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Résultats de l’essai clinique évaluant l’efficacité potentielle du thé vert comme intervention de

Chapitre 5. Article : Human Epididymis Protein 4 (HE4) and Ovarian Cancer Prognosis

5.6. Financial Support and Acknowledgments

6.1.2. Résultats de l’essai clinique évaluant l’efficacité potentielle du thé vert comme intervention de

l’ovaire de stade avancé

Afin de tenter de déterminer les effets cliniques du thé vert sur le carcinome de l’ovaire, nous avons réalisé un essai clinique de phase II à deux étapes pour évaluer l’efficacité potentielle d’un thé vert concentré en catéchines, le DBGT, comme traitement de maintien chez les femmes atteintes de carcinome de l’ovaire de stade avancé. Il s’agit de la première étude du genre dans la littérature. Selon le design de cet essai clinique (Simon 1989), si après un suivi de 18 mois plus de sept femmes sur 16 n’avaient pas récidivé, l’essai clinique aurait été poursuivi par une deuxième étape pour recruter un total de 46 participantes. Si ces conditions n’étaient pas remplies, l’essai clinique devait prendre fin. Après la première étape, seulement cinq femmes n’avaient pas récidivé. De ce fait, le DBGT n’est pas considéré comme une thérapie de maintien prometteuse dans le carcinome de l’ovaire de stade avancé. Ces résultats soulèvent certaines interrogations qui pourraient être mises à profit lors de la planification d’une nouvelle étude clinique.

6.1.2.1. Population

Les critères d’inclusion de notre essai clinique impliquaient principalement des restrictions sur le statut de réponse et sur le stade du cancer des participantes potentielles. Nous avons ainsi ciblé une population de femmes avec un carcinome de l’ovaire de stade avancé en réponse complète après un traitement de première ligne incluant une chirurgie cytoréductive et une chimiothérapie à base de platine et de taxane. Plusieurs éléments sous-tendent le choix de cette population. Premièrement, la majorité (plus de 70%) des femmes atteintes d’un cancer de l’ovaire ont une maladie de stade III ou IV (Guarneri, Piacentini et al. 2010). Deuxièmement, ces femmes sont celles qui sont le plus à risque de récidiver ou de progresser et leur pronostic est réservé (Heintz, Odicino et al. 2006; Oza, Castonguay et al. 2011). Les femmes atteintes d’un carcinome de l’ovaire de stade avancé forment donc un groupe dont la signification clinique est importante. Troisièmement, les femmes en réponse complète ne recevant plus de chimiothérapie, nous pouvions éviter de donner le thé vert concomitamment à la chimiothérapie afin de prévenir les interactions néfastes possibles (Chan, Soprano et al. 2006; Yunos, Beale et al. 2011). Quatrièmement, les effets secondaires possibles du thé vert, le plus souvent de grade 1 selon la littérature (Pisters, Newman et al. 2001; Laurie, Miller et al. 2005), auraient fort probablement été camouflés par les effets secondaires plus importants associés à la chimiothérapie.

Ces critères d’inclusion ont été déterminés pour améliorer l’impact potentiel de l’essai clinique en s’assurant d’avoir une population cliniquement pertinente et homogène. Toutefois, nous avons utilisé une étude observationnelle conduite par l’équipe de Zhang comme principale référence (Zhang, Lee et al. 2004). Cette étude inclut des femmes atteintes de cancer de l’ovaire de tous stades. Dans cet article, Zhang et al ont testé l’association entre le thé vert et la survie en fonction du stade FIGO et n’ont pas trouvé que l’effet du thé vert différait selon les stades FIGO. La littérature actuelle ne permet donc pas de confirmer ou d’infirmer que l’effet du thé vert est plus important selon le stade. La durée de consommation du thé vert est aussi une différence majeure entre la population étudiée par l’équipe de Zhang et la nôtre, les femmes chinoises ayant tendance à consommer beaucoup de thé vert et à cesser cette consommation au moment du diagnostic de carcinome de l’ovaire (Zhang, Lee et al. 2004). Les femmes de notre étude ne consommaient que peu de thé vert au moment du diagnostic. Toutes ces différences s’ajoutent à un design méthodologique très différent, l’étude de Zhang et al étant une étude d’observation basée sur des entrevues, alors que notre essai clinique était une étude expérimentale dans laquelle l’apport en thé était contrôlé et de durée relativement courte (18 mois versus habitude culturelle). Les différences entre les deux populations à l’étude et entre les deux designs méthodologiques pourraient expliquer les divergences de résultats.

