• Aucun résultat trouvé

Résultats personnels : Mesures de pH aux sites de calcification chez Corallium rubrum 97

4.1. Contexte de l’étude

Le but de mon travail était de déterminer le pH au site de calcification de Corallium

rubrum en utilisant une technique de mesure directe (SNARF-1) permettant d’obtenir des

informations sur le microenvironnement où a lieu la formation des deux structures calcitiques élaborées par cet organisme, les sclérites et l’axe squelettique. Pour cela, après avoir développé la technique des microcolonies de C. rubrum poussant sur lamelles, j’ai pu utiliser ces dernières pour réaliser des mesures de pH aux sites de calcification.

Nous avons donc utilisé la technique de spectroscopie à fluorescence avec la sonde SNARF-1 (5 (et 6)- carboxyseminaphthorhodafluor-1, Molecular Probes) couplée au microscope confocal Leica SP5 et utilisant le logiciel Leica LAS AF Lite.

Les résultats de ce travail sont détaillés dans ce manuscrit dans la mesure où ils n’ont pas encore fait l’objet d’une publication.

4.2. Matériel et méthodes

a) Préparation des échantillons

Deux types d’échantillons ont été utilisés pour réaliser des mesures de pH, des microcolonies poussant sur lamelles et des cellules isolées. Le protocole de préparation des microcolonies est présenté dans le chapitre précédent.

Les différentes étapes du protocole d’isolation des cellules sont représentées sur la Figure

51. La première étape consiste à sectionner un fragment de branche de C. rubrum d’environ 1

cm de long avec une pince à os. Une lame de rasoir est ensuite utilisée pour inciser le tissu et le séparer de l’axe squelettique. Différents protocoles d’isolation de cellules présentés dans la littérature ont été testés. Les techniques utilisant l’ « air-pick » ou le « water-pick » (i.e. air/eau injectée sous pression sur le tissu du corail) (Moya et al., 2008b; Vidal-Dupiol et al.,

Nous avons donc utilisé un écouvillon à poils rigides pour gratter la face intérieure du tissu, celle en contact avec l’axe squelettique, dans 2 mL d’eau de mer filtrée. À l’issue de cette étape, la suspension de cellules est centrifugée 3 minutes à 300 g. Le culot qui en résulte est resuspendu dans 2 mL de solution de SNARF-1 AM.

Figure 51| Protocole d’isolation des cellules de Corallium rubrum. (A) Une branche

est ensuite coupée en fragments d’environ 1 cm. (B) Les tissus sont séparés du squelette. (C) La face intérieure du tissu est grattée avec un écouvillon dans de l’eau de mer filtrée. (D) Les cellules sont récupérées et centrifugées. (E) Le culot de cellules est resuspendu dans une solution de SNARF-1 AM et placé dans la chambre de perfusion.

b) Système d’incubation et analyses par microscopie confocale

 Système d’incubation

Les mesures de pH ont été réalisées avec la sonde fluorescente sensible au pH le SNARF-1. La fluorescence du SNARF-1 étant sensible à la température (Seksek et al., 1991), l’incubation des échantillons (microcolonies et cellules isolées) se fait à la température des aquariums d’où les colonies proviennent, c’est-à-dire à 19°C. Etant donné que les colonies mères ont été prélevées dans un environnement faiblement lumineux et les échantillons maintenus dans des aquariums à l’obscurité, les incubations sont alors réalisées à l’obscurité.

Les échantillons (microcolonies poussant sur lamelles et les cellules isolées) sont placés dans une chambre de perfusion (PeCon) (Figure 52A). Cette chambre de perfusion est placée sur une plaque thermostatée (Temperable Insert P, PeCon) qui est reliée à un bain marie permettant de maintenir l’ensemble du système à une température de 19°C. Le système est ensuite placé sur la platine du microscope confocal inversé (Leica SP5) (Figure 52B). Les incubations sont réalisées en condition statique.

Figure 52| Système d’incubation et d’observation des préparations pour la microscopie confocale. (A) Chambre de perfusion où sont placées les cellules isolées sur une

lamelle en verre, ou une microcolonie poussant sur une lamelle. (B) La chambre de perfusion est placée sur une plaque thermostatée sur la platine du microscope confocal inversé. (C) Microscope confocal inversé Leica SP5 et logiciel d’analyse Leica Las AF Lite.

