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Chapitre 5. Les ressources en mobilité et leurs facteurs d’usage

5.2. Etude 2 : Les facteurs de conversion en déplacement intérieur

Cette seconde étude est basée sur une observation dont l’objectif était de recueillir des informations sur les facteurs qui facilitent ou entravent l’utilisation des ressources utiles pour les déplacements dans des complexes bâtis. Il s’agissait également d’une étude exploratoire dont l’intérêt était de permettre d’identifier et de caractériser certains facteurs de conversion qui peuvent être rencontrés au cours des déplacements en intérieur.

5.2.1. Procédure

Des observations dans un CHU de type hôpital bloc (c’est-à-dire qui comporte un seul bâtiment) de 14 niveaux ont été réalisées. Il y avait 9 étages, un rez-de-chaussée et 2 sous-sols accessibles aux visiteurs. Nous avons réalisé 32,5 heures d’observations sur cinq jours au mois de janvier 2013.

Les observations ont été réalisées en journée entre 8h00 et 17h00 en mode dynamique, c’est-à-dire lorsque nous nous déplacions dans le CHU, et en mode statique à des endroits stratégiques (ex. : le hall d’accueil, une salle d’attente, au point de décision des ascenseurs). Les endroits stratégiques ont été sélectionnés à partir de l’identification, dans la revue de littérature, des endroits qualifiés de difficiles ou problématiques. Le choix des emplacements a été discuté et validé par le personnel hospitalier. Les observations étaient ouvertes et visaient le recueil de faits et d’événements visibles relatifs à la mobilité. Ces observations ont été recueillies en mode papier et crayon. Aucune grille d’observation n’a été utilisée. Tout ce qui semblait d’intérêt pour comprendre les déplacements des patients et des visiteurs a été noté. Elles ont porté sur les effets de l’organisation spatiale du CHU (ex. dispersion de service sur plusieurs étages, emplacement des ascenseurs), les contraintes temporelles, les contraintes physiques, les difficultés rencontrées et les comportements visibles (déplacements, postures, prises d’informations, actions sur les choses etc.) des visiteurs et patients vieillissants. Les observations recueillies ont été complétées par des échanges spontanés avec le personnel hospitalier. Il ne s’agissait pas d’entretiens formels ni prévus à l’avance. C’est pour cette raison qu’il n’y avait pas de grille d’entretien. Les échanges ont apporté des éléments de compréhension sur la circulation et l’orientation des patients et des visiteurs, et permis de confirmer (ou non) ou de préciser les observations.

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- Le service hématologie est sur deux étages. Au 8ème étage il y a l’hôpital de jour réservé aux

consultations. [Observation] et [Echange avec le personnel]

- D’après les soignants, les patients ne lisent pas les convocations ce qui explique qu’ils soient désorientés. [Echange avec le personnel]

- Les patients peuvent être convoqués à 8h00 mais le secrétariat n’ouvre qu’à 8h30. Sur cette tranche horaire les patients sont invités à se rendre à un autre secrétariat par le biais d’un affichage sur la porte. Cependant l’affichage est peu visible parce que sur cette porte de nombreux affichages sont présents. [Echange avec le personnel]

- La sortie est facile d’accès parce que les panneaux sont fréquents et orientent vers une seule direction. [Observation] et [Echange avec le personnel]

- A l’étage 6 sont localisés la fédération hépatique, le service des maladies infectieuses, le service de gastroentérologie, et le service hématologie. [Observation]

- Selon le personnel, au 8ème étage, il est plus facile de trouver son chemin parce que l’organisation spatiale des services n’est pas confuse. Alors qu’au 6ème étage les visiteurs ignorent dans quel service ils se trouvent. [Echange avec le personnel]

- Des personnes s’approchent des panneaux de direction pour lire et rechercher l’information. Parfois ils y associent une lecture de la convocation. [Observation]

- D’autres demandent leur chemin au personnel hospitalier. [Observation] et [Echange avec le personnel]

Tableau 2 – Un extrait des données recueillies au 6ème étage, service hématologie

5.2.2. Traitement et analyses des données

Une analyse thématique des notes prises lors des observations a été effectuée. Après (1) trois lectures complètes des retranscriptions, (2) une prise de connaissance de la revue de littérature sur le déplacement, et (3) des échanges avec le personnel hospitalier, les quatre catégories de codage suivantes ont été déterminées. Elles correspondaient aux facteurs de conversion qui facilitent ou entravent les déplacements des patients et des visiteurs dans l’hôpital :

• Organisation spatiale : porte sur la disposition des lieux, l’emplacement des locaux

(i.e. bureaux, secrétariat, chambres etc.), la taille de certains espaces, la répartition des locaux sur les différents étages, il s’agit d’un facteur de conversion.

