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2. Résultats personnels : Caractérisation des microcolonies de Corallium rubrum

2.1. Matériel et méthodes

a) Mise au point des microcolonies sur lamelles

Des colonies mères de C. rubrum ont été collectées à 10 mètres de profondeur à l’Île Plane près de Marseille dans un environnement faiblement éclairé. Ces colonies ont ensuite été transférées au laboratoire du Centre Scientifique de Monaco, et maintenues à l’obscurité dans des aquariums alimentés en circuit ouvert par de l’eau de mer filtrée de Méditerranée (Température 18  2°C).

Des microcolonies de C. rubrum poussant sur des lamelles en verre ont été obtenues selon un protocole proche de celui utilisé pour le corail scléractiniaire Stylophora pistillata (Muscatine et al., 1997; Reynaud-Vaganay et al., 1999), mais qui a dû être mis au point pour être applicable à notre modèle. Tout d’abord, des apex de branches de colonies ont été coupés à l’aide d’une pince à os afin d’obtenir des fragments. Ensuite, une goutte de résine Epoxy (Devcon) est placée au milieu de lamelles rondes de microscopie en verre. La partie exposée du squelette du fragment est rapidement séchée sur un papier et une goutte de colle forte (Loctite) y est déposée. Le fragment de C. rubrum est ensuite placé de façon précise sur la goutte de résine Epoxy de manière à ce que seul le squelette soit en contact avec la résine et que le tissu soit en contact direct avec la lamelle en verre. En effet, le contact entre le tissu et la résine Epoxy semble inhiber complètement la croissance du tissu, empêchant alors sa croissance sur la lamelle. Après quelques secondes de séchage, les microcolonies sur lamelles en verre sont placées dans les aquariums. Il est ensuite nécessaire d’attendre quelques mois pour obtenir une croissance suffisante du tissu sur la lamelle permettant son observation ultérieure. Pendant ce temps-là, les algues qui se développent sur les lamelles en périphérie des microcolonies sont régulièrement nettoyées à l’aide d’une lame de rasoir. Les microcolonies sont nourries tous les jours par alternance de rotifères, plancton rouge et de nauplii d’Artemia salina.

b) Coupe sagittale d’une microcolonie

Le protocole de fixation/décalcification utilisé est celui décrit dans Zoccola et al. (2004), et adapté aux microcolonies de C. rubrum. Une microcolonie a été fixée dans une solution de paraformaldéhyde, diluée à 4% dans un tampon S22 (450 mM NaCl, 10 mM KCl, 58 mM MgCl2, 10 mM CaCl2, 100 mM Hepes, pH 7,8), pendant une nuit à 4°C et sous agitation. Afin de décalcifier totalement les structures squelettiques, la microcolonie fixée a ensuite été placée dans du tampon S22, sans calcium et supplémentée à 0,25M d’EDTA, pendant une semaine à 4°C et sous agitation. L’ensemble de la microcolonie est ensuite décollé avec beaucoup de précaution de la lamelle en verre à l’aide d’une lame de rasoir chirurgicale, avant d’être déshydraté dans des bains successifs d’éthanol de degré croissant et enrobé de paraffine. Des sections sagittales de 5

c) Microscopie électronique à transmission / à balayage

 Préparation des échantillons

Les protocoles de fixation/décalcification et de préparation des échantillons pour la microscopie électroniques à balayage et à transmission utilisés sont ceux décrits dans Tambutté et al. (2007). Des microcolonies ont été fixées sur la nuit à 4°C dans un tampon phosphate Sorensen à 0,085 M et à pH 7,8, contenant de la glutaraldéhyde à 4% et du sucrose à 0,5 M.

 Microscopie électronique à balayage

Après l’étape de déshydratation, les microcolonies sont incubées pendant 5 minutes dans de l’hexamethyldisilazane (HMDS), évaporé sous hotte ensuite. Afin de pouvoir observer les cristaux déposés sur la lamelle, les tissus sont dissous dans du NaOH à 1N. Les échantillons sont ensuite rincés dans l’eau distillée et séchés. Enfin, les échantillons sont métallisés à l’or-palladium et observés avec un microscope électronique à balayage JEOL JSM 6010 LV au Centre Scientifique de Monaco.

