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Chapitre 1. Introduction

1.2. Carcinome de l’ovaire

1.2.4. Classification moléculaire

Les caractéristiques moléculaires des carcinomes de l’ovaire sont aussi à l’origine d’une classification qui complète les classifications traditionnelles (particulièrement l’histologie) et qui améliore grandement notre compréhension des carcinomes de l’ovaire (Kurman and Shih Ie 2008).

Il y a quelques années, on considérait que les carcinomes de l’ovaire étaient des tumeurs indépendantes des tumeurs de faible malignité (Kurman and Shih Ie 2008). Selon ce paradigme, les carcinomes étaient d’emblée agressifs et les tumeurs de faible malignité n’évoluaient pas vers des formes plus invasives (Kurman and Shih Ie 2008). Depuis le début des années 2000, la communauté scientifique remet en question ce modèle. Le groupe de Kurman propose une classification en deux groupes, les tumeurs de type I et les tumeurs de type II (Kurman and Shih Ie 2008). Alors que les tumeurs de type II seraient d’emblée agressives et correspondraient toujours à l’ancien paradigme, les tumeurs de type I seraient indolentes et évolueraient à partir des tumeurs de faible malignité (Kurman and Shih Ie 2008). De façon intéressante, ce modèle se superpose aux différents types histologiques et grades déjà identifiés sans les modifier. Ainsi, les carcinomes séreux de grade élevé

(grades 2 et 3 selon Silverberg (Silverberg 2000) et grades élevés selon Malpica (Malpica, Deavers et al. 2004)), les tumeurs mixtes malignes müllériennes et les carcinomes indifférenciés composeraient le groupe des tumeurs de type II (Kurman and Shih Ie 2008). Les carcinomes séreux micropapillaires de bas gradea, les

carcinomes endométrioïdes et mucineux formeraient le groupe des tumeurs de type I (Kurman and Shih Ie 2008). Il est à noter que ce regroupement n’inclut pas toutes les entités de la classification de l’Organisation Mondiale de la Santé (Tableau 1–1) (Tavassoli 2003). Par ailleurs, certains trouvent réductrice l’idée de classer des tumeurs histologiquement différentes en seulement deux classes (Prat 2012).

1.2.4.1. Carcinomes de type I

Les carcinomes de type I sont des tumeurs génétiquement stables, caractérisées surtout par de la prolifération cellulaire (Kurman and Shih Ie 2008). Les carcinomes séreux micropapillaires de bas grade, l’archétype des carcinomes de type I, présentent dans les deux tiers des cas des mutations mutuellement exclusives des gènes BRAF, KRAS et ERBB2. Toutefois, les carcinomes de type I ne présentent que très rarement des mutations du gène TP53 (Kurman and Shih Ie 2008; Gilks and Prat 2009; Prat 2012).

Les mutations des gènes KRAS et BRAF activent les protéines encodées par ces gènes, ras et braf, toutes deux incluses notamment dans la voie des protéines kinases activées par les mitogènes (mitogen activated

protein kinase, MAPK) (Vakiani and Solit 2011; Santarpia, Lippman et al. 2012). Il en résulte une activation

constitutive de la voie de signalisation des MAPK, ce qui promeut le cycle cellulaire et la survie de la cellule (Figure 1–5) (Kurman and Shih Ie 2008; Vakiani and Solit 2011). Pour sa part, le gène ERBB2 (HER2) encode pour un récepteur tyrosine-kinase qui peut initier la voie des MAPK. Les mutations du ERBB2 présentes dans les carcinomes ovariens de type I mènent aussi à l’activation constitutive de la voie MAPK (Kurman and Shih Ie 2008; Allred 2010).

a Il est à noter que le carcinome séreux micropapillaire de bas grade est un type particulier de carcinome séreux de bas

grade pour lequel la description des critères diagnostiques dépasse le cadre de la présente discussion (Burks, R. T., M. E. Sherman, et al. (1996). "Micropapillary Serous Carcinoma of the Ovary. A Distinctive Low-Grade Carcinoma Related to Serous Borderline Tumors." Am J Surg Pathol 20(11): 1319-1330.)

