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Chapitre 4 Présentation des résultats

4.2 Les raisons de participer au programme

4.3.4 Cadre associatif et privé

ALUS se présente comme un programme évoluant dans un cadre associatif et privé collaborant avec les institutions gouvernementales, mais ne relevant pas d’elles ; parmi les participants interrogés, les agriculteurs exploitants se sont révélés sensibles à cette représentation, affirmant avoir une certaine méfiance envers les institutions gouvernementales. Cependant, cette spécificité du programme ne semble pas jouer un rôle dans la participation des propriétaires terriens, ces derniers n’étant pas spécialement méfiants des institutions gouvernementales même s’ils en dénoncent volontiers la complexité et la rigidité. Cette différence de perception semble liée à la notion (déjà relevée dans l’étude de Guerra [2010]) de Right to Farm24 qui, selon certains répondants non-agriculteurs, ferait

l’objet d’une interprétation plus large qu’elle ne le devrait : au lieu de désigner la protection des

24 Pour assurer le respect des droits de tous les résidents des régions rurales de la province, le gouvernement de l’Ontario a adopté la Loi 146 intitulée Loi sur la protection de l’agriculture et de la production alimentaire (LPAPA), en mai 1998. La LPAPA s’articule autour de deux grands thèmes : 1-les agriculteurs sont protégés contre les plaintes pour nuisances formulées par les voisins, à la condition qu’ils observent des pratiques agricoles normales ; 2— aucun règlement municipal ne doit avoir pour effet de limiter une pratique agricole normale exécutée dans le cadre d’une exploitation agricole. La LPAPA définit une pratique agricole normale comme étant une pratique qui, selon le cas : 1 — est exécutée conformément à des coutumes et à des normes adéquates et acceptables, telles qu’elles sont établies et respectées à l’égard d’exploitations agricoles comparables dans des circonstances similaires ; 2— utilise des technologies novatrices conformément à des pratiques de gestion agricole modernes et adéquates. Certains pensent qu’une pratique agricole normale est une pratique « habituelle » ou « couramment observée ». Or, le fait pour une chose d’être pratiquée couramment ne suffit pas pour en faire une chose normale. La vraie question à poser est celle-ci : « L’agriculteur qui a des compétences moyennes ou supérieures à la moyenne en matière de gestion agricole emploierait-il cette pratique, sur sa ferme, dans les mêmes circonstances ? » Une pratique agricole est normale ou ne l’est pas en fonction de l’endroit, du type d’exploitation, de la méthode d’exploitation et du moment où elle se déroule. La « normalité » de la pratique varie selon le lieu en fonction d’un ensemble donné de circonstances et peut changer avec le temps. Aux termes de la Loi de 2002 sur la gestion des éléments nutritifs (LGEN), toute pratique qui est conforme à un règlement pris en application de la LGEN est une pratique normale. En revanche, une pratique qui n’est pas conforme à un règlement de la LGEN n’est pas une pratique agricole normale (Ontario, 2015).

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agriculteurs contre les poursuites du voisinage lors de la pratique normale de l’agriculture, le Right to Farm deviendrait dans l’esprit de certains agriculteurs la définition d’un droit absolu à pratiquer l’agriculture, sans égards aux notions d’externalités. En tel contexte, toute limitation dans la pratique des activités agricole serait perçue par ces agriculteurs comme une atteinte à un droit fondamental. Aucun des agriculteurs rencontrés ne correspondait cependant à cette représentation, chacun d’eux ayant une conscience environnementale qui leur fait considérer les externalités de leurs activités. La confidentialité que ALUS assure aux participants face aux instances gouvernementales, en particulier en ce qui a trait à la non-divulgation de la localisation précise des espèces en danger répertoriées sur les projets, est souvent utilisée par les gestionnaires du programme pour revendiquer leur indépendance face aux gouvernements. Dans les faits, la réglementation sur les espèces en danger, qui limite le droit de l’agriculteur à pratiquer dans un certain rayon de l’habitat, est peu appliquée, mais cette la crainte qu’ont certains des agriculteurs rencontrés de se voir « virtuellement expropriés » d’une partie de leur terre trouve son écho dans le discours des gestionnaires d’ALUS. Cependant, pour la majorité des participants interrogés, cette crainte est inexistante, et de facto cet argument de la confidentialité est sans effet sur leur participation.

Lorsqu’on demande aux répondants si ALUS pourrait être un programme gouvernemental, tous affirment qu’il est préférable que ça ne soit pas le cas, pour préserver la simplicité du programme. Cette simplicité du programme repose sur la forme du contrat lui-même (neuf clauses qui tiennent en quatre pages), la durée courte du contrat (5 ans), la possibilité pour le participant de mettre fin à l’entente sur simple avis écrit émis 30 jours à l’avance, le peu de contraintes pour le participant (préparer le terrain, entretenir et ne pas détruire le projet, apposer une affiche aux couleurs d’ALUS), et le rôle de courtier que joue ALUS entre le participant et les nombreux programmes existants. De plus, l’expertise-conseil d’ALUS assure le participant que la conception des projets installés ne contrevient pas aux réglementations et rencontre les objectifs des programmes qui les financent, ce qui simplifie non pas le programme, mais bien la démarche du participant, en comparaison aux autres programmes gouvernementaux disponibles.

L’appréciation qu’ont les participants de ce contrat peu contraignant, d’une durée assez courte, ne signifie pas pour autant que les participants ne désirent pas participer au programme sur le long terme. À titre d’illustration, un des répondants déclare : « Moins longtemps on est soumis à l’agenda de quelqu’un d’autre, mieux c’est. » Mais finalement, ce même participant espérait que le programme

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ALUS puisse renouveler ses fonds pour assurer le constant renouvellement de l’entente sur le long terme. Cette préoccupation de la pérennité des fonds est d’ailleurs présente chez l’ensemble des répondants.

Le cadre associatif et privé du programme influe donc sur la participation, par la simplicité qu’il confère au programme, et par son rôle de courtier apprécié des participants. En revanche, cette spécificité est sans effet sur la pérennité de la participation.

4.3.5 Synthèse des effets des spécificités du programme sur la participation pérenne des