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Chapitre 5. Article : Human Epididymis Protein 4 (HE4) and Ovarian Cancer Prognosis

6.2. MMP14 et le pronostic du carcinome de l’ovaire

L’essai clinique mené pour tester l’effet du thé vert chez les femmes atteintes de carcinome de l’ovaire n’avait pas pour objectif d’évaluer les mécanismes d’action potentiels du thé vert. Par contre, la littérature suggère que les MMPs pourraient être des cibles du thé vert (Trudel, Labbé et al. 2012). Parmi les MMPs potentiellement impliquées dans la réponse au thé vert, on retrouve la MMP14 (Trudel, Labbé et al. 2012). Bien que jouant un rôle important dans l’activation de la MMP2 (Strongin, Collier et al. 1995; Strongin 2010), qui a été largement étudiée dans le carcinome de l’ovaire, peu de groupes ont évalué l’effet de la MMP14 dans le carcinome de l’ovaire (Kamat, Fletcher et al. 2006).

6.2.1. Associations entre la MMP14, les facteurs pronostiques du carcinome de

l’ovaire et la survie du carcinome de l’ovaire

Dans une cohorte de 160 femmes (stade III/IV : 72,2%, carcinomes séreux : 69,4%) traitées par chirurgie et chimiothérapie adjuvante, nous avons démontré que l’expression de la MMP14 était associée à des facteurs de meilleur pronostic (stade précoce, type histologique non-séreux et faibles niveaux de CA-125 préopératoires) dans le carcinome de l’ovaire. Dans la cohorte de 160 femmes ayant des cancers épithéliaux, cette protéine n’était pas un facteur pronostique indépendant. Cependant, chez les femmes atteintes d’un carcinome séreux, il y avait une association inverse entre les niveaux élevés d’expression de la MMP14 évaluée par analyse digitale et la progression/récidive. Cette association demeurait significative après prise en compte des facteurs pronostiques standards du carcinome de l’ovaire. Les résultats obtenus étaient similaires que l’expression de la MMP14 soit évaluée semi-quantitativement par des pathologistes ou par analyse d’image automatisée.

Après avoir mené des études préliminaires montrant que la faible expression de MMP14 était associée à un risque plus élevé de récidive du carcinome de l’ovaire (RR : 1,8; IC à 95% : 1,01-3,3) (Trudel, Popa et al. 2006), nous avons poursuivi l’étude de l’expression de la MMP14 par immunohistochimie en utilisant une cohorte différente. L’immunohistochimie est traditionnellement évaluée semi-quantitativement par un

pathologiste; cette méthode est par contre associée à une certaine variabilité inter et intra-observateur. Nous avons donc ajouté à notre étude un volet de comparaison de l’évaluation semi-quantitative usuelle à une évaluation informatisée. Dans cette étude, l’immunohistochimie a été réalisée manuellement à l’aide d’un anticorps polyclonal de lapin (1 :1000), incubé pendant une heure sans révélation d’antigène préalable.

Dans la littérature, deux études ayant pour objectif de déterminer l’association de la MMP14 avec le pronostic du carcinome de l’ovaire par immunohistochimie sont disponibles (Kamat, Fletcher et al. 2006; Brun, Cortez et al. 2012). L’étude de Kamat et al inclut 90 femmes avec carcinome de l’ovaire traitées chirurgicalement et par chimiothérapie adjuvante, la plupart (80%) étant de stade avancé (Kamat, Fletcher et al. 2006). Soixante-sept pourcent des 90 femmes de la cohorte ont reçu un diagnostic de carcinome séreux. L’immunohistochimie a été réalisée à l’aide d’un automate (DAKO) après digestion à la ficine et une révélation d’antigène à pH élevé, en incubant les lames avec un anticorps polyclonal de lapin (1:275) pendant 90 minutes. Selon un score composite (combinaison du pourcentage de cellules positives et de l’intensité d’expression), les cellules épithéliales tumorales exprimaient la MMP14 de façon élevée (44,4%) ou modérée (55,5%). Cette étude présente un modèle multivarié dans lequel la survie spécifique au cancer de l’ovaire est prédite par le stade avancé, par l’expression de MMP9 par le stroma, par l’expression élevée de MMP14 par les cellules tumorales épithéliales et par l’expression stromale de MMP14. Le rapport de risque associé à l’expression de la MMP14 dans les cellules épithéliales tumorales était de 2,52 (expression élevée versus modérée, IC à 95% : 1,30- 4,88) (Kamat, Fletcher et al. 2006).

