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2. Résultats personnels : Caractérisation des microcolonies de Corallium rubrum

2.3. Discussion

Cette phase du travail a consisté dans un premier temps à adapter à notre modèle d’étude la technique de culture de microcolonies sur lamelles. Différentes techniques de microscopie (optique, confocale, électronique) ont été utilisées afin de comprendre l’histologie et l’anatomie de la préparation, ainsi que l’environnement cellulaire de croissances des sclérites et des cristaux. Nous avons notamment mis au point un protocole couplant l’utilisation de la phalloïdine à un anticorps dirigé contre la matrice organique soluble des sclérites développé précédemment au sein de l’équipe (Debreuil et al., 2011b). Ce travail important était un préalable indispensable à l’utilisation des microcolonies pour les mesures physiologiques présentées dans le chapitre suivant.

En effet, le taux de croissance en diamètre d’une colonie de C. rubrum a été estimé entre 0,20 et 0,35 mm par an (Gallmetzer et al., 2010; Garrabou & Harmelin, 2002; Marschal et al., 2004; Vielzeuf et al., 2013) tandis que la croissance axiale a été estimée entre 1 et 5 mm par an (Abbiati et al., 1992; Garcia-Rodriguez & Masso, 1986; Garrabou & Harmelin, 2002; Harmelin, 1983). Cette différence peut s’expliquer par la présence d’un substrat favorable, la lamelle en verre, qui permet la croissance continue du tissu et le dépôt de cristaux isolés. De plus, les différentes étapes de la croissance et de la calcification sont observables dans l’espace, allant des stades initiaux au front de croissance jusqu’à la formation du squelette au niveau de la bouture.

Cependant, la technique présente aussi certains inconvénients tels que : (1) le faible pourcentage de réussite de la préparation puisque certaines boutures ne vont jamais pousser sur la lamelle, et vont même finir par se décoller (une bouture qui pousse pour cinq échecs) ; (2) même si le taux de croissance des microcolonies est plus élevé que dans une colonie, il reste très faible comparé à celui des coraux scléractiniaires (quelques millimètres par mois) ; (3) en raison du faible taux de croissance, les observations ne peuvent être réalisées qu’au bout de quelques mois et non quelques semaines comme pour les coraux scléractiniaires.

b) Formation des biominéraux dans les microcolonies de Corallium

rubrum

L’anatomie et l’histologie de la microcolonie de C. rubrum est très similaire à celle décrite pour une colonie (Debreuil et al., 2012a). Dans cette étude nous avons observé l’extension d’un tissu fin sur la lamelle, la mise en place du réseau de canaux gastrodermiques, et la formation des deux biominéraux : le dépôt de cristaux sur la lamelle et l’épaississement du squelette, ainsi que la formation des sclérites. Nos observations nous permettent de proposer un schéma séquentiel de la formation de l’axe squelettique avec (1) la formation de cristaux en forme d’haltères sur la lamelle, (2) la production de couches de biominéral qui s’élargissent, (3) suivi de l’épaississement de ces plaques recouvertes de microprotubérances, avec la formation de crénulations longitudinales à la surface du squelette lorsque l’on se rapproche de la bouture.

Comme décrit dans le chapitre précédent, les processus de formation des sclérites n’ont été étudiés que chez quelques espèces d’Octocoralliaires. Bien que le processus complet ne soit pas décrit pour toutes les espèces étudiées, telle que C. rubrum, un schéma général a été proposé14. Chez C. rubrum, il a précédemment été montré que les sclérites matures ou presque matures sont entourés de plusieurs scléroblastes qui sont en contact par des extensions cytoplasmiques similaires aux pseudopodes(Grillo et al., 1993).

14 Voir p.43_Chapitre 2

Les analyses in vivo que nous avons réalisées, couplées à différentes techniques de microscopie, ont permis d’élucider une partie des étapes successives de la formation des sclérites chez C. rubrum. Nos résultats suggèrent que la première étape de formation des sclérites est intracellulaire, cependant la résolution que nous avons ne nous permet pas de visualiser la présence ou de non de vésicule ou vacuole.

