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Chapitre 5. Les ressources en mobilité et leurs facteurs d’usage

5.1. Etude 1 : Les ressources et les facteurs de conversion en déplacement extérieur

5.1.4. Résultats et discussion

Pour faciliter la compréhension des résultats obtenus, cette section a été découpée en deux parties. La première partie porte sur les ressources, leur caractérisation et leur importance dans l’activité de mobilité. La seconde partie présente les facteurs de conversion et leurs caractéristiques.

5.1.4.1. Les ressources

Les résultats montrent que les principales ressources mentionnées par les participants à l’étude sont des ressources externes telles que les repères, la signalisation, le GPS, ou internet (Cf. Figure 5). Néanmoins, les ressources internes, c'est-à-dire, ici, les connaissances impliquées dans les représentations mentales apparaissent 21 fois dans la retranscription et représentent 26% de l’ensemble des ressources citées. Ces ressources internes sont :

• la connaissance des directions ou des distances, par exemple l’homme de 64 ans dit :

« J’avais pris la rue Feydeau comme repère, donc, c’est cent mètres après… Et c’est… Pas les premières maisons, mais… ». La personne est en mesure de donner une distance approximative en se basant sur ses connaissances.

la planification, par exemple, l’homme de 66 ans explique que « De toute façon, on

fait toujours une planification, hein ? Inconsciemment, hein ? Moi, quand je vais à un endroit, déjà, je vais aller jusqu’à ma voiture… ». Il utilise donc une représentation mentale et s’imagine le trajet.

• la connaissance du temps à parcourir pour faire une distance, par exemple, la femme

de 70 ans, annonce : « Si on va à Limoges, on sait qu’il nous faut une heure et demie de route, après, il y aura un peu plus… ». La personne, par expérience, est capable de définir le temps nécessaire pour parcourir une distance.

En ce qui concerne les ressources externes, nous avons répertorié 61 unités qui se répartissent dans 6 catégories, par ordre décroissant, de la façon suivante : les repères et la signalisation (22 unités chacune, soit 36%) ; les cartes et le GPS (6 unités chacune, soit 10%) ; Internet (3 unités, soit 5%) et enfin les aides humaines (2 unités, soit, 3%). L’ensemble de ces ressources participent également à la construction d’une représentation cognitive de l’espace.

Parmi les ressources externes, il n’est pas surprenant de retrouver en première place les repères et la signalisation, car ils occupent un rôle crucial dans l’élaboration d’itinéraires,

100 comme cela a été souligné dans la revue de la littérature (Cf. §1.2.). L’homme de 64 ans explique que les repères facilitent l’identification des lieux où il y a par exemple des actions à faire comme « tourner à droite ». Après avoir donné la direction à prendre, il dit : « Au collège, c’est facile, le point de repère, hein ? Parce que là, on voit. Il y a la cour, euh… Y a les bâtiments, on… On ne peut pas le rater, hein ? »

Les ressources telles que les cartes, les plans et les GPS viennent en renfort des repères et de la signalisation. Par exemple, la préparation du voyage avec des cartes est un support que la personne construit avant de partir en déplacement. Ensuite, en mobilité la signalétique vient compléter la préparation du trajet. L’homme de 64 ans explique par exemple qu’il n’a pas de GPS quand il se déplace mais qu’il prépare avant son voyage à l’aide de cartes. Plus généralement, il indique qu’il utilise la signalétique en mobilité notamment pour se repérer. A contrario, l’homme de 66 ans dit qu’il suit le GPS et explique que pour l’utiliser cela nécessite des ressources supplémentaires telles que savoir lire une carte et savoir le programmer. Autrement dit, comme cela a été souligné dans la revue de la littérature les personnes s’appuient sur un système de ressources et non une seule ressource.

Enfin, les dernières ressources externes mises en évidence lors de cet atelier de travail sont récupérées sur internet et auprès des personnes qui fournissent des informations en temps réel. La femme de 72 ans annonce que son mari utilise le GPS et qu’ils lui font confiance. Cependant, elle précise qu’au préalable son mari repère le trajet sur Internet. Enfin l’homme de 65 ans indique que c’est sa femme qui l’aide pour s’orienter. Il dit : « Heu… A partir de là, bon, euh… je n’ai pas de difficulté pour me diriger, vu que j’ai mon GPS à côté de moi en général, c’est-à-dire ma femme… ».

101 Figure 5 – Les ressources en mobilité extérieure

Cette première analyse montre que les ressources sont primordiales pour la réussite de l’activité. Ce sont des éléments fondamentaux et constructifs à partir desquels les individus déploient leur mobilité. Les ressources internes et externes permettent aux personnes de construire une carte mentale et de l’utiliser pour se repérer et s’orienter. Les ressources participent à l’accessibilité parce que si elles étaient absentes l’activité ne pourrait pas se faire.

