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Chapitre 4 Présentation des résultats

4.2 Les raisons de participer au programme

4.3.2 Rétribution annuelle

La durée des ententes ALUS varie de 3 à 5 ans, renouvelable indéfiniment dans la mesure où les fonds sont disponibles, et une entente additionnelle d’une durée de 10 ans non renouvelable avec les Conservation Authorities est signée lorsqu’une plantation d’arbres est impliquée ; cette entente ne fait pas l’objet d’une rétribution supplémentaire, elle porte seulement sur l’engagement de l’agriculteur à maintenir les arbres en place pour 10 ans. Les paiements sont annuels sur la durée du contrat ALUS, mais il est possible d’obtenir en un seul versement les sommes allouées pour la durée du contrat, ce qu’aucun participant ne choisit aux dires de responsables de programme avec qui nous avons parlé. Cependant, les participants rencontrés ne semblaient pas être au courant de l’existence de cette option.

Les paiements sont liés aux surfaces aménagées ($/acre) et non à la quantité ou à la qualité des services offerts par ces aménagements, aucune mesure d’impact environnemental n’étant réalisée. Les responsables d’ALUS expliquent cette absence d’évaluation d’impact par la priorité que l’on accorde à aménager le plus de surfaces possibles avec le budget disponible et par le manque de données standardisées sur la valeur économique des différents services offerts par chaque aménagement. Le choix a donc été fait d’un paiement forfaitisé, calculé selon le prix moyen de location

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de la terre, ce qui correspond par ailleurs aux langage et codes de références utilisés par les agriculteurs. On notera que dans les quatre communautés étudiées, le montant des rétributions, autour de 150 $/acre (voir Tableau 6), était bien supérieur au montant arbitraire de 20 $/acre utilisé dans l’étude faite par Tyrchniewicz & Tyrchniewicz (2007), ce qui nous permet d’interroger la pertinence d’utiliser les résultats économiques de cette étude sur laquelle reposait la démonstration que les avantages du programme ALUS étaient supérieurs à ses coûts.

Les quatre communautés étudiées ont adopté sensiblement le même fonctionnement en matière de durée des ententes et de montant de rétributions (100 $/acre Ontario-East ; 150 $/acre Norfolk et Elgin), sauf pour le comté de Lambton qui offre plusieurs scénarios (de 100 $ à 250 $/acre). Pour tous les comtés, il est possible de récolter son projet par la fauche ou le pâturage, auquel cas on obtient 50 % de la rétribution. Les projets installés visent les terres marginales et ne peuvent excéder 20 % de la parcelle. Il est aussi possible d’obtenir une rétribution correspondant à 50 % du tarif établi pour les pratiques dites Modified Agriculture applicable à l’ensemble de la parcelle. Les pratiques qu’ALUS appelle Modified Agriculture consistent en l’adoption d’une pratique qui offre un bénéfice à l’environnement, mais demande un sacrifice à l’agriculteur. Ces pratiques peuvent être très variées comme faucher après la date de nidification des oiseaux, planter une culture de couverture qui fournira de l’alimentation à la faune durant l’hiver, et autres pratiques selon l’évaluation que fera le PAC du service rendu à l’environnement versus ce que l’agriculteur en retire. Le PAC jouit donc d’une grande latitude quant à l’interprétation de la valeur de la pratique dans sa prise de décision. Ce type de projet représente une portion marginale des projets ALUS et n’était mis en place chez aucun des participants rencontrés.

Lorsqu’on interroge les membres du PAC sur cette grande similarité des modèles de fonctionnement alors que le programme est présenté comme adaptable à chaque communauté selon la volonté des agriculteurs, les répondants expliquent qu’ils se sont basés sur le modèle de Norfolk, puisque ce dernier fonctionnait bien. Lors de sa création en 2007, ALUS Norfolk a établi le tarif de 150 $ sur la base de l’évaluation de la valeur de location des terres marginales dans le comté à cette époque. Aucune actualisation de ce tarif n’a été faite depuis, et il n’est pas prévu de le faire prochainement. Aucune des communautés étudiées ne voit d’urgence à réévaluer le modèle local, si le nombre de participants intéressés dépasse les sommes disponibles, ce qui est le cas des communautés établies depuis quelques années.