 Microscopie électronique à transmission

Les échantillons sont transférés pour décalcification dans une solution contenant du tampon phosphate Sorensen à 0,085 M, du sucrose à 0,5 M, de la glutaraldéhyde à 2% et de l’EDTA à 0,5 M, à pH 7,8 et à 4°C. La solution est renouvelée tous les jours jusqu’à décalcification complète des échantillons, puis les échantillons sont rincés dans du tampon Sorensen et post-fixés, pendant 1 heure à température ambiante, avec du tampon phosphate Sorensen contenant 1% de tétroxide d’osmium. Les échantillons sont déshydratés par transfert dans des bains successifs d’éthanol de degré croissant et inclus en résine Epon. Des sections ultrafines sont produites au couteau diamant, transférées sur des grilles de cuivre traitées au Formvar, contrastées au citrate de plomb et à l’acétate d’uranyle puis rincées à l’eau distillée avant d’être observées avec un microscope CM12 Phillips au Centre Commun de Microscopie Appliquée à l’Université Nice-Sophia Antipolis.

d) Microscopie confocale

 Marquage des biominéraux et des cellules environnantes

Deux protocoles d’immunomarquage ont été mis au point afin d’étudier les interfaces entre les tissus et (1) les cristaux déposés sur la lamelle qui sont les premiers stades de formation de l’axe squelettique et (2) les sclérites. Les cellules ont été identifiées par un marquage à la phalloïdine et au Dapi. Pour étudier les cristaux, nous avons appliqué un protocole utilisant de la calcéine, une molécule fluorescente qui se lie au calcium et s’incorpore dans les zones en croissance de CaCO3, qui permet un marquage de la périphérie des cristaux.

Pour étudier les sclérites, nous avons utilisé un anticorps dirigé contre la matrice organique soluble des sclérites qui permet d’avoir un marquage de l’intégralité des sclérites.

(1) Afin d’étudier l’organisation des cellules autour des sclérites, une microcolonie est fixée et décalcifiée selon le protocole décrit précédemment pour la préparation des coupes sagittales d’une microcolonie (PAF/S22). L’échantillon est ensuite rincé dans du PBS. Les tissus couvrant la lamelle sont ensuite découpés à l’aide d’une lame de rasoir avant d’être décollés du support. Les morceaux de tissus sont alors perméabilisés dans une solution de PBS contenant 0,1% de Tween 20, et rincés dans du PBS contenant 0,3% de Triton pendant 40 minutes, puis rincés dans du PBS seul. Quatre gouttes de réactif Image-iT FX (Invitrogen), qui permet de réduire le bruit de fond non spécifique, sont ensuite appliquées sur les morceaux de tissus qui sont incubés pendant 30 minutes à température ambiante. Les tissus sont ensuite rincés dans du PBS puis dans du PBS contenant 0,1% Tween 20 avant d’être incubés pendant deux heures dans un tampon de saturation (2% BSA, 0,2% gélatine de poisson, 0,1% Tween 20, 0,3% Triton, 0,5% sérum d’âne dans 0,05 mol.L-1 de PBS à pH 7,4). Les échantillons sont alors incubés pendant deux jours à 4°C dans du PBS contenant d’une part l’anticorps primaire dirigé contre la matrice organique soluble de C. rubrum (Debreuil et al., 2011b) dilué à 1 : 2000, et la phalloïdine couplée à l’Alexa Fluor 546 (2,5%, Molecular probe). Les échantillons sont ensuite rincés pendant une heure dans le tampon de saturation, puis incubés à 4°C sur la nuit avec un anticorps secondaire anti-lapin biotinylé (dilué à 1 : 250, Sigma). Après incubation, les tissus sont rincés dans le tampon de saturation puis dans du PBS, et enfin incubés pendant une heure dans de la streptavidine conjuguée à l'Alexa Fluor 633 (Invitrogen). Après un dernier rinçage dans du PBS, les morceaux de tissus sont incubés dans du PBS/Dapi (2 µg.mL-1, Sigma). Les échantillons marqués sont finalement montés sur une lame de microscopie avec un milieu de montage Permafluor (Thermo Scientific) et observés avec un microscope confocal.

