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2. La biominéralisation chez les coraux

2.3. Processus de biominéralisation chez les coraux

L’étude de la biominéralisation concerne d’une part le produit fini, c'est-à-dire la structure minéralisée synthétisée par un organisme vivant (le biominéral) et d’autre part le processus dynamique qui regroupe l’ensemble des processus physico-chimiques, cellulaires et moléculaires par lesquels des organismes vivants élaborent des structures minéralisées. Cette deuxième partie sera détaillée ci-dessous dans la mesure où c’est sur cet aspect que j’ai

Ca

2+

+ CO

32−

→ CaCO

3

(1)

Le calcium est présent à une concentration constante d’environ 10 mmol.kg-1 dans les océans actuels, sous la forme du cation divalent Ca2+. Le carbone inorganique dissous (CID), quant à lui, existe sous trois formes qui sont à l’équilibre : le dioxyde de carbone (CO2), les ions bicarbonates (HCO3-) et les ions carbonates (CO32-).

𝐂𝐎

𝟐

+ H

2

0 ⇌ H

2

CO

3

⇌ 𝐇𝐂𝐎

𝟑

+ H

+

⇌𝐂𝐎

𝟑𝟐−

+ 2H

+

(2)

Dans une eau de mer à pH ~8.1, les ions HCO3- contribuent pour près de 90% au CID total (Figure 7), le CO32-, 9%, et le CO2 pour seulement 1%.

Figure 7| Concentrations des espèces carbonatées dans l'eau de mer en fonction du pH. Au pH de l’eau de mer (~8,1), à une salinité de 35 psu et une température de 25°C, la

forme majoritaire de carbone inorganique dissous est le HCO3-. À pH=6,4 (pH=pK1) on a égalité des concentrations en CO2 et en HCO3-. À pH=10,4 (pH=pK2) on a égalité des concentrations en HCO3- et en CO32-.

La Figure 7 montre que le pH va déterminer le sens de la réaction (2) et la proportion de chaque espèce carbonatée dans le milieu. Une augmentation du pH par rapport à celui de l’eau de mer actuel va favoriser la formation de CO32-. Le pH est donc un paramètre majeur dans la mécanistique de la biominéralisation, et sera l’objet d’étude du chapitre 4.

D’un point de vue physico-chimique, la précipitation du CaCO3 est thermodynamiquement favorisée quand la concentration en Ca2+ et CO32- atteint ou dépasse la solubilité du CaCO3 (K*ps), ou en d’autres termes lorsque l’état de saturation du CaCO3 (ΩCaCO3) dépasse la valeur de 1. On parle alors de sursaturation de l’eau de mer en CaCO3. Au contraire, si ΩCaCO3 est inférieur à 1 on parle de sous-saturation, ce qui favorise alors la dissolution du CaCO .

L’état de saturation du CaCO3 est le produit des concentrations en Ca2+ et CO32- dans l’eau de mer, ou dans le milieu d’intérêt, divisé par le produit de solubilité du CaCO3 (K*ps) :

CaCO3

=

[Ca2+]milieu x [CO32−]milieu K∗

ps

(3)

La constante du produit de solubilité (K*ps) est la constante d'équilibre de la réaction de dissolution : CaCO3  Ca2+ + CO32-, et correspond donc au produit des concentrations au seuil de solubilité. La solubilité dépend de la température, de la salinité et de la pression, donc la constante K*ps dépend également de ces paramètres (Mucci, 1983).

K

ps = [Ca2+]𝑠𝑎𝑡𝑢𝑟é x [CO32−]𝑠𝑎𝑡𝑢𝑟é

(4)

Comme présenté au début de ce chapitre, les coraux forment des biominéraux carbonatés cristallisés principalement sous forme de calcite et d’aragonite. L’état de saturation de ces deux polymorphes s’écrit selon ces deux équations :

aragonite

=

[Ca2+]milieu x [CO32−]milieu

Kps aragonite

(5)

calcite

=

[Ca2+]milieu x [CO32−]milieu K∗

ps calcite

(6)

Ces deux polymorphes sont caractérisés par des K*ps différents, avec le K*ps de l’aragonite supérieur au K*ps de la calcite (Mucci, 1983). Aux mêmes concentrations de Ca2+ et CO32-, l’état de saturation de l’aragonite est donc inférieur à celui de la calcite, ce qui se traduit par une solubilité plus élevée de l’aragonite par rapport à la calcite. Que ce soit dans le cas de l’aragonite ou de la calcite, afin de favoriser la précipitation, il faut donc augmenter l’état de saturation de la solution et pour cela la concentration en Ca2+ ou en CO32-. Comme vu précédemment, le pH va influencer la disponibilité en CO32- et donc modifier l’état de saturation, et ainsi jouer de façon indirecte un rôle sur la précipitation du CaCO3.