Ensuite, à l’aide du marquage des cellules couplé à l’immunomarquage des sclérites nous avons pu montrer que le sclérite poursuit sa croissance dans un milieu extracellulaire, mis en évidence par le SNARF-1, formé par deux scléroblastes secondaires reliés entre eux par des jonctions septées. Les sclérites matures, quant à eux, se retrouvent libres dans la mésoglée

2.4. Perspectives

Au cours de nos observations en microscopie confocale, nous n’avons pas réussi à obtenir une reconstitution totale de l’environnement cellulaire des cristaux isolés, comme nous avons pu le faire pour les sclérites. Il est nécessaire de poursuivre ce travail en améliorant encore le protocole et les paramètres d’acquisition de manière à pouvoir visualiser le nombre de cellules présentes autour d’un cristal en croissance.

Il serait également intéressant de développer un protocole de cultures cellulaires pour C.

rubrum afin de pouvoir obtenir des cellules calcifiantes en culture. Des protocoles ont déjà été

développés pour obtenir des agrégats de scléroblastes chez d’autres espèces d’Octocoralliaires (Frank et al., 1994; Helman et al., 2008; Huete-Stauffer et al., 2015; Khalesi, 2008; Kingsley et al., 1987). Cette technique a notamment permis à ces auteurs d’observer les premières étapes de formation des sclérites chez Leptogorgia virgulata (Kingsley et al., 1987) et Eunicella singularis (Huete-Stauffer et al., 2015). Cette approche nous permettrait de confirmer la première étape intracellulaire de formation des sclérites observée in vivo, et de visualiser la présence d’une vésicule ou vacuole.

CHAPITRE 4

Approche physiologique de la calcification

par la mesure du pH aux sites de

calcification

Chapitre 4 A

PPROCHE PHYSIOLOGIQUE DE LA CALCIFICATION PAR LA MESURE DU PH AUX SITES DE CALCIFICATION

1. Généralités sur le pH

Le pH, ou potentiel d’hydrogène, mesure l’activité chimique des ions hydrogènes (H+ ; appelés couramment protons) en solution d’après l’équation suivante, définie par Sorensen et reconnue par l’IUPAC (International Union of Pure an Applied Chemistry):

𝑝𝐻 = −𝑙𝑜𝑔10[𝐻+] (8)

Le pH est donc défini par le logarithme de base dix négatif de la concentration en ions hydrogènes et donc des protons. Par conséquent, lorsque la concentration en protons diminue d’un facteur 10, la valeur de pH augmente d’une unité.

Il existe différentes échelles de mesure du pH selon les solutions étalons de référence choisies. L’IUPAC a donné une échelle de pH opérationnelle, l’échelle de pH NBS (National Bureau of Standards), basée sur des tampons de faible force ionique (~ 0.1), différente de celle de l’eau de mer (0.7), et de composition également très éloignée du milieu marin. Cette échelle est donc utilisée pour la chimie des solutions biologiques. Comme il faut que la force ionique de la solution tampon s'approche de celle de la solution à tester, d’autres échelles de mesure de pH ont été mises en place avec l’utilisation de solutions tampons basées sur de l’eau de mer artificielle. L’une de ces échelles est dénommée « Total scale » et tient compte des protons associés aux sulfates (Dickson, 1993a; Hansson, 1973a) en plus des ions hydrogènes. Cette échelle est alors utilisée pour les mesures de pH de l’eau de mer. Il n’existe pas de formule définie pour convertir les valeurs de pH d’une échelle à l’autre, cependant certains auteurs considèrent que les valeurs de pH sur l’échelle « Total scale » sont inférieures d’environ 0,13 unités pH à celles mesurées sur l’échelle NBS. Cependant cette relation n’est pas linéaire et dépend de la température, la salinité et la pression.

Chaque enzyme possédant un pH optimal pour son activité, des modifications du pHi vont alors influencer les cinétiques enzymatiques. La conformation du site actif peut notamment être modifiée, empêchant la liaison du substrat.