 Analyses de l’intensité de fluorescence

Les sondes SNARF-1 et SNARF-1 AM sont excitées à une longueur d’onde de 543nm avec une puissance de laser de 50%. La fluorescence émise est capturée dans deux fenêtres, à 585 ± 10 nm et 640 ± 10 nm. Les analyses du ratio de fluorescence sont réalisées par sections optiques selon l’axe en Z, soit à travers la cellule soit à travers le milieu extracellulaire, avec un pas de 0, 5 à 1 m (Figure 53). Deux zones (ROI : Region of interest) sont définies lors de la calibration. ROI 1 est définie dans la zone d’intérêt de mesure de la fluorescence (cellule ou milieu extracellulaire), et ROI 2 en dehors de cette zone afin de soustraire la fluorescence due au bruit de fond. Lors des mesures in vivo, seule la ROI 1 est utilisée. L’intensité de fluorescence émise est mesurée sur des sections optiques avec un pas d’environ 0,5 m selon l’axe Z dans la zone d’intérêt.

c) Calibration du pH

La calibration du pH intracellulaire est réalisée par analyse ratiométrique de la fluorescence émise par le SNARF-1 AM dans les cellules isolées selon le protocole utilisé précédemment pour des mesures de pH chez Stylophora pistillata (Venn et al., 2009). Les cellules isolées sont incubées dans des tampons de calibration. Ces solutions tampons sont préparées de manière à ce qu’elles contiennent les concentrations cytosoliques approximatives des ions majoritaires présents dans les cellules de cnidaires (Herrera et al., 1989 ; Goiran et al., 1997) : 60mM Na+, 200 mM K+, 190 mM Cl-, 25 mM Pipes (pH 6-7.5) ou Tricine (pH 8– 8.5). Du mannitol est ajouté pour obtenir une molarité de 1100 mosm.L-1. Le pH est ajusté par l’ajout d’HCl ou de NaOH afin d’obtenir des tampons dans une gamme de pH de 6 à 8,5 (échelle NBS). En parallèle, une solution stock de SNARF-1 AM est préparée à 20mM dans du DMSO, puis diluée à 20 M dans la solution tampon au pH désiré (concentration finale à 0,01% d’acide pluronique F-12715 (Sigma) et 0,1% de DMSO).

Dans un premier temps, les cellules sont incubées dans la chambre de perfusion maintenue à 19°C dans 4 mL de SNARF-1 AM à 20 M pendant 20 minutes, à l’obscurité, pour permettre une bonne incorporation de la sonde dans les cellules et leur sédimentation sur la lamelle. La solution est ensuite retirée par pipetage et remplacée par 2mL de solution tampon (entre pH 6 et 8,5), additionnée d’un ionophore, la nigéricine, qui permet d’équilibrer le pH intracellulaire avec le pH de la solution en créant un antiport membranaire K+/H+. La concentration de nigéricine a été ajustée à 60 m pour C. rubrum. L’incubation dure 10 minutes avant de commencer les mesures. Le ratio de fluorescence est mesuré entre deux zones, ROI 1 et ROI 2 (Figure 53), afin de soustraire la fluorescence du bruit de fond à celle de la cellule. Une nouvelle préparation de cellules isolées est utilisée pour chaque point de calibration dans la gamme de pH désirée. La courbe de calibration du pH intracellulaire obtenue est présentée en Figure 54A.

La calibration du pH extracellulaire est réalisée avec de l’eau de mer provenant de l’aquarium et ajustée à différents pH de 7 à 9. Le pH est mesuré avec un pH mètre (échelle NBS) et vérifié avec la méthode de spectrophotométrie avec du rouge de crésol (échelle « Total scale »). 2 mL d’eau de mer tamponnée contenant 45 M de SNARF-1 (Bentov et al., 2009; Venn et al., 2011) sont placés dans le système d’incubation pour déterminer le ratio de fluorescence de cette solution. La courbe de calibration obtenue est présentée en Figure 54B.