5.1.4.2. Les facteurs de conversion

Les ressources sont indispensables pour pouvoir se déplacer, néanmoins il apparaît que leur usage puisse être altéré par certains facteurs, tels que les facteurs de conversion. Les résultats de notre étude permettent d’avoir un aperçu des formes possibles que peuvent prendre les facteurs de conversion, qui facilitent ou entravent l’utilisation des ressources externes et internes. Ainsi, sur les 25 unités répertoriées, les catégories identifiées sont relatives, à des caractéristiques environnementales :

• L’état du trafic, ou le flux – ce sont par exemple des véhicules qui obstruent le

passage et qui peuvent empêcher les personnes d’avoir un accès visuel aux ressources comme par exemple la signalétique ou une entrée de parking. L’homme de 65 ans explique, par exemple : « Ben, je… Ça doit être difficile, parce qu’où est placée l’entrée du parking ? De la rue, on la voit pas, vu qu’en plus, il y a le camion qui vient en face et qui masque, euh… ».

• L’organisation spatiale – Elle peut empêcher ou faciliter l’accès à des endroits. Par

exemple, les barrières physiques constituent parfois un obstacle qui oblige les

0% 5% 10% 15% 20% 25% 30%

102 personnes à faire des efforts supplémentaires. Par exemple, l’homme de 65 ans dit : « Et alors, bon, euh… comme à Paris on tombe sur des grandes artères, qu’il y a le terre-plein central, eh bien, on fait quelques kilomètres avant de trouver une rue pour pouvoir revenir ». Inversement, l’organisation spatiale peut faciliter les déplacements, quand par exemple les villes disposent de routes larges et suffisamment nombreuses pour fluidifier les arrivées massives de voitures.

• Le mode de déplacement – i.e. à pied, à vélo, en voiture ou en transport en

commun. Selon le mode, les accès sont différents, la vitesse de déplacement modifie le rapport à l’environnement, la sollicitation des ressources attentionnelles diffère selon la place occupée (i.e. conducteur ou passager), et la capacité à exécuter plusieurs tâches en simultanée est aussi différente etc. Par exemple, la femme de 70 ans explique qu’elle a plus de difficultés en voiture qu’à pied. L’homme de 64 ans indique que le rapport à l’espace est transformé : « Non, on ne la voit pas. Ce n’est pas significatif. Euh… Ce n’est pas un repère, l’école, hein ? Si vous passez à pied, euh… peut-être, en voiture, vous ne voyez pas l’école »

• Les travaux – Ils transforment temporairement ou durablement l’espace et donc

influent aussi sur la possibilité d’utiliser certaines ressources (ex. : des chemins bloqués temporairement, ou devenus à sens unique). L’homme de 65 ans annonce la chose suivante : « Jusqu’alors, je n’ai pas de problème de circulation à part dans les grandes villes, ça… Disons, quand je remonte à Paris, les rues que j’ai l’habitude de prendre, je les trouve en sens interdit, euh… ».

• L’utilisabilité de l’information – c’est par exemple la lisibilité liée à une charte

graphique, l’emplacement des informations, l’actualisation des informations, le sens des informations véhiculé. L’utilisabilité des informations peut par exemple être limitée en raison d’un nombre trop important d’informations. L’homme de 65 ans annonce, par exemple, que : « Les panneaux de signalisation, il faut reconnaître que, maintenant, il y en a de plus en plus, et qui sont affichés vraiment les uns sous les autres, et le temps qu’on ait passé toute la liste à un endroit qu’on ne connaît pas, eh ben, c’est trop tard : on a passé la route ». Par contre, les informations constituent réellement une ressource lorsqu’elles sont bien lisibles, comme l’indique la femme de 72 ans.

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• L’utilisabilité des transports – il s’agit, par exemple de la desserte ou de la

fréquence de passage qui soit sont adaptées aux activités de mobilité des personnes, soit ne conviennent pas. La femme de 63 ans énonce la difficulté suivante : « Quand c’est avec son véhicule, c’est plus facile, parce qu’on prend son véhicule, voilà… On prévoit le temps… Après, quand c’est les trains, on est tributaire de l’horaire… ».

Les facteurs de conversion identifiés sont donc très divers. Lorsqu’ils sont positifs, ils facilitent l’utilisation des ressources (i.e. lisibilité et clarté de l’information), lorsqu’ils sont négatifs (Cf. exemples ci-dessus) ils entravent de manière plus ou moins importante leur utilisation. Ils peuvent être dynamiques (évoluer ou cours de la situation, comme par exemple l’état du trafic) ou statiques (ex. un sens interdit). Les facteurs de conversion sont propres à chaque personne, dans des situations singulières. Certains éléments peuvent donc être soit des ressources, soit des obstacles en fonction de facteurs de conversion qui évoluent selon les circonstances situationnelles et individuelles. Autrement dit, pour qu’un environnement soit accessible, c’est-à-dire qu’il permette aux personnes de se déplacer, il faut prendre en compte les ressources et l’ensemble des facteurs de conversion qui peuvent faciliter ou entraver leur utilisation. Ainsi, l’accessibilité, comme souligné dans le chapitre précédent, doit être multidimensionnelle. L’analyse des facteurs de conversion présents dans les situations de déplacements contribue à enrichir la définition de l’accessibilité dans le cadre de la mobilité.