A ce niveau le rapport des ions magnésium sur les ions calcium (Mg/Ca) en solution joue un rôle essentiel et va gouverner la sélection du polymorphe des carbonates. La présence de magnésium en solution n’affecte pas la nucléation de l’aragonite, tandis qu’elle présente un effet inhibiteur sur la nucléation de la calcite pure en augmentant l’énergie de surface et la solubilité. Lorsque le magnésium est présent en solution, il peut être incorporé dans la calcite en se substituant au calcium, donnant de la calcite dite « magnésienne ». L’incorporation du magnésium est régie par des lois physico-chimiques et est définie selon un coefficient de partage (DMG) qui relie le rapport Mg/Ca mesuré dans la calcite à celui de la solution de précipitation :

𝐷𝑀𝐺 = 𝑀𝑔/𝐶𝑎𝐶𝑎𝑙𝑐𝑖𝑡𝑒

𝑀𝑔/𝐶𝑎𝑠𝑜𝑙𝑢𝑡𝑖𝑜𝑛 (7)

De nombreuses études ont cherché à comprendre l’influence de la température, du pH, ou encore de la salinité sur ce coefficient de partage. Mais aucun consensus n’a été établi sur le ou les facteurs contrôlant le DMG. Un schéma récapitulatif a été proposé par Sun et al. (2015) pour expliquer la relation entre la supersaturation de la solution, le rapport Mg/Ca, l’énergie de surface et la nucléation des polymorphes de carbonate de calcium (Figure 8). Dans une solution sans magnésium, seule la calcite pure précipite avec un ΩCaCO3 faible de 5. Mais lorsque la concentration de magnésium, et donc le rapport Mg/Ca, augmente et atteint une valeur de 2, l’ΩCaCO3 doit être augmenté à une valeur de 18 pour observer la nucléation de la calcite. Pour l’aragonite, il faut un ΩCaCO3 de 18 pour que la nucléation ait lieu, indépendamment du rapport Mg/Ca. Et lorsque l’on se situe à un Mg/Ca de 5,2 (océans actuels), l’ ΩCaCO3 doit être augmenté à 35 pour déclencher la nucléation de la calcite, ce qui est bien plus élevé que ce qui est nécessaire pour la nucléation de l’aragonite.

Figure 8| Diagramme de cinétique de phase du taux de nucléation relatif entre la calcite et l’aragonite. La nucléation dépend du rapport Mg/Ca de la solution et de la

supersaturation (Ωcalcite). Dans une solution sans Mg2+, la calcite est la seule phase à précipiter avec un Ωcalcite de 5. La nucléation de l’aragonite débute à partir d’un Ωcalcitede 18, indépendamment de Mg/Ca (étoile verte). À Mg/Ca = 5,2 (rapport actuel des océans), l’Ωcalcitedoit être augmenté à 35 pour déclencher la nucléation de la calcite (étoile jaune).

Ces résultats sont valables dans des environnements abiotiques et inorganiques, les règles s’appliquent dans des situations biologiques mais les molécules organiques (protéines, polysaccharides...) sécrétées par les cellules calcifiantes de l’organismes au site de calcification vont interagir avec les ions en solution et moduler la nucléation, la croissance et l’inhibition de la croissance des biominéraux carbonatés (Belcher et al., 1996; Falini et al., 1996). Il existe deux types de nucléation, la nucléation homogène versus celle hétérogène (S. Mann, 2001). La nucléation homogène correspond à la nucléation spontanée dans une solution supersaturée. La nucléation hétérogène, quant à elle, décrit la formation de cristaux à la surface d’un substrat présent dans le milieu. La présence de molécules organiques en solution va diminuer la supersaturation nécessaire pour obtenir un même taux de nucléation (Figure 9).

La physico-chimie au site de calcification qui va déterminer l’état de saturation et les taux de nucléation est, dans le cas des organismes biominéralisateurs, sous le contrôle de processus cellulaires et moléculaires essentiels pour réguler la concentration ionique et l’apport de macromolécules organiques au site de calcification.

b) Processus cellulaires et moléculaires de la biominéralisation

Les processus de biominéralisation au sein du vivant peuvent être divisés en deux types « Biominéralisation biologiquement induite » ou « Biominéralisation biologiquement contrôlée » selon le niveau de contrôle exercé par l’organisme au niveau cellulaire et moléculaire. Souvent il est difficile de classer un type de biominéralisation dans une de ces deux catégories parce que 1) tous les niveaux de contrôle ne sont pas connus, 2) la terminologie utilisée par les géochimistes et les biologistes n’est pas comparable. Cependant il existe un consensus sur le fait que la biominéralisation au niveau cellulaire et moléculaire doit prendre en compte trois aspects :

- La délimitation d’un milieu où a lieu la calcification, dénommé site de calcification ; - La sécrétion de macromolécules, qui vont constituer la matrice organique ;

- Le transport des ions et leur régulation (calcium, bicarbonates et protons).