Figure 54| Courbes de calibration du pH réalisées à partir du ratio des intensités de fluorescence (R) de la sonde émises à 585 et 640 nm. (A) Courbe de calibration du pH

intracellulaire réalisée avec la sonde SNARF-1 AM. (B) Courbe de calibration du pH extracellulaire réalisée avec le SNARF-1.

d) Mesures du pH intracellulaire des cellules isolées

Les cellules sont incubées pendant 20 minutes dans la solution de SNARF-1 AM à 20 M à l’obscurité et à 19°C. La solution est ensuite retirée et de l’eau de mer filtrée est ajoutée pour éliminer la sonde non incorporée dans les cellules, présente dans le milieu extracellulaire. Après une incubation de 10 minutes, le ratio de fluorescence est analysé dans plusieurs cellules. Les mesures sont répétées sur quatre préparations de cellules fraîchement isolées.

e) Mesures de pH intra- et extracellulaires dans les microcolonies

Le terme de « pH extracellulaire » regroupe les mesures de pH de l’eau de mer environnante, et le pH de tous les espaces dits extracellulaires comme, dans le cas du corail rouge, du fluide circulant dans les canaux et de l’espace situé entre les cellules calcifiantes et les biominéraux. Le pH intracellulaire, quant à lui, fait référence au pH du compartiment intracellulaire (cytosolique). L’échelle « Total scale » sera utilisée pour les mesures de pH extracellulaires tandis que l’échelle NBS sera utilisée pour les mesures de pH intracellulaires.

suffisante pour effectuer les mesures de ratio était trop long avec une solution à 45 M et nécessitait plusieurs incubations. Afin de limiter le risque de stress de la microcolonie, la concentration de SNARF-1 a été ajustée à 90 M. Des études précédentes ont montré que le ratio des intensités de fluorescence était indépendant de la concentration de la sonde (Buckler & Vaughan-Jones, 1990; Seksek et al., 1991), ce qui n’influe donc pas sur les mesures de pH. Le temps d’incubation de la microcolonie avec le SNARF-1 est allongé à une heure par rapport au protocole de Venn et al. (2011), et la solution est homogénéisée régulièrement par pipetage pour éviter une acidification de l’eau de mer à proximité de la microcolonie, induite par la respiration du corail. Au bout d’une heure, la microcolonie est incubée avec une nouvelle solution de SNARF-1 afin de débuter les mesures.

Au cours d’une même incubation, le pH est mesuré dans différents compartiments intracellulaires ou extracellulaires.

 Analyses statistiques

Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel SPSS sur les données suivantes : valeurs de pHi et pHe moyen par microcolonie pour chaque compartiment considéré, et pHi moyen par préparation de cellules isolées. Le test de normalité de Shapiro-Wilk a été utilisé avec un seuil α de 5%, et l’homoscédasticité a été vérifiée par le test de Levene. Les mesures de pH entre les différents compartiments extracellulaires et intracellulaires ont été comparées par une ANOVA à un facteur, complétée par une analyse post-hoc avec le test Student-Newman-Keuls. Quand ces conditions n’étaient pas remplies, un test non-paramétrique de Kruskal-Wallis a été appliqué. La première analyse a porté sur la comparaison des valeurs de pHi des différents types cellulaires mesurées dans les microcolonies avec les valeurs de pHi des cellules isolées. Le deuxième jeu de données est constitué des valeurs de pHi et pHe mesurées dans les microcolonies.

4.3. Résultats : Mesures de pH chez Corallium rubrum

a) pH intracellulaires

Dans le cas des préparations de cellules isolées à partir de branches de C. rubrum, différents types cellulaires sont présents mais il est impossible d’identifier les cellules calcifiantes.

De façon générale, les cellules isolées contiennent beaucoup de vésicules/vacuoles ce qui rend difficile la mesure du pHi. Mais l’analyse des profils en Z dans le cytoplasme a permis d’obtenir un pHi moyen de 7,22 ± 0,19.

Dans le cas des mesures de pHi obtenues dans les microcolonies, le pHi a été déterminé pour les cellules endodermiques constituant les canaux gastrodermiques (7,30 ± 0,11), les scléroblastes (7,45 ± 0,05) ainsi que les cellules proches des cristaux déposés sur la lamelle (7,41 ± 0,05) (Figure 55).

L’ensemble des données de pHi, qui comprend les valeurs de pHi mesurées dans les microcolonies et la valeur de pHi des cellules isolées, a été analysé par une ANOVA à un facteur (one-way ANOVA, F(3,17) = 7,79, P < 0,05). L’analyse statistique montre que les valeurs de pHi des différents types cellulaires mesurées dans les microcolonies ne présentent pas de différences significatives. Cette analyse a également montré que le pHi des cellules isolées est significativement différent des valeurs de pHi des cellules calcifiantes, mais n’est pas significativement différent du pHi des cellules constituant les canaux gastrodermiques.