1.2.4.2. Carcinomes de type II

À l’opposé des carcinomes de type I, jusqu’à 80% des carcinomes séreux de grade élevé (type II) présentent de l’instabilité chromosomique et des mutations du gène TP53 (Kurman and Shih Ie 2008; Gilks and Prat 2009). Ces mutations du gène TP53 seraient aussi identifiées dans les autres carcinomes de type II et dans un peu plus du tiers des carcinomes séreux de grade élevé localisés (Kurman and Shih Ie 2008). Le rôle traditionnel de la p53 est d’arrêter le cycle cellulaire en fin de phase G1 en cas de dommage cellulaire et

d’induire l’apoptose ou la sénescence si ce dommage s’avère irréparable (Vousden and Lane 2007). Ces fonctions sont généralement perdues si le gène TP53 est muté (Vousden and Lane 2007). Les conséquences des mutations du gène TP53 sont toutefois plus complexes puisque les protéines p53 mutantes ont aussi des fonctions oncogéniques qui, entre autres, augmentent l’instabilité génomique (Muller and Vousden 2013).

Physiologiquement, la voie des MAPK est activée temporairement lorsque des récepteurs tyrosine-kinase (RTK) se dimérisent. Les RTK phosphorylent alors temporairement la protéine ras, ce qui mènera à l’activation de la protéine braf pour poursuivre la cascade de signalisation jusqu’au noyau. L’effet de l’activation de la voie des MAPK est de promouvoir le cycle cellulaire et la survie de la cellule. Chacune des mutations identifiées dans les carcinomes de type I mène à l’activation constitutive de la voie des MAPK (Vakiani and Solit 2011; Santarpia, Lippman et al. 2012).

Figure tirée de (Vakiani and Solit 2011) et reproduite avec permission. Copyright © 2010 Pathological Society of Great Britain and Ireland. Publié par John Wiley & Sons, Ltd.

Quoique le spectre des mutations de la protéine p53 mutée soit vaste et que les modifications de fonction associées à ces mutations dépendent du contexte cellulaire, on peut retenir que de façon générale, les mutations du TP53 sont associées à l’instabilité génomique (Hall and McCluggage 2006; Muller and Vousden 2013)

Les carcinomes ovariens de type II présentent aussi plus souvent des altérations de gènes associés à la réparation par recombinaison homologue, tels les BRCA1 et BRCA2, que les tumeurs de type I (Berns and Bowtell 2012). Les mutations (germinales ou somatiques) de BRCA1 et de BRCA2 ne seraient toutefois retrouvées que dans approximativement 25% des carcinomes séreux de grade élevé, bien qu’environ la moitié des carcinomes séreux de grade élevé présenteraient des altérations de la voie de réparation de l’ADN par recombinaison homologue (Cancer Genome Atlas Research 2011).

1.2.4.2.1. Origine des carcinomes séreux de grade élevé

L’identification de la cellule à l’origine des carcinomes séreux de grade élevé est au centre de beaucoup de travaux, mais aussi de controverse. En effet, aucune des théories émises à ce jour (principalement, origine des cellules de la surface ovarienne versus origine de l’épithélium des trompes de Fallope) n’est entièrement satisfaisante (Kurman and Shih Ie 2010). Bien qu’étant un sujet essentiel dans la recherche sur le carcinome de l’ovaire en général, la discussion autour de ce sujet dépasse le cadre de cet ouvrage.

1.2.4.3. Carcinomes à cellules claires

La classification des carcinomes à cellules claires dans un des deux types tumoraux tels que proposés par Kurman est plus difficile (Kurman and Shih Ie 2008; Gilks and Prat 2009). Ces tumeurs ont en effet un comportement de tumeur de grade élevé (comme les carcinomes de type II) alors qu’elles sont génétiquement plus stables (comme les carcinomes de type I). On observe dans ces carcinomes une faible fréquence de mutation des KRAS, BRAF et TP53 (Kurman and Shih Ie 2008). Une des altérations typiques des carcinomes à cellules claires est la surexpression du facteur de transcription nucléaire hépatocytaire 1β (hepatocyte

nuclear factor 1β, HNF-1β), impliqué dans la glycogenèse et dans la régulation de plusieurs gènes associés

au carcinome à cellules claires tels l’annexine 4 et l’ostéopontine (Prat 2012).