(2) Les cristaux déposés sur la lamelle ont été observés avec une microcolonie vivante incubée dans de l’eau mer contenant de la calcéine. La calcéine est une molécule fluorescente qui s’incorpore dans les biominéraux en CaCO3 en croissance active. La microcolonie doit être suffisamment âgée (plusieurs mois) pour observer le dépôt de cristaux sur la lamelle en verre. En

Après 24 heures, la microcolonie est observée en utilisant un microscope confocal Leica SP5 pour valider le marquage par la calcéine des cristaux déposés sur la lamelle. Ensuite, la microcolonie est fixée dans une solution de paraformaldéhyde 4% dans du tampon S22 à 4°C sur la nuit et sous agitation. Après fixation, l’échantillon est rincé dans du PBS et perméabilisé pendant 40 minutes dans du PBS contenant 0,3% de Triton. La microcolonie est alors incubée dans du PBS contenant 0.3% de Triton et de la phalloïdine couplée à l’Alexa fluor 546 (2%, Molecular probe), rincée deux fois dans du PBS, avant d’être incubée dans du PBS/Dapi (2 µg.mL-1,Sigma) pendant une nuit. La microcolonie marquée est ensuite conservée à 4°C dans une boite de Pétri remplie de PBS et observée avec un microscope confocal inversé.

 Acquisition d’images en microscopie confocale

Les préparations sont observées avec un microscope confocal Leica SP5 (objectif à huile x40, ouverture numérique 1.3). Les images sont acquises séquentiellement pour chaque fluorochrome. Afin d’obtenir des images de très haute résolution de l’environnement des sclérites, les paramètres optimaux d’acquisition sont déterminés à l’aide du calculateur Nyquist (Scientific Volume Imaging) avec un pas inférieur à 0,2 µm. Les images obtenues sont ensuite traitées par le logiciel Huygens Essential (Version 16.05, Scientific Volume Imaging) afin d’améliorer la résolution par déconvolution et utiliser l’intensité maximale de projection (MIP). Le MIP est une technique de rendu volumique 3D qui consiste à projeter sur le plan de visualisation les voxels13 d’intensité maximale.

 SNARF-1

Des microcolonies ont été incubées avec une sonde fluorescente extracellulaire, le SNARF-1, afin de mettre en évidence le milieu extracellulaire autour des structures calcifiées en formation. Dans la mesure où le SNARF-1 est une sonde sensible au pH, le protocole décrivant sa préparation et son utilisation est présenté en détails dans le chapitre suivant qui traite en particulier du pH.

2.2. Résultats

a) Anatomie et histologie de la microcolonie sur lamelle

L’extension centrifuge des tissus autour de la bouture (nubbin en anglais) initiale commence au moins trois semaines après le collage de l’apex sur la lamelle en verre (Figure 35A) et permet d’obtenir une microcolonie bien développée après quelques mois (Figure 35B).

13 Le terme de « voxel », qui désigne un pixel en 3D, est la contraction de « volumetric pixel ».

Nous avons évalué le taux de croissance latéral d’une vingtaine de microcolonies sur une période allant de six mois à un an et demi. Ce taux de croissance est très variable avec une moyenne de 39,3 ± 19,6 μm par jour. Un pourcentage élevé (70%) de ces microcolonies présente une croissance active et continue, tandis que les autres commencent à croître sur la lamelle pour ensuite s’arrêter, sans reprendre ultérieurement leur croissance. Seules les microcolonies présentant une dynamique de croissance importante ont été utilisées pour l’étude histologique et anatomique, ainsi que pour l’approche physiologique pour les mesures de pH. Ces microcolonies présentent un taux de croissance moyen de 64,72 ± 9,21 µm par jour.