Figure 55| Mesures de pH intra- et extracellulaires dans les microcolonies de

Corallium rubrum. Les mesures ont été réalisées dans différents types cellulaires et dans les

milieux extracellulaires des cristaux déposés sur la lamelle et des sclérites. Le pH de l’eau de mer environnante des microcolonies a également été mesuré en début et fin d’incubation. Le pH des cellules isolées de Corallium rubrum est également reporté. Les résultats représentent

b) pH extracellulaires

Le pHe a été mesuré dans les milieux extracellulaires mis en évidence autour (1) des sclérites en cours de croissance, (2) des cristaux déposés sur la lamelle. Les membranes des cellules environnantes ne sont pas en contact étroit avec les biominéraux et délimitent un espace extracellulaire de taille suffisante pour permettre de réaliser des mesures avec la sonde SNARF-1 (Figure 41 p.79 pour les cristaux, et Figure 45 p.82 pour les sclérites). Ces espaces correspondent aux milieux calcifiants où a lieu la précipitation de CaCO3. Des valeurs de 7,89 ± 0,09 et 7,97 ± 0,15 ont été mesurées respectivement dans le milieu calcifiant des sclérites et des cristaux (Figure 55). Les mesures de pHe ont également été réalisées dans le fluide des canaux gastrodermiques (7,44 ± 0,18) afin de compléter la cartographie du pH dans la microcolonie de C. rubrum. Le pH de l’eau de mer autour de l’échantillon de corail a aussi été mesuré à environ 100 m de la microcolonie, au début et à la fin de chaque incubation (7,90 ± 0,06). L’analyse statistique de ce deuxième groupe de données, qui comprend l’ensemble des valeurs de pHi et pHe mesurées dans les microcolonies (one-way ANOVA, F(6,30) = 41,31, P < 0,001), a montré que le pHe des milieux calcifiants des deux types de biominéraux n’est pas significativement différent du pH de l’eau de mer environnante. Par contre, le pHe des milieux calcifiants est significativement plus élevé que le pH du fluide circulant dans les canaux gastrodermiques. Enfin, cette analyse nous montre que le pHe du fluide circulant dans les canaux n’est pas différent du pHi des cellules endodermiques les composant.

4.4. Discussion

Afin d’étudier le pHi et le pHe chez C. rubrum, nous avons utilisé et adapté à notre modèle d’étude une technique d’imagerie encore peu utilisée pour réaliser des mesures de pH chez les cnidaires. Notre étude est la première à donner des valeurs de mesures directes du pH aux sites de calcification d’un Octocoralliaire qui présente la particularité d’être non symbiotique et de produire deux types de structures biominéralisées. Les études précédentes sur le pH au milieu de calcification portaient essentiellement sur des Hexacoralliaires symbiotiques (Tableau 6, p. 96).

Le pHi moyen des cellules isolées est inférieur aux valeurs mesurées dans les cellules calcifiantes de la microcolonie. Par contre le pHi moyen des cellules isolées n’est pas significativement différent de celui des cellules endodermiques des canaux. Deux hypothèses sont avancées pour expliquer ce résultat.

Tout d’abord, dans la mesure où le pHi des cellules isolées est proche de celui des cellules endodermiques, il est possible que les préparations de cellules isolées soient majoritairement constituées de cellules formant les canaux et que les cellules calcifiantes soient minoritaires. La seconde hypothèse serait que le protocole d’isolation des cellules ait engendré un stress causant l’acidification des cellules, par une augmentation de la respiration cellulaire ou par des cellules en apoptose. Il est important de noter qu’avant d’utiliser les cellules isolées pour des mesures de pH, nous avons caractérisé leur état en utilisant un colorant fluorescent (AnnexinV-alexa fluor568, Invitrogen) permettant de mettre en évidence les cellules apoptotiques. Nous avons constaté qu’une faible proportion des cellules était en apoptose, et qu’au contraire, les cellules les plus grandes ne présentaient jamais cet état apoptotique. Pour la suite de nos mesures, nous avons donc ciblé particulièrement ce type cellulaire et donc pouvons écarter l’apoptose comme cause d’acidification des cellules.

Si l’on considère le pHi des cellules calcifiantes (7,45 ± 0,05 pour les scléroblastes et 7,41 ± 0,05 pour les cellules proches des cristaux), celui-ci est similaire à celui des cellules calicoblastiques du corail scléractiniaire Stylophora pistillata (7,4 ± 0,09), qu’il soit mesuré à l’obscurité ou à la lumière (Venn et al., 2011). De façon générale, les valeurs de pHi mesurées dans la microcolonie de C. rubrum favorisent la forme HCO3- comme espèce dominante du CID dans les cellules. La présence d’une anhydrase carbonique intracellulaire permettrait la conversion du CO2, produit par la respiration, en HCO3- qui serait ensuite activement transporté jusqu’au site de calcification. Cette voie n’empêche pas qu’il y ait également diffusion de CO2 des cellules calcifiantes vers le site de calcification.

