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Trois techniques sont principalement utilisées pour mesurer le pH physiologique des coraux : la signature isotopique en bore des squelettes, les microélectrodes, et l’utilisation de sondes fluorescente sensibles au pH comme le SNARF-1. Les deux premières techniques seront brièvement décrites ci-dessous, tandis que la méthode utilisant le SNARF-1 sera plus détaillée dans la mesure où c’est celle que j’ai utilisée pour réaliser mon étude.

2.1. Composition isotopique du bore

L’abondance relative et la composition isotopique des deux espèces majeures du bore, l’acide borique B(OH)3 et le borate B(OH)4-, sont dépendantes du pH (Kakihana et al., 1977; Sanyal et al., 1995). On admet généralement que seul l’ion borate est incorporé dans les carbonates. La composition isotopique du bore dans le squelette des coraux est donc dépendante du pH du milieu où le CaCO3 précipite. L’analyse de la composition isotopique du bore (11B) des squelettes de coraux permet donc de connaître le pH du microenvironnement au moment de la calcification. La relation entre la composition 11B du squelette et le pH du milieu calcifiant est donnée par la courbe de calibration ci-dessous (Figure 47). La différence de pH entre le milieu de calcification et l’eau de mer environnante reflète la magnitude des « effets vitaux » au moment de la calcification, c’est-à-dire l’influence des processus biologiques sur la composition isotopique du bore du squelette (Hönisch et al., 2004; Trotter et al., 2011).

L’inconvénient de cette méthode est qu’elle est réalisée sur de la poudre de squelette, constituant donc une méthode destructive, et ne permet donc pas de réaliser des mesures in

Figure 47| Diagramme schématique montrant comment le pH du milieu calcifiant est calculé à partir de la composition isotopique du bore (11B). La courbe de ‘Klochko’

représente le 11B théorique de l’eau de mer (Klochko et al., 2006). ΔpH est la différence entre le pH du fluide calcifiant (pHcf) et le pH de l’eau de mer environnante (pHT). D’après McCulloch et al. (2012a-Supplementary information).

2.2. Microélectrodes

Les « microélectrodes à pH » sont des électrodes conventionnelles miniaturisées pour mesurer le pH, de telle sorte que le diamètre de la microélectrode soit de l’ordre du micromètre. Le principe repose sur la diffusion sélective des protons à travers une membrane. Ce flux d’ions va donner lieu à un mouvement de charges électriques qui va générer un potentiel électrique proportionnel au rapport des protons présents de part et d’autre de la membrane. Des micromanipulateurs motorisés sont utilisés afin de positionner précisément l’électrode au lieu de mesure. Ces microélectrodes sont utilisées pour des mesures de pH extracellulaires et également intracellulaires. Cependant, les microélectrodes font partie des techniques dites « invasives » pour réaliser des mesures de pH in vivo. En effet l’insertion de la microélectrode se fait par une incision dans le tissu qui peut dans certains cas créer une ouverture pouvant modifier la composition du milieu de la zone de mesure, qui n’est alors plus isolée du milieu extérieur. C’est à l’aide de cette technique que les premières valeurs de

Cependant ces résultats sont à considérer avec précaution car rien n’indique que les mesures soient réellement réalisées dans le milieu calcifiant.

2.3. SNARF-1

La mesure du pH en microscopie à fluorescence est basée sur la protonation et la déprotonation des groupes fonctionnels en fonction du pH, modifiant les propriétés spectroscopiques des sondes utilisées telles que le SNARF-1 (seminaphthorhodafluor-1). La constante d’acidité du SNARF-1 (c'est-à-dire sa capacité à libérer des protons en solution), peut être définie par son pKa d’environ 7,5, ce qui en fait un bon fluorophore pour mesurer les changements de pH entre 7 et 8. Il existe deux types de sondes SNARF-1: le SNARF-1 AM et le SNARF-1 (Figure 48). La première possède un groupement acetoxymethyl ester (AM) qui rend la sonde neutre, lui permettant de traverser les membranes cellulaires. Une fois à l’intérieur de la cellule, des estérases intracellulaires vont cliver le groupement ester de la molécule, libérant les groupements chargés et piégeant la sonde dans le compartiment cytoplasmique (Tsien, 1981). La seconde est dépourvue de ce groupement AM. La molécule ne peut donc pas pénétrer dans les cellules et reste dans le compartiment extracellulaire.

Figure 48| Représentation schématique de l’utilisation des deux sondes fluorescentes SNARF-1 et SNARF-1 AM pour les mesures de pH extracellulaires et intracellulaires respectivement.

Le SNARF est excité par un laser Hélium-Néon à une longueur d’onde de 543 nm et émet à deux longueurs d’onde : ~585 nm et ~640 nm. Le spectre d’émission est donc composé de deux pics, dont l’intensité va être dépendante du pH de l’environnement (Figure 49). La mesure de pH intracellulaire ou extracellulaire est obtenue par le ratio des intensités de

A des pH acides, l’émission à 585 nm sera plus forte, tandis qu’à des pH basiques c’est l’intensité de fluorescence à 640 nm qui sera plus forte.

Figure 49| Spectre d'émission de la sonde fluorescente SNARF-1 en fonction du pH du milieu. La sonde est excitée à 543 nm et émet à environ 585 et 640 nm.

En amont des mesures, une calibration doit être réalisée dans le même milieu que celui où seront effectuées les mesures de pH. Pour les mesures de pH extracellulaires chez les coraux, la calibration est réalisée dans de l’eau de mer ajustée à différents pH. Pour la calibration intracellulaire, une solution dont la composition ionique est similaire à celle des cellules est préparée. Les cellules fraîchement isolées sont incubées dans cette solution ajustée à différents pH et complémentée avec un ionophore, la nigéricine, qui va créer un antiport potassium/proton au niveau des membranes cellulaires afin d’équilibrer le pH de la solution avec le pH intérieur de la cellule, tout en maintenant l’intégrité du cytosol.

Le ratio d’intensité de fluorescence à 585 et 640 nm (R) est relié au pH du milieu par l’équation suivante :

𝑝𝐻 = 𝑝𝐾𝑎 − log [𝑅−𝑅𝐵

𝑅𝐴−𝑅 𝑥 𝐹𝐵λ2

Figure 50| Exemple de courbe de calibration du pH réalisée avec la sonde SNARF-1 dans une eau de mer tamponnée. D’après Venn et al. (2011).