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• Notion temporelle et effets sur les flux : concernent les aspects temporels qui

influent sur les flux de circulation (i.e. des patients, visiteurs, personnels soignants etc.) et donc sur le trajet d'une personne, il s’agit d’un facteur de conversion.

• L’utilisabilité des informations pour l'orientation : il s’agit des éléments tels que par

exemple la lisibilité ou la visibilité, et elle concerne les informations telles que la signalétique, les repères, ou les indications verbales fournies pour se déplacer.

• L’utilisabilité des réponses fournies par le personnel, pour l'orientation : concernent

les actions des hôtesses d'accueil soignant qui permettent aux patients et aux visiteurs d'atteindre leur destination.

Ensuite, nous avons classifié et dénombré les unités dans chaque catégorie. 170 unités ont été ainsi classées.

Dans un second temps, un second codage a été effectué sur l’ensemble des unités des quatre catégories identifiées. Ce codage a permis d’identifier à l’intérieur de chacune des quatre catégories les entraves à la mobilité (l’unité est qualifiée comme une entrave si elle constitue un frein ou un obstacle au déplacement) ; les facilitateurs à la mobilité (ce sont les unités qui traitent des aspects utiles à la mobilité des usagers) ; et les indéterminés (ce sont les unités qui ne répondent à aucun de ces critères, comme par exemple des commentaires du type Y est un établissement public, ou qui ne concerne pas directement les déplacements). Un exemple pour chacune des catégories identifiées est proposé ci-après :

• Organisation spatiale

o Entrave : Les patients ne peuvent pas se garer tout près. C’est réservé au

personnel (en bonne santé).

o Facilitateur : Les secrétariats sont très souvent des points de chutes pour

demander des informations, surtout s’ils sont près des ascenseurs et que la porte est ouverte ou vitrée.

o Indéterminé : La salle d’attente est un « Open Space »

• Notion temporelle et effets sur les flux

o Entrave : En fonction des heures d’arrivées des patients ce n’est pas les

mêmes parcours. Par exemple, si une personne arrive après 18h00 il faut qu’elle passe par l’entrée des urgences. Les personnes ne sont pas bien informées.

o Facilitateur : une navette gratuite passe toutes les 10 minutes, elle part du

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o Indéterminé : Aux heures de pointes la salle peut accueillir 87 à 100

personnes.

• L’utilisabilité des informations pour l'orientation

o Entrave : Les personnes s’approchent des panneaux pour lire les

informations qui ne sont pas visibles de loin.

o Facilitateur : Pour orienter les personnes le personnel de l’accueil utilise les

points de repères en plus de la signalétique (le point de la poste, le petit buste, les baies vitrées etc.).

o Indéterminé : Il n’y a pas grand monde qui regarde le tableau à l’entrée de

l’hôpital et qui indique où sont les médecins en fonction des étages et des services (point confirmé par des échanges spontanés avec le personnel).

• L’utilisabilité des réponses fournies par le personnel

o Entrave : Le personnel n’arrive pas toujours à bien orienter les personnes

qui ne parlent pas français.

o Facilitateur : A tous les étages le personnel est très sollicité pour donner des

indications sur les lieux de RDV ou les emplacements des chambres.

o Indéterminé : Le secrétariat peut appeler l’accueil pour savoir si les patients

sont arrivés.

Enfin, nous avons réalisé des analyses statistiques descriptives sur les unités ainsi codées. Dans un troisième temps, nous avons effectué un nouveau codage pour les unités de la catégorie « informations pour l’orientation ». L’objectif était de déterminer si les facteurs de conversion qui entravent et qui facilitent la mobilité avaient un lien avec le contenu (le sens) ou la forme (ex. le support, ou l’image) des informations fournies par l’environnement. Les unités portant sur le fond ont trait aux types d’informations qui sont données, c’est-à-dire à celles qui véhiculent un message de sens. Les unités de forme concernent la manière de transmettre le message, c’est-à-dire qui sont relatives aux emplacements des informations et aux supports (papier, panneaux etc.). Par ailleurs certains facteurs constituaient des facilitateur ou des entraves sur les deux aspects (i.e. sur la forme et le contenu). Ils ont été qualifiés d’hybride. Enfin, un codage de la catégorie « organisation spatiale » a été effectué afin de déterminer si les entraves ou les facilitateurs de cette catégorie touchaient soit la configuration de l’espace (i.e. la cohérence de l’espace), soit les aspects physiques (ex. : les barrières physiques comme la hauteur des marches), soit les deux aspects (i.e. hybride).

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5.2.3. Résultats et discussion

La figure 6 montre que, dans notre étude, l’environnement (i.e. TOTAL) en général constitue plus une entrave (53%) qu’un facilitateur (33