 Le site de calcification

Chez les coraux, le site de calcification, dans le cas de la formation d’un squelette (dit exosquelette), est extracellulaire et se trouve à l’interface entre les cellules calcifiantes et le substrat. Lors des premiers stades larvaires, c’est un biofilm qui sert de substrat à la fixation et c’est ensuite le squelette néoformé qui sert de substrat lors des stades suivants de calcification. Dans le cas de la formation des sclérites, le processus est intracellulaire dans les premiers stades, puis extracellulaire lors de la maturation (bien qu’il semble exister des différences selon les espèces, cf. chapitre 2, Tableau 4) L’important, qu’il s’agisse d’un processus intra- ou extracellulaire, c’est la composition du site de calcification et sa régulation tant du point de vue ionique que moléculaire.

 La matrice organique

Les cellules calcifiantes synthétisent et sécrètent vers le site de calcification des macromolécules organiques (protéines, polysaccharides, lipides...) qui sont regroupées sous le terme de « matrice organique » (MO), ou de « sécrétome » (Figure 10).

Une partie des macromolécules du sécrétome joue un rôle dans la formation du biominéral, il s’agit du sécrétome dit « calcifiant » qui comprend des molécules non-incluses dans le biominéral, qui interviennent au site de calcification, et des molécules incluses dans le biominéral constituant le squelettome. Le squelettome comprend des macromolécules sécrétées ainsi que des domaines extracellulaires clivés de protéines transmembranaires de l’épithélium calcifiant. La présence de contaminants cellulaires dans le squelette (comme de l’actine), est également possible (Marin et al., 2016).

Figure 10| Représentation schématique de l’interface entre un épithélium calcifiant et une structure biominéralisée en carbonate de calcium. D’après Marin et al.

(2016).

L’étude de la MO incluse dans le squelette se fait après déminéralisation. Deux fractions sont dissociables selon leur solubilité en milieux aqueux et se retrouvent séparées au moment de leur extraction du biominéral : les fractions soluble et insoluble. La majorité des études porte d’ailleurs sur la fraction soluble car plus facilement obtenue. La fraction soluble comprend principalement des polysaccharides, glycoprotéines et des protéines acides et

Afin d’élucider le rôle de ces protéines dans la minéralisation, des expériences de précipitation in vitro de CaCO3 ont été réalisées en présence d’extraits totaux de MO ou de protéines spécifiques et ont permis de déterminer que la MO peut jouer un rôle sur la nucléation des cristaux, le polymorphe de CaCO3, l’assemblage, ou encore la morphologie des cristaux formés (Falini et al., 2013; Mass et al., 2013). La fraction insoluble, quant à elle, comprend principalement des glycosaminoglycanes complexes et d’autres macromolécules hydrophobes (Addadi et Weiner, 1985; Allemand et al., 1994; Mann, 2001). Ce sont ces macromolécules qui constitueraient la trame sur laquelle se forme le minéral.

Les travaux menés sur les coraux ont principalement porté sur l’identification des protéines constitutives de la MO soluble. La Galaxine a été la première protéine identifiée dans la MO du squelette de Galaxea fascicularis (Fukuda et al., 2003; Watanabe et al., 2003), suivie de la caractérisation de la Scléritine dans la MO des sclérites de Corallium rubrum (Debreuil et al., 2012a). Les avancées moléculaires par le développement de la protéomique, génomique et transcriptomique, ont notamment permis d’étudier le protéome des squelettes d’Hexacoralliaires comme Stylophora pistillata (Drake et al., 2013) et Acropora millepora (Ramos-Silva et al., 2013), et de l’Octocoralliaire Corallium konojoi (Rahman et al., 2014). Récemment, une étude comparative des protéines impliquées dans la précipitation du CaCO3 chez les Cnidaires, Mollusques et Echinodermes a montré la cooptation de protéines ayant des rôles similaires (propriétés d’adhésion, structurelles, de signalisation et de régulation) entre ces trois embranchements (Drake et al., 2014), qui va dans le sens d’une convergence fonctionnelle de la biominéralisation. Parmi ces molécules, on trouve notamment les anhydrases carboniques (ACs), des enzymes qui catalysent l’interconversion du CO2 en HCO3-. Certaines de ces ACs sont préférentiellement localisées au niveau des membranes des cellules calcifiantes (Miyamoto et al., 1996; Moya et al., 2008a). D’autres sont retrouvées dans le squelette où leur activité catalytique est maintenue après leur extraction (Borelli et al., 2003; Drake et al., 2013; Mann et al., 2008). Dans la mesure où ces caractéristiques ne sont pas propres aux coraux mais se retrouvent chez de nombreux organismes biominéralisateurs, il est admis que ces ACs jouent un rôle clef dans la biominéralisation que ce soit au niveau du site de calcification ou dans le squelette.