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Tableau 6 – Participation, type d’aménagements et fonctionnement choisis par communauté

Norfolk Lambton Ontario-East Elgin

Nombre de fermes

dans le comté 1307 2150 3416 1363

Nombre de

participants 167 28 33 48

Nombre de projets 1031 (1300 acres) 75 (289.5 acres) 61 (282 acres) 123 (275.77 acres)

Types

d’aménagements et nombre de projets pour chacun

Prairies herbes hautes : 407 projets Reboisement : 474 projets Autres, agriculture modifiée : 6 projets Milieux humides :144 projets Bandes tampons / prairies : 48 projets Milieux humides : 14 projets Reboisement: 13 projets Reboisement : 23 projets

Foin coupe retardée, agriculture modifiée : 19 projets Prairies indigènes : 16 projets Milieux humides : 3 projets Milieux humides : 40 projets Prairies indigènes (zones tampons, bandes inter-champs, grandes parcelles) : 38 projets Reboisement : 35 projets Structures contre l'érosion : 10 projets Rémunération choisie 150$/acre Scénarios disponibles : 75$/acre si récolté (mais doit être pâturé ou fauché après le 15 juillet, période de nidification des oiseaux) 75$/acre pour

l’agriculture modifiée

Moyenne : 180$/acre Scénarios disponibles : 250$/acre pour les milieux humides, les plantations d’arbres, et les prairies indigènes non récoltées installées dans les 6 premiers mètres longeant une voie d'eau

165$/acre pour les prairies indigènes non récoltées qui sont implantées au-delà de 6 mètres

100$/acre pour les prairies qui servent de zone tampon riveraine et qui peuvent être pâturées ou récoltées 100$/acre Scénarios disponibles : 50$/acre pour l’agriculture modifiée 150$/acre Scénarios disponibles : 75$/acre si récolté (mais doit être pâturé ou fauché après le 15 juillet, période de nidification des oiseaux)

Vote ou consensus

Vote de tous les membres, après consensus entre tous

Vote des agriculteurs seulement, après consensus entre tous

Vote des agriculteurs seulement, après consensus entre tous

Vote de tous les membres, après consensus entre tous

Durée des

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De son côté, ALUS Lambton a choisi un modèle de fonctionnement à plusieurs tarifs :

1. 250 $/acre pour les milieux humides, les plantations d’arbres, et les prairies indigènes non récoltées installées dans les 6 premiers mètres longeant une voie d’eau

2. 165 $/acre pour les prairies indigènes non récoltées qui sont implantées au-delà de 6 mètres 3. 100 $/acre pour les prairies qui servent de zone tampon riveraine et qui peuvent être pâturées

ou récoltées

Les responsables du programme expliquent qu’ils ont voulu augmenter l’incitatif pour les aménagements les plus pérennes comme les arbres et les milieux humides, puisque selon les réglementations appliquées très strictement dans le comté, il ne sera plus possible de couper les arbres ni de drainer les milieux humides, ce qui constitue une perte de surface permanente pour l’agriculteur. Ce type d’aménagements est moins souvent implanté que les prairies et les bandes tampons, ce qui résulte en un paiement moyen de 180 $/acre pour l’ensemble des projets de cette communauté. Le montant des rétributions plutôt bas de l’ensemble des programmes n’est pas perçu comme un frein majeur à l’adoption puisque selon certains agriculteurs participants, le gain en efficacité s’ajoute au montant de la rétribution. On se dit « si je gagne 1 800 $ pour une surface peu productive qui m’en faisait perdre 1 800 $ lorsqu’elle était en culture, je suis gagnant ». La lecture d’un des participants s’inscrit dans une perspective de long terme : « Oui, la rétribution est assez basse. Dans une bonne année, je suis perdant, mais dans une mauvaise année c’est avantageux. C’est un montant équitable. » Pour la plupart des participants rencontrés, les paiements sont peu significatifs en proportion du chiffre d’affaires et sont perçus comme un « petit plus ».

Au titre des bénéfices économiques, certains agriculteurs membres du PAC ou simples participants incluent les bas coûts d’implantation, l’assistance technique gratuite, la résolution d’un problème environnemental, et la réduction des coûts d’entretien des fossés. En effet, la plupart d’entre eux ont déclaré ne pas être en mesure d’effectuer ces aménagements sans support financier et technique. De plus, ALUS implante les projets sans participation financière majeure du participant, comparativement aux autres programmes qui prévoient le remboursement des frais encourus, donc qui demandent à l’agriculteur de supporter l’avance de sommes importantes sur une période de plusieurs mois.

Les autres types de bénéfices non économiques tels l’appréciation de la biodiversité et du paysage, la participation à l’amélioration de l’environnement à l’échelle globale, sont spontanément nommés

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lorsque l’on demande aux participants de parler des bénéfices qu’ils retirent de leur projet, ce qui suggère que les participants accordent à ces bénéfices une valeur qui leur est tangible, au même titre que la valeur économique et qui s’additionne à elle. Cette valeur non marchande des améliorations environnementales est par ailleurs bien connue des économistes et a fait l’objet de nombreuses études depuis 20 ans23.

Ici encore, ce sont les agriculteurs exploitants qui semblent davantage influencés par la rétribution annuelle lorsque vient le moment de participer au programme, comparativement aux propriétaires terriens.