Les analyses montrent que le pH du fluide circulant dans les canaux (7,44 ± 0,18) est nettement inférieur à celui de l’eau de mer. Chez les coraux tropicaux, le pH du fluide circulant dans le cœlenteron n’a pas été mesuré par la technique du SNARF-1 mais obtenu avec des microélectrodes chez Galaxea fascicularis et les résultats montrent des variations du

Par contre si l’on compare les valeurs de pH obtenues à l’obscurité, le pHe des canaux chez C. rubrum est légèrement plus faible que celui mesuré dans le cœlenteron de G.

fascicularis mais reste dans un ordre de grandeur comparable (respectivement 7,44 ± 0,18 et

7,61 ± 0,19). Les canaux gastrodermiques, tout comme le cœlenteron chez les scléractiniaires, ont pour fonction de transporter l’eau de mer et les nutriments au sein de la colonie.

Cette eau de mer est sans doute modifiée comme le montre le pH plus faible qui pourrait être lié à une sécrétion de protons dans le milieu pour assurer la fonction de digestion. Ces valeurs de pH peuvent aussi s’expliquer par une respiration cellulaire plus importante liée à la disponibilité des métabolites.

Concernant le pHe des milieux calcifiants, il a été montré chez de nombreux organismes calcifiants que celui-ci est plus élevé que le pH de l’eau de mer favorisant la précipitation de CaCO3, que ce soit à la lumière ou à l’obscurité, chez les organismes symbiotiques ou non, et indépendamment de la production de structures squelettiques en aragonite ou en calcite magnésienne. C’est ainsi le cas chez les coraux scléractiniaires (Tableau 6, p. 96), certains foraminifères (Bentov et al., 2009; de Nooijer et al., 2009; Rink et al., 1998), les coccolithophores (Anning et al., 1996), les larves d’oursins (Stumpp et al., 2012), ou encore les algues vertes calcaires (Borowitzka & Larkum, 1987; de Beer & Larkum, 2001; McConnaughey & Whelan, 1997). Contrairement à tous ces organismes, nos mesures réalisées chez C. rubrum ne montrent pas d’augmentation de la valeur de pHe aux sites de calcification par rapport à l’eau de mer. Dans la littérature, les mesures de pH au site de calcification qui ont été rapportées chez deux Octocoralliaires par la technique du bore montrent également une absence d’augmentation significative du pH (Farmer et al., 2015; McCulloch et al., 2012b). C’est également le cas de certaines espèces de foraminifères benthiques (Rae et al., 2011).

D’un point de vue mécanistique la régulation du pH chez les coraux scléractiniaires implique une Ca2+-ATPase (PMCA pour « Plasma membrane calcium ATPase », Zoccola et al., 2004) et un transporteur de bicarbonate (SLC4γ, Zoccola et al., 2015) tous deux spécifiquement localisés au niveau des membranes des cellules calcifiantes.

Le rôle de la PMCA serait d’apporter du Ca2+ au site de calcification en échange du retrait des protons produits lors de la précipitation du CaCO3, et le rôle de SLC4 γ serait d’apporter du CID sous forme de bicarbonates. Récemment, deux autres PMCAs ont été identifiées dans le transcriptome de S. pistillata et sont en cours de caractérisation.

Nous avons donc cherché à identifier dans le génome et le transcriptome de C. rubrum les transcrits codant les PMCAs et les transporteurs de bicarbonates de la famille des SLC4. Il existe trois PMCAs chez les Hexacoralliaires, calcifiants (Stylophora pistillata, Acropora

millepora) et non-calcifiants (Nematostella vectensis), tandis que nous n’avons identifié

qu’une seule PMCA dans le transcriptome de C. rubrum (Figure 56). L’arbre phylogénétique montre que la PMCA de C. rubrum groupe avec la PMCA spécifiquement localisée dans les cellules calcifiantes de S. pistillata. En revanche, elle ne présente pas de différentiel d’expression en transcriptomique entre les tissus calcifiants et non-calcifiants. Ce dernier résultat suggère que chez C. rubrum cette PMCA n’est pas impliquée dans le processus de