 Le transport des ions et leur régulation (calcium, bicarbonates et protons)

Le site de calcification des coraux est séparé de l’eau de mer par plusieurs couches de cellules animales.

Le calcium et le carbone inorganique dissous (CID) qui sont présents dans l’eau de mer doivent être transportés jusqu’au site de calcification. Le CID peut également être produit par la respiration cellulaire (dioxyde de carbone, CO2).

Quelle que soit leur origine (eau de mer ou métabolisme animal), deux modes de transport existent pour le transport des ions et molécules :

- Un transport paracellulaire, entre les cellules. Les ions/molécules sont transportés selon leur gradient électrochimique, par diffusion et de façon passive. Ce sont les propriétés de permselectivité des barrières intercellulaires, représentées par les jonctions septées, qui vont déterminer le passage des ions entre les cellules des différents épithélia, depuis l’eau de mer jusqu’au site de calcification (Bénazet-Tambutté et al., 1996; Ganot et al., 2015; Gao et al., 2006) ;

- Un transport transcellulaire, à travers les cellules. Dans ce cas, les ions/molécules membrane-imperméants sont transportés de façon active et sélective contre leur gradient chimique par l’intermédiaire de transporteurs membranaires (canaux, pompes et échangeurs ioniques) (Zoccola et al., 1999, 2004, 2015).

Les études menées jusqu’à présent pour caractériser le transport des ions impliqués dans la calcification ont porté principalement sur les coraux scléractiniaires (Figure 11) qui produisent un squelette massif. Concernant le transport transcellulaire de calcium, deux transporteurs ont été identifiés et localisés au niveau de l’ectoderme calicoblastique, responsable de la sécrétion du squelette, chez le scléractiniaire Stylophora pistillata : des canaux calciques voltages dépendants permettant l’entrée de calcium dans les cellules (Tambutté et al., 1996; Zoccola et al., 1999), et une pompe Ca2+-ATPase (Zoccola et al., 2004) permettant la sortie de calcium intracellulaire vers le site de calcification. Ce transporteur actif serait également responsable du retrait de protons au site de calcification générés lors de la précipitation de CaCO3 afin de limiter l’acidification engendrée par cette réaction (McConnaughey & Whelan, 1997). En effet, il a été montré chez les coraux scléractiniaires que le pH au site de calcification est plus élevé que le pH de l’eau de mer. Cet

Le CO2 diffuse librement à travers les membranes vers le site de calcification, mais l’HCO3- doit être transporté. Il existe deux voies pour amener le CO2 métabolique vers le site de calcification. Soit il diffuse librement à travers la membrane plasmique pour être ensuite converti en HCO3- (action d’une AC présente dans le milieu calcifiant), soit il est converti en HCO3- au sein de la cellule (par une AC intracellulaire), puis transporté activement (par un transporteur de bicarbonates) au site de calcification. Ces deux voies semblent être utilisée comme le suggère (1) le pH favorable mesuré dans les cellules de l’ectoderme aboral (Venn et al., 2009) et au site de calcification (Venn et al., 2011), (2) l’identification d’ACs intracellulaires et extracellulaires (Bertucci et al., 2013, 2011; Moya et al., 2008a), (3) ainsi que l’identification d’un transporteur de bicarbonate spécifique (SLC4γ, Solute carrier 4; Zoccola et al., 2015).

Figure 11| Schéma récapitulatif du transport par la voie transcellulaire des ions nécessaires à la précipitation de CaCO3 chez un corail scléractiniaire, entre l’ectoderme aboral et le site de calcification.

En revanche, les études menées chez les Octocoralliaires, qui forment un axe squelettique et/ou des sclérites, sont moins nombreuses et donc la compréhension de la mécanistique est moins avancée. Chez Leptogorgia virgulata, une Ca2+-ATPase intervient dans la concentration du calcium dans des vacuoles nécessaires à la formation des sclérites (Kingsley & Watabe, 1985) et chez cette espèce, le CO2 produit de la glycolyse, ne représente que 33% du carbone utilisé pour la formation des sclérites (Lucas & Knapp, 1997), suggérant donc un rôle prépondérant du HCO3- provenant de l’eau de mer environnante pour leur calcification.

