sections (paraphylétiques), dont les unités taxonomiques qui les composent traditionnellement forment un clade monophylétique.

Si le taxon traditionnel s’avère polyphylétique, c'est-à-dire que les entités taxonomiques traditionnellement attribuées à ce taxon se regroupent en deux clades distincts, il s’agira par exemple de ségréger les entités taxonomiques regroupées dans un des deux clades au taxon traditionnel (amendement du taxon) et celles regroupées dans le second clade à un nouveau taxon de même rang (description d’un nouveau taxon). Dans les deux situations (amendement et description), il est indispensable de connaître (i) la position phylogénétique de l’espèce-type du ou des taxons à réviser, car c’est elle qui détermine le clade représentant le taxon (CINB Art. 7 et 10), et (ii) l’antériorité des taxons les uns par rapport aux autres, car c’est elle qui détermine l’épithète à conserver lors de la fusion de deux (ou plus) taxons (CINB Art. 11.4 et 11.5), et (iii) les caractères diagnostiques permettant de définir ces taxons.

Dans le cas de l’amendement d’un taxon, la diagnose originale est corrigée de manière à prendre en compte les nouveaux critères diagnostiques du clade correspondant selon les entités taxonomiques qui le composent (cf. paragraphe suivant). S’il s’agit de la fusion de deux taxons, le taxon présentant l’antériorité est conservé et amendé, l’autre taxon est abandonné.

Dans le cas de la description d’un nouveau taxon (quel que soit son rang infra-générique), plusieurs étapes sont à respecter: (i) définir les caractères morphologiques diagnostiques du taxon (cf. paragraphe suivant) et le gradient de variations morphologiques qui le représente, (ii) publier une diagnose latine décrivant ces caractères morphologiques (CINB Art. 29-32), (iii) désigner un spécimen type ou une espèce-type (CINB Art. 7, 8 et 10) qui sera (ou est déjà) déposé dans un herbier publique.

9 Réévaluation des critères diagnostiques

Les remaniements taxonomiques discutés au paragraphe précédent peuvent permettre de mettre en évidence l’incohérence de caractères à valeur taxonomique traditionnels. C’est le cas lorsque les caractères, sur lesquels est basée la description de taxons, ne permettent pas une classification similaire à la classification phylogénétique. Il convient alors de trouver des caractères morphologiques cohérents et diagnostiques permettant de redéfinir le ou les groupes taxonomiques concernés. Pour ce faire, les caractères morphologiques de chaque taxon sont confrontés aux caractères morphologiques de toutes les entités composant le clade phylogénétique auquel il appartient. Tous les caractères synapomorphes sont retenus, puis sélectionnés en fonction des caractères synapomorphes reconnus pour les autres entités taxonomiques de la classification. La sélection est effectuée de manière à ce que les caractères soient diagnostiques. Maggs et al. (2003) soulignent la difficulté de trouver des

synapomorphies morphologiques pour des clades phylogénétiques. Ces difficultés sont évidentes puisque, par définition, l’arbre phylogénétique n’est pas basé sur des caractères morphologiques. Si des synapomorphies sont identifiées, elles n’auront a priori pas de lien direct avec le marqueur séquencé et l’adéquation entre les caractères morphologiques trouvés et la topologie de l’arbre phylogénétique ne sera qu’indirecte.