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Chapitre II. Matériel et méthodes générales

5. Concepts taxonomiques et démarches utilisés

5.2. Démarche utilisée pour l’identification des espèces

L’étude taxonomique a été développée selon quatre volets principaux:

(i) Une étude alpha-taxonomique du ou des spécimens à identifier, basée sur la description des caractères morphologiques ayant traditionnellement valeur taxonomique pour distinguer les espèces (cf. chapitre II.3) afin de définir des groupes d’individus de morphologie similaire (morphotypes). (ii) Une étude des séquences ADN (trois marqueurs) des spécimens à identifier.

(iv) Une confrontation des études morphologiques et ADN afin de comparer les morphotypes définis en (i) et les clades obtenus en (ii), et dans le but de résoudre éventuellement les difficultés de discrimination taxonomique rencontrées au premier volet.

(iii) Une analyse bibliographique couplée à l’étude des spécimens types et « vouchers » pour l’identification spécifique des morphotypes définis au volet (i) et éventuellement confirmés au volet (ii).

5.2.1. Analyse morphologique, définition des morphotypes

Dans un premier temps, les spécimens à identifier sont triés par groupes de ressemblance morphologique - ou morphotypes. Les caractères morphologiques concernés sont ceux détaillés au chapitre II.3 et correspondent aux caractères d’importance taxonomique traditionnels pour identifier des entités taxonomiques telles que les espèces ou les rangs inférieurs. Pour chaque morphotype ces caractères sont décrits, voire schématisés, de façon précise selon les différents variants illustrés au chapitre II.3. Les morphotypes ont été considérés ici comme des groupes de spécimens morphologiquement similaires, exhibant des caractères d’importance taxonomique (cf. chapitre II.3.) compris dans un gradient de variations morphologiques, et qui pourraient représenter une entité taxonomique correspondant à l’espèce ou à un rang inférieur. Le gradient de variations morphologiques est défini d’après les spécimens examinés, selon le polymorphisme observé aux niveaux intra-individuel, et intra- et inter-populationnel, en prenant en compte autant que possible les variations ontogéniques et phénotypiques.

5.2.2. Analyses génétiques, définition des clades

Dans la mesure du possible, les spécimens classés par morphotypes au chapitre II.3 ont été séquencés (ITS-2, RubisCO et cox3, cf chapitre II.4.3.4) et leur phylogénie a été reconstruite (cf. chapitre II.4.4), soit individuellement pour chaque marqueur, soit de manière concaténée, c'est-à-dire en prenant en compte l’information génétique des trois marqueurs dans une même analyse. Les arbres phylogénétiques, ou cladogrammes, résultants représentent graphiquement des hypothèses de processus évolutifs en fonction des données disponibles (ici des séquences d’ADN issues des trois compartiments cellulaires). Le clade, nom dérivé du Grec ancien « Klados » qui signifie « branche », constitue une entité monophylétique d’un cladogramme et représente donc un groupe taxonomique (en phylogénie) contenant tous les descendants d’un seul ancêtre commun. En d’autres mots, un clade phylogénétique est un ensemble monophylétique de séquences regroupées selon leurs similarités et leurs histoires évolutives.

5.2.3. Confrontation des données morphologiques et génétiques

Ici, la congruence entre les regroupements des spécimens effectués par l’analyse de la morphologie (morphotypes) et ceux obtenus par l’analyse des séquences ADN (clades phylogénétiques) est évaluée. Ainsi, la confrontation des données morphologiques et moléculaires permet de proposer une hypothèse d’évolution des états de caractères morphologiques et donc d’évaluer leur valeur systématique.

Deux issues principales sont possibles:

(i) Il y a congruence entre les morphotypes et les clades phylogénétiques, c'est-à-dire que l’examen des caractères morphologiques traditionnels permet le même regroupement que l’analyse des séquences ADN – le morphotype est monophylétique.

(ii) Il n’y a pas congruence entre les morphotypes et les clades phylogénétiques. Dans ce cas deux interprétations sont possibles.

Æ Soit les membres d’un morphotype sont représentés dans des clades phylogénétiques distincts – le morphotype est polyphylétique ou paraphylétique. Dans ce cas, un retour à l’observation de la morphologie peut permettre de mettre en évidence (i) de nouveaux caractères morphologiques dont la valeur taxonomique n’était pas suspectée, ou (ii) des variations morphologiques qui avaient été interprétées à tort comme du polymorphisme infra-spécifique.

Æ Soit tous les membres de plusieurs morphotypes se regroupent dans un seul clade. Dans ce cas, deux situations sont possibles: (i) les variations morphologiques interprétées comme des variations interspécifiques et ayant conduit à l’identification de plusieurs morphotypes sont en réalité des variations infra-spécifiques, ou (ii) le marqueur ADN utilisé ne présente pas suffisamment de variabilité génétique pour distinguer les différents morphotypes qui sont en revanche bien différenciés au niveau morphologique.

L’analyse des résultats de la confrontation morphologique et ADN est dépendant du groupe taxonomique et des marqueurs ADN étudiés. L’étude ADN ne peut pas a priori se substituer à une

étude taxonomie morphologique traditionnelle, elle peut en revanche mettre en évidence des incohérences dans l’interprétation des caractères morphologiques, et représente à ce titre un caractère supplémentaire à considérer dans la délimitation des espèces.

5.2.4. Identification des espèces

L’identification au niveau spécifique des groupes monophylétiques de spécimens, définis au paragraphe précédent, est effectuée en plusieurs étapes qui requièrent (i) une pré-identification grâce aux données de la littérature (ouvrages de systématique, clefs d’identification, flores et inventaires), (ii) une confirmation de l’identification grâce à l’analyse des diagnoses originales des espèces suspectées et à l’examen des spécimens types correspondants.

9 Pré-identification

Une première approche de l’identification est basée sur les critères morphologiques. Elle est réalisée grâce à la littérature et aux clefs d’identification disponibles. Il s’agit essentiellement de la collection « Taxonomy of Economic Seaweeds » éditée par I. Abbott et des travaux de Pham–Hoang (1967), Womersley (1987), Dai (1997), etc.; mais également de nombreuses autres références listées au chapitre III, en fonction de la localité géographique étudiée. Durant cette étape de « pré-identification » toutes les pré-identifications plausibles sont envisagées.

9 Confirmation de l’identification

L’identification se poursuit par l’étude des diagnoses originales de chaque espèce pré-identifiée. Les travaux recensant la majorité des diagnoses du genre Sargassum sont ceux de C. Agardh (1820, 1824), Bory de Saint-Vincent (1828), Montagne (1843, 1845), J. Agardh (1848, 1889), Greville (1850), Sonder (1871), Grunow (1915, 1916), Setchell (1926, 1931, 1933, 1935b, c). Une analyse critique des descriptions de chaque espèce a souligné la nécessité d’examiner les spécimens types - spécimens à partir desquels les diagnoses ont été établies – et dans la mesure du possible des spécimens provenant de la localité type. En effet, les diagnoses originales en latin (ou protologues) sont souvent succinctes, incomplètes et peu précises et ne reflètent souvent que d’une manière très imparfaite et suggestive l’aspect des spécimens (obs. pers.). Une comparaison directe des spécimens types avec les spécimens à identifier a donc été réalisée chaque fois que cela a été possible. Dans ce sens, une banque d’images de spécimens types (photographies globales et de détails prises lors des visites dans les herbiers – si autorisé – ou images numérisées haute résolution des planches d’herbier) a été constituée tout au long de la thèse (Annexes I et II).