Soixante-neuf femmes ont été incluses dans l’étude de Brun et al, 38% d’entre elles ayant été traitées par chimiothérapie néoadjuvante (Brun, Cortez et al. 2012). Des 69 femmes, 91% ont été diagnostiquées avec un carcinome de l’ovaire de stade avancé et 58% ont reçu un diagnostic de carcinome séreux. L’immunohistochimie a été réalisée à l’aide d’un automate (Ventana) après révélation d’antigène (pH non spécifié) en incubant les lames avec un anticorps polyclonal de lapin (8µg/mL, durée non spécifiée). Le score Ha (Clark, Dabbs et al. 2013) moyen des cellules épithéliales tumorales était de 120 (écart-type : 67) pour la

MMP14. L’expression de la MMP14 n’était pas associée à la survie sans maladie à 2 ans (analyse bivariée, p = 0,37) (Brun, Cortez et al. 2012).

Dans notre étude, nous rapportons que l’expression de la MMP14 est associée à des facteurs de bon pronostic, résultats opposés à ceux présentés par Kamat et al (Kamat, Fletcher et al. 2006). Il est intéressant de souligner que nous avons obtenu un résultat similaire à celui que nous rapportons ici en utilisant un anticorps différent sur une cohorte différente dans une étude préliminaire présentée en 2006 au Congrès de

a Pourcentage de cellules positives multiplié par le score d’intensité, ce dernier variant entre 0 (absence) et 3 (fort). Le

l’Académie Internationale de Pathologie (Trudel, Popa et al. 2006). La différence de résultats obtenus par notre groupe par rapport à ceux obtenus par les groupes de Kamat et de Brun pourrait être expliquée en partie par des différences méthodologiques et en partie par la population étudiée. Bien que nous ayons utilisé le même type d’anticorps, soit un anticorps polyclonal de lapin, nous avons détecté seulement 65% de tumeurs positives alors que Kamat et al en ont détecté 100% (Kamat, Fletcher et al. 2006). Nous n’avons pas utilisé de méthode de révélation d’antigène alors que Karnat et al ont soumis leurs lames à une révélation par digestion enzymatique. Alors que la révélation d’antigène est encore une science empirique, il est reconnu que la digestion enzymatique peut mener à de faux positifs (Leong and Leong 2007). Par ailleurs, la méthodologie utilisée par Brun et al est décrite sommairement, mais le score H moyen obtenu (120 ± 67) laisse présager des résultats immunohistochimiques similaires à ceux obtenus par notre équipe. Par contre, la population étudiée par Brun et al est plus petite que la nôtre, avec moins d’événements et leur étude pourrait manquer de puissance statistique pour détecter une association (Brun, Cortez et al. 2012). Cette équipe mentionne aussi que l’expression de la MMP14 était plus élevée dans les tumeurs de femmes traitées par chimiothérapie adjuvante que dans les tumeurs de femmes traitées par chimiothérapie néoadjuvante (38% de leur cohorte) (Brun, Cortez et al. 2012). La cohorte étudiée par cette équipe est donc peu comparable à la nôtre.

Chez les femmes atteintes d’un carcinome séreux, en tenant compte des facteurs pronostiques standards du carcinome de l’ovaire, il y avait une association inverse entre les niveaux élevés d’expression de la MMP14 évaluée par analyse digitale et la progression/récidive. Cette association n’était pas significative lorsque toute la cohorte, qui inclut un groupe très hétérogène de femmes avec carcinomes non-séreux, était étudiée. Ces résultats sont compatibles avec les hypothèses considérant le carcinome séreux comme étant une maladie différente des autres carcinomes de l’ovaire (Bast, Hennessy et al. 2009; McCluggage 2011). Toutefois, selon ces hypothèses, les carcinomes séreux de grade élevé, avec les carcinomes indifférenciés et les tumeurs mixtes malignes müllériennes forment le groupe des carcinomes de type II (Kurman and Shih Ie 2008). Nous avons ici analysé un groupe de femmes avec des carcinomes séreux de tous grades. La distribution des femmes de notre cohorte ne nous permettait cependant pas d’effectuer des analyses sur le groupe de femmes ayant un carcinome de type II selon la classification de Kurman. Des études effectuées sur une cohorte plus grande permettraient de confirmer les résultats obtenus.