6.1.2.2. Événement d’intérêt et design méthodologique

Notre événement d’intérêt était l’absence de récidive après 18 mois de suivi. Dans notre cohorte historique, 40% des femmes n’avaient pas récidivé après 18 mois de suivi. Dans la littérature, 30% des femmes n’ont pas récidivé après 18 à 24 mois de suivi (Gadducci, Cosio et al. 2005). Selon l’étude de Zhang et al (Zhang, Lee et al. 2004), nous anticipions une diminution du risque de récidive de 50%, situation dans laquelle 60% des femmes seraient sans récidive après 18 mois de suivi (1-β = 80%, α = 5%). Bien que possiblement trop optimiste pour le type d’intervention, nous avions comme objectif de détecter une différence cliniquement significative.

6.1.2.3. Doses et schéma posologique

Les études in vitro suggèrent que les éléments actifs du thé vert sont les catéchines, la plus étudiée étant l’EGCG (Trudel, Labbé et al. 2012). Chez l’humain, les études de phase I suggèrent que les effets secondaires du thé vert sont surtout reliés à la caféine (Pisters, Newman et al. 2001; Laurie, Miller et al. 2005). Nous avons donc choisi d’utiliser le DBGT, un thé dont la concentration de catéchines est élevée, pour fournir aux femmes enrôlées dans l’étude une dose maximale d’EGCG pour une dose minimale de caféine (Bazinet, Labbe et al. 2007). La dose sélectionnée (639,6 ± 95,7 mg/L d’EGCG par bouteille de DBGT) est tout juste inférieure aux doses maximales tolérées quotidiennes qui sont de 2,5 à 3 g/m2 (Pisters, Newman et al. 2001;

Laurie, Miller et al. 2005), qui incluaient une dose quotidienne d’EGCG approximative de 650 mg. Le contenu en autres catéchines du DBGT est dépendant de la quantité d’EGCG.

Nous savons aussi que l’EGCG consommée par voie orale est mieux absorbée à jeun (Chow, Hakim et al. 2005). De même, bien qu’observationnelles, les études de Zhang et al (Zhang, Binns et al. 2002; Zhang, Lee et al. 2004) suggèrent qu’une seule prise de thé vert par jour est efficace. Comme nous avions prévu utiliser le thé vert sous une forme liquide, il faut aussi se rappeler que la quantité d’eau absorbée pourrait aussi amener une nycturie selon l’heure de consommation de DBGT. Le DBGT contient aussi l’équivalent d’une tasse de café en caféine. Pour toutes ces raisons, nous avons voulu éviter une dose en post-prandial immédiat, de même que des doses se rapprochant de l’heure du coucher pour assurer la plus grande absorption possible et la plus grande tolérabilité. Nous avons donc adopté un schéma posologique qui consistait en 1 bouteille de 500 mL quotidiennement à jeun depuis 3 heures, le matin.

En résumé, nous n’avons pas pu nous fier sur des essais réalisés en cancérologie pour établir les doses et le schéma posologique utilisé. Il se peut donc que la dose et le schéma posologique préconisés aient été suboptimaux, quoique les doses d’EGCG administrées via le DBGT aient été près des doses maximales recommandées.

6.1.2.4. Moment d’administration par rapport au traitement du carcinome de l’ovaire

Notre essai clinique n’a pas démontré que le DBGT était une intervention prometteuse comme traitement de maintien chez les femmes avec carcinome de l’ovaire de stade avancé. Cette absence de résultat peut être secondaire à l’inefficacité du thé, mais aussi au moment choisi pour administrer le DBGT.

Les études observationnelles suggèrent surtout un effet du thé vert sur la prévention du carcinome de l’ovaire (Zhang, Binns et al. 2002; Nagle, Olsen et al. 2010; Butler and Wu 2011; Lee, Su et al. 2013). La réalisation d’un essai clinique préventif demande une population à risque élevé de carcinome de l’ovaire et un suivi à long terme. Une population à risque élevé existe, soit les femmes porteuses d’une mutation des BRCA1 ou BRCA2, pour lesquelles le risque à vie de développer un carcinome de l’ovaire est respectivement d’environ 40% et 20% (Kwon, Tinker et al. 2013). Toutefois, aucune donnée historique n’étant disponible dans notre établissement et un suivi à long terme étant difficile à conjuguer avec la réalisation d’un essai clinique dans le cadre d’un doctorat, cette avenue a été abandonnée.