L’étude de l’organisation des tissus poussant sur la lamelle en verre a été réalisée en utilisant différentes approches combinant des observations sur des microcolonies vivantes ou fixées, entières ou en coupes. La Figure 35B-F montre des observations de l’échantillon vu du dessus avec un macroscope (Leica Z16 APO). La coloration rouge apparente du tissu qui s’est développé sur la lamelle est due à la présence de sclérites colorés distribués dans les tissus (Figure 35C, D). Au front de croissance, les sclérites sont de tailles et de couleurs différentes (blanc, rose/orange et rouge) (Figure 35F).

Figure 35| Organisation des tissus d’une microcolonie de Corallium rubrum. (A) Un

apex de branche coupé et collé sur une lamelle en verre avec les polypes épanouis. B, B’ et G sont des vues globales des microcolonies avec la bouture au centre de la préparation, les tissus qui poussent sur la lamelle, et les polypes qui se développent sur ce nouveau tissu. Les encadrés indiquent deux régions d’intérêt : à proximité de la bouture et au front de croissance. B-F Vues du dessus de la microcolonie. B’-F’ Vue du dessous de la microcolonie. (C) et (C’) Agrandissements du tissu proche de la bouture ; le cœnenchyme est composé d’une forte densité de sclérites rouges et contient de nombreux canaux gastrodermiques blancs. L’astérisque en (C) indique un polype rétracté. (D) Agrandissement de (C) montrant la forte densité de sclérites rouges. (D’) Agrandissement de (C’) ; les flèches noires indiquent les cristaux colorés déposés sur la lamelle sous les tissus. (E) et (E’) Agrandissements du tissu se développant au front de croissance montrant que les canaux ne sont pas complètement développés et que les sclérites sont moins denses. (F) Agrandissement de (E) ; les flèches noires indiquent les sclérites blancs, roses/orange et rouges. (F’) Agrandissement de (E’) montrant l’absence de cristaux déposés sur la lamelle. G-K Vues du dessus d’une microcolonie décalcifiée. (H) et (I) Agrandissements du tissu proche de la bouture. (J) et (K) Agrandissements du tissu au front de croissance.

Le tissu, qui est aussi appelé coenenchyme, est composé de canaux blancs plus ou moins parallèles, reliés ensemble par des anastomoses, qui parcourent l’ensemble de la microcolonie depuis la bouture (Figure 35C) jusqu’au front de croissance (Figure 35E) où ces canaux ne sont pas totalement développés. Ces canaux correspondent au système gastrodermique et communiquent avec les cavités gastriques des polypes (Figure 36).

Figure 36| Système de canaux gastrodermiques d’une microcolonie de Corallium

rubrum. (A) Vue du dessous de l’ensemble d’une microcolonie. (B) Agrandissement d’une zone

avec un polype montrant la communication des canaux entre eux par des anastomoses (flèche noire) et avec le polype. Les pointes de flèches indiquent des cristaux.

La lamelle en verre permet d’observer la microcolonie par dessous en retournant l’échantillon (Figure 35B’-F’). Près de la bouture on observe le réseau de canaux bien développé (Figure 35C’) avec la présence de cristaux déposés sur la lamelle (Figure 35D’). Au front de croissance, au contraire, on note l’absence de cristaux déposés (Figure 35F’). Dans notre étude, le terme de « cristaux» est utilisé pour faire référence aux premiers stades de formation de l’axe squelettique qui sont déposés sur la lamelle en verre. De plus, on observe que les sclérites sont localisés au-dessus des canaux dans la partie supérieure du coenenchyme Figure 35F’).

L’observation d’une microcolonie décalcifiée (Figure 35G) montre que l’intégrité du tissu est préservée. La partie minérale des biominéraux a été dissoute, mais la matrice organique est préservée. L’échantillon décalcifié a ensuite été utilisé pour caractériser l’histologie de la microcolonie de C. rubrum. Une section sagittale a été réalisée au centre de la microcolonie (Figure 37A) et colorée avec de l’hématoxyline et de l’éosine (Figure 37B). Au niveau de la

Ces emplacements de sclérites que l’on observe après décalcification sont appelés « fantômes de sclérites ». Ces fantômes sont présents sur toute l’épaisseur du cœnenchyme, mais en densité plus importante sous la surface de l’ectoderme oral. La bouture présente donc l’histologie typique d’une branche de C. rubrum (Debreuil et al., 2012a; Grillo et al., 1993). Les

Figure 37D et E sont des agrandissements de la section du tissu poussant sur la lamelle. Le

cœnenchyme est plus fin dans cette zone qu’au niveau de l’apex de la bouture. Les canaux gastrodermiques sont distribués en une seule couche et les sclérites sont principalement présents dans la partie supérieure du cœnenchyme (Figure 37D). Les fantômes de sclérites sont entourés par un ou plusieurs scléroblastes comme indiqué par la coloration sombre des noyaux. Les fantômes de sclérites et les scléroblastes sont situés soit au-dessus des canaux, dans la partie supérieure du cœnenchyme, soit sur toute la hauteur du cœnenchyme en l’absence de canaux. L’ectoderme aboral qui est en contact avec la lamelle apparaît également discontinu. Bien que la matrice organique insoluble (MOI) des sclérites soit bien préservée, la MOI sécrétée par l’ectoderme aboral sur la lamelle est perdue pendant la préparation de l’échantillon, au moment où le tissu est décollé de la lamelle. Seulement un petit fragment sécrété par l’ectoderme aboral est visible (indiqué par un astérisque). Plus on se rapproche du front de croissance (Figure 37E), plus la couche de mésoglée est fine. Les ectodermes oral et aboral sont toujours différenciables mais les canaux gastrodermiques ne sont pas complètement formés. Aux extrémités du tissu en croissance, les deux ectodermes oral et aboral sont unis et indifférenciables.

Figure 37| Coupe sagittale d’une microcolonie décalcifiée de Corallium rubrum colorée avec de l’hématoxyline et de l’éosine. (A) Photo d’une microcolonie décalcifiée

utilisée pour réaliser des coupes sagittales comme indiqué par la ligne rouge. (B) Reconstruction de la vue globale de la coupe sagittale colorée avec de l’hématoxyline et de l’éosine. La bouture est située entre les deux lignes noires. Les parties adjacentes correspondent au tissu qui pousse sur la lamelle (Echelle : 1 mm). (C) Agrandissement montrant l’histologie à l’apex de la bouture (Echelle : 50 μm). (D) Agrandissement montrant l’histologie du tissu qui pousse sur la lamelle. L’astérisque indique de la MOI sécrétée par l’ectoderme aboral (Echelle : 50 μm). (E) Agrandissement du tissu au front de croissance poussant sur la lamelle (Echelle : 50 μm). Po : Polype ; GC : Canaux gastrodermiques ; OE : Ectoderme oral ; AE : Ectoderme aboral ; Mgl : Mésoglée ; Scl : Scléroblastes ; nu Scl : Noyaux de scléroblastes ; IOM scl : Matrice organique

Les sclérites situés au front de croissance ont ainsi pu être récupérés après sédimentation. La taille de 163 sclérites présentant des colorations différentes a été mesurée. Un test t de Student a été appliqué pour comparer la taille moyenne des sclérites blancs, orange et rouges. Les sclérites blancs (32,0 ± 9,1 µm, n = 60) sont significativement plus petits (p < 0,001) que les sclérites orange (56,2 ± 8,5 µm, n = 43) et rouges (61,4 ± 5,5 µm, n = 60) (Figure 38). Ces observations posent la question de savoir si les sclérites acquièrent leur couleur au cours de leur maturation ou si cette couleur est déjà présente dans les jeunes sclérites mais non visualisable.

Figure 38| Relation entre la taille et la couleur des sclérites situés au front de croissance d’une microcolonie de Corallium rubrum. Les tailles moyennes des sclérites ± les

écarts types sont représentés sur le graphique. Les lettres indiquent les différences significatives d’après le test de Student (p < 0,001).

b) Cristaux déposés sur la lamelle

Les premières étapes de formation du squelette, qui ont lieu au contact de la lamelle, ont été observées par microscopie électronique à balayage sur une microcolonie (Figure 39A) dont les tissus mous ont été dissous (Figure 39B). Les zones C à E de la Figure 39B représentent respectivement les premières et les dernières étapes de formation du squelette. Dans la zone C, des cristaux isolés en forme d’haltères (Figure 39C1; flèches blanches) sont déposés sur la lamelle, ou recouverts d’une couche fine de biominéral (Figure 39C1-C2; flèches jaunes). En allant du front de croissance vers la bouture, ces couches de biominéral s’élargissent sur la lamelle et se rejoignent pour former des plaques plus larges (Figure 39D1), et finalement une couche continue de squelette (Figure 39E1). Des plaques calcifiées avec des microprotubérances épineuses sont observées dans la zone D (Figure 39D1-D2). Ces microprotubérances ont une coloration rosée en lumière blanche. On observe ensuite un épaississement progressif du squelette en s’approchant de la bouture (i.e. stades plus tardifs de calcification), avec une plus grande densité de microprotubérances et le développement de crénulations longitudinales en surface (Figure 39E1-E2).

Figure 39| Observations des cristaux déposés sur la lamelle, réalisées au microscope électronique à balayage. (A) Photo de la microcolonie avant dissolution des tissus. (B) Vue

générale des cristaux déposés sur la lamelle. Les carrés jaunes indiquent quatre zones d’intérêt. (C1) Cristaux en forme d’haltères (flèches blanches) répartis en ligne, parfois recouverts de couches de biominéral (flèches jaunes) (Echelle : 100 µm). (C2) Agrandissement de C1

(Echelle : 50 µm). (D1) Stade plus avancé de la formation du squelette avec des plaques de

cristaux comportant par endroits des microprotubérances (Echelle : 100 µm). (D2) Agrandissement de D1 montrant les plaques qui se rejoignent et la couleur rosée des microprotubérances (Echelle : 50 µm). (E1) Stade avancé montrant une épaisseur de squelette couvert de microprotubérances et la présence de crénulations (Echelle : 500 µm). (E2) Agrandissement de E1 montrant les microprotubérances (Echelle : 10 µm). Préparations et

 Milieu de croissance des cristaux

L’incubation de la microcolonie dans de l’eau de mer contenant de la calcéine à différents intervalles de temps permet de suivre le schéma de croissance et de mesurer un taux de croissance moyen. Deux marquages à deux jours d’intervalle ont été effectués et sont visualisés par les colorations vertes sur les cristaux (Figure 40A-A’). L’observation des plaques de cristaux est réalisée neuf jours après la date de premier marquage. Le taux de croissance latéral moyen des cristaux est de 2,59 ± 0,74 m par jour. Le marquage à la calcéine a également été utilisé en combinaison avec de la phalloïdine et du Dapi afin d’étudier l’interface entre les cristaux et les cellules environnantes. Lors de ces observations nous n’avons pas identifié de cristaux primaires déposés. Cependant, nous avons pu observer la disposition des cellules autour d’une plaque de cristaux, en contact étroit avec celle-ci (Figure 40B).

Figure 40| Observation au microscope confocal inversé du marquage à la calcéine des cristaux déposés sur la lamelle et des cellules avec la phalloïdine et le Dapi. (A-A’)

Marquages à la calcéine (vert) réalisés à deux jours d’intervalle des plaques de cristaux déposées