La MMP14 est une protéine transmembranaire (Sternlicht and Werb 2001). Nous nous attendions donc à un marquage membranaire similaire à celui observé pour le HER2/neu dans le carcinome mammaire (Hanna, O'Malley F et al. 2007). Brun et al ne décrivent pas le marquage obtenu pour MMP14 autrement que par le score H (Brun, Cortez et al. 2012), mais tout comme Kamat et al (Kamat, Fletcher et al. 2006), nous avons obtenu un marquage cytoplasmique. Bien que les protocoles immunohistochimiques soient différents, notre

groupe et Kamat et al avons utilisé des anticorps polyclonaux de lapin (Kamat, Fletcher et al. 2006). Le marquage cytoplasmique obtenu soulève ainsi des doutes sur la spécificité des anticorps utilisés. Les résultats que nous avons obtenus sont toutefois similaires à ceux obtenus dans une étude préliminaire menée sur une cohorte différente avec un anticorps différent (Trudel, Popa et al. 2006).

Nous avons donc associé l’expression de la MMP14 à des facteurs de bon pronostic dans le carcinome de l’ovaire, soit un stade précoce, une histologie non séreuse et de faibles niveaux de CA-125 préopératoires, sans que la MMP14 soit un facteur pronostique indépendant dans la cohorte incluant tous les types de cancers épithéliaux. Chez les femmes avec un carcinome séreux, la MMP14 prédisait la progression/récidive.

6.2.2. Analyse virtuelle

Alors qu’il est pertinent de développer de nouvelles façons de préciser le pronostic des femmes atteintes de carcinome de l’ovaire afin de mieux orienter leur traitement, il est aussi primordial de s’assurer de la reproductibilité de l’évaluation des nouveaux biomarqueurs. Puisque des résultats divergents ont été obtenus par les différents groupes, l’effet de l’expression tissulaire de la MMP14 sur le pronostic du carcinome de l’ovaire doit d’abord être confirmé par des études subséquentes. Il est toutefois évident que les méthodes de détection utilisées doivent être le plus fiables possibles. Plusieurs étapes d’une réaction immunohistochimique – pré-analytique, analytique et post-analytique – doivent être standardisées pour s’assurer de la qualité d’un test (Taylor and Levenson 2006). Les variables pré-analytiques comme la fixation et le temps d’ischémie froide ne font que commencer à être standardisées dans les hôpitaux et laboratoires de pathologie. Leur impact sur les résultats finaux est aussi peu documenté (Taylor and Levenson 2006; True 2008). Bien que le principe de l’immunohistochimie implique une amplification du signal qui est non linéaire et qui complique la quantification des résultats obtenus (Taylor and Levenson 2006), l’analyse virtuelle permet d’obtenir des résultats qui sont quantitatifs et invariables dans le temps. La validation de l’analyse virtuelle nous donne la possibilité de raffiner au moins un aspect de l’évaluation de l’expression d’une protéine par immunohistochimie. Nous avons donc comparé l’analyse semi-quantitative standard de l’expression de la MMP14 à l’analyse virtuelle de cette même protéine.

En utilisant un logiciel disponible commercialement, nous avons pu évaluer l’expression de la MMP14 dans le carcinome de l’ovaire. Les résultats obtenus étaient similaires à la fois en comparant les échelles, les résultats des analyses d’association entre les différents facteurs pronostiques du carcinome de l’ovaire et les résultats d’analyse de survie. De façon intéressante, les résultats étaient comparables malgré la grande hétérogénéité morphologique identifiable dans les types et sous-types de carcinome de l’ovaire. De plus, nous avons observé que la distribution de l’expression de la MMP14 était asymétrique, peu de cas se retrouvant dans les

niveaux d’expression élevée. Cette asymétrie a été identifiée à la fois par l’évaluation semi-quantitative standard et par l’évaluation virtuelle. Par contre, l’aire tumorale positive évaluée virtuellement était généralement inférieure au pourcentage de cellules positives évalué semi-quantitativement. Il est important de connaître cet aspect de l’analyse virtuelle puisqu’il affectera notre façon de comparer une étude dont les résultats sont obtenus semi-quantitativement à une étude dont les résultats ont été obtenus par analyse digitale automatisée. Par ailleurs, nos résultats montrent que l’analyse virtuelle peut être utilisée pour quantifier l’expression de la MMP14.

6.3. Identification de biomarqueurs à caractère protéolytique