Par ailleurs, les résultats des études in vitro, in vivo et les résultats d’une étude épidémiologique (Trudel, Labbé et al. 2012) suggèrent que le thé vert pourrait être efficace pour améliorer le pronostic du carcinome de l’ovaire. Nous avons choisi d’étudier une population de femmes en réponse complète suite à leur traitement de première ligne (voir 6.1.2.1) pour des raisons principalement éthiques et logistiques, sans s’appuyer sur des données de la littérature. Il est possible que la consommation de thé vert soit associée à des résultats différents de ceux observés dans notre essai clinique si elle est testée dans d’autres contextes thérapeutiques

que celui de la thérapie de maintien. Toutefois, des études pilotes sont nécessaires pour s’assurer de ne pas nuire aux femmes qui seraient enrôlées dans un tel essai clinique, notamment sur les interactions entre le thé vert et les agents chimiothérapeutiques (Chan, Soprano et al. 2006; Yunos, Beale et al. 2011).

6.1.2.5. Intention de traiter

Cette étude a été planifiée en utilisant le principe de l’intention de traiter pour évaluer de façon non-biaisée l’efficacité de l’intervention comparativement à ce qui serait observé dans une utilisation routinière de ce traitement (Montori and Guyatt 2001). Plus du tiers des femmes enrôlées ont cessé de consommer le DBGT avant la fin de leur suivi ou avant la récidive, ce qui diminue fort possiblement l’efficacité observée du DBGT. Puisque nous avons mené un essai clinique de phase II sans bras placebo, il est difficile d’émettre des conclusions sur les raisons qui sous-tendent ce fort taux d’abandon. Toutefois, toutes les femmes qui ont cessé leur consommation l’ont fait à cause d’effets secondaires. Il est à noter que nous n’avons pas suffisamment de puissance statistique pour pouvoir examiner l’effet du DBGT seulement chez les femmes ayant poursuivi leur consommation tout au long de l’essai clinique.

6.1.2.6. Toxicité

Plus des trois quarts des femmes enrôlées ont rapporté des effets secondaires, tous étant de grade 1 selon le

National Cancer Institute Common Terminology Criteria for Adverse Events (CTCAE) version 3.0. La plupart

étaient de nature gastro-intestinale. Ces observations mènent à plusieurs réflexions. Premièrement, le DBGT peut être considéré comme une intervention sécuritaire. Deuxièmement, la littérature rapporte que la plupart des effets secondaires dus au thé vert sont liés à la forte consommation de caféine (Pisters, Newman et al. 2001). La quantité de DBGT offerte aux femmes enrôlées, soit 500 mL, contient l’équivalent d’une tasse de café en caféine. Le schéma posologique préconisé, selon lequel les femmes devaient boire le DBGT le matin, diminuait à notre avis les chances de souffrir des effets stimulants de la caféine, en particulier de l’insomnie. L’absence de groupe placebo nous empêche toutefois de déterminer si les effets secondaires observés sont attribuables au DBGT. Troisièmement, toutes les femmes enrôlées ont subi de la chimiothérapie hautement toxique avant de débuter la consommation du DBGT. Il se peut que le goût du DBGT et la tolérance des femmes par rapport à cette intervention ait été modifiés par ce traitement. De même, bien qu’aucune observation scientifique ne permette de telles conclusions, le fort taux d’abandon pour des effets secondaires de grade 1 nous amène à penser que les bénéfices perçus du thé vert n’étaient pas suffisamment grands pour justifier une consommation à long terme du DBGT.

6.1.2.7. Réponses apportées

L’essai clinique que nous avons mené l’a été en suivant de hauts standards méthodologiques. Nous avons utilisé au maximum les données précliniques et les données issues des études observationnelles pour bâtir

cet essai, bien que certaines de ces données soient encore préliminaires. De plus, il s’agit d’une première expérimentation menée chez l’humain mesurant l’effet du thé vert pour améliorer le pronostic du carcinome de l’ovaire. Nous avons effectivement pu réaliser notre objectif principal, qui était d’évaluer l’effet d’un thé vert concentré en catéchines, le DBGT, comme traitement de maintien chez les femmes atteintes de carcinome de l’ovaire de stade avancé. Bien que le DBGT ne soit pas un traitement prometteur, nous avons montré que le DBGT n’était pas toxique. Le DBGT pourrait donc être testé dans d’autres contextes, qu’ils soient en lien avec le carcinome de l’ovaire ou non.