Pour Corallium rubrum, deux approches ont été couplées pour déterminer les voies de transport du calcium et du CID dans le processus de formation du squelette et des sclérites (Allemand & Grillo, 1992) : une approche pharmacologique par l’utilisation d’inhibiteurs d’anhydrases carboniques (Diamox), des transporteurs anioniques (DIDS) et des canaux calciques (vérapamil), et une approche isotopique avec du calcium radioactif.

Cette étude a montré que l’apport de calcium nécessaire à la formation de l’axe et des sclérites était médié par des canaux calciques sensibles au vérapamil. Comme pour les coraux scléractiniaires, le CO2 métabolique représente la source majeure de CID pour la formation des deux structures squelettiques puisque l’inhibition des ACs entraîne une diminution importante de la calcification de l’axe squelettique et des sclérites (72% et 52% respectivement). Néanmoins, l’HCO3- de l’eau de mer environnante reste également une source non négligeable de CID pour la formation de l’axe squelettique. Il est à noter que cette étude met en avant le rôle essentiel des ACs dans la calcification de cette espèce. Ce dernier aspect sera développé dans le chapitre 5.

3. Problématique de l’étude de la biominéralisation

Les études menées au cours de cette thèse constituent un travail de recherche fondamental visant à apporter de nouvelles connaissances sur les processus de formation des structures calcifiées chez le corail rouge de Méditerranée Corallium rubrum, qui appartient à la sous-classe des Octocoralliaires. Sa position taxonomique est l’une des raisons pour laquelle nous avons choisi d’étudier cet organisme. En effet, la grande majorité des connaissances actuelles sur le processus de calcification chez les coraux a été obtenue sur les coraux scléractiniaires de la sous-classe des Hexacoralliaires. Ces deux sous-classes ont divergé il y a plus de 542 millions d’années, et il semblerait que les Cnidaires aient acquis la capacité à biominéraliser après la divergence de ces deux sous-classes. Les résultats obtenus sont discutés selon un aspect comparatif par rapport aux connaissances disponibles chez les autres organismes calcifiants élaborant des structures carbonatées, et notamment les scléractiniaires, afin

Notre intérêt s’est porté principalement sur le volet ionique de la biominéralisation et notamment sur des acteurs clés de ce processus : le pH aux sites de calcification et les anhydrases carboniques.

La suite de ce manuscrit est découpée en quatre chapitres :

Le chapitre 2 consiste en une synthèse des connaissances sur la biominéralisation chez les Octocoralliaires, avec notamment une présentation des processus cellulaires de formation des sclérites. La seconde partie de ce chapitre présente notre modèle d’étude, Corallium

rubrum, et les deux structures calcifiées qu’il élabore, des sclérites et un axe squelettique.

Le chapitre 3 porte sur la description histologique et anatomique des microcolonies de

Corallium rubrum, un modèle d’étude développé pour nous permettre d’étudier in vivo les

premiers stades de formation des structures calcifiées.

Le chapitre 4 présente l’approche physiologique menée sur les microcolonies afin de caractériser le microenvironnement où a lieu la formation des sclérites et de l’axe squelettique, en s’intéressant à un paramètre fondamental de la calcification, le pH.

Le chapitre 5 présente l’approche moléculaire utilisée pour étudier les anhydrases carboniques de la famille  chez Corallium rubrum, ces métalloenzymes définies comme essentielles dans la formation des structures en carbonate de calcium.

Les résultats des chapitres 3 et 4 sont détaillés dans ce manuscrit mais seront présentés dans une même publication pour soumission. Les résultats du chapitre 5, quant à eux, ont été publiés dans Plos One.

CHAPITRE 2

La biominéralisation chez Corallium rubrum

Chapitre 2 L

A

B

IOMINERALISATION CHEZ

C

ORALLIUM RUBRUM

1. La biominéralisation chez les Octocoralliaires

1.1. Etat des connaissances sur la biominéralisation chez les

Octocoralliaires

Les études menées jusqu’à présent sur la biominéralisation chez les Octocoralliaires sont répertoriées dans le Tableau IV du manuscrit de Thèse de J. Debreuil pour la période 1864-2012 (Debreuil, 2012b), et dans le tableau ci-dessous (Tableau 2) pour la période 2013-2016. Les études menées de façon plus générale sur les Corallidae pour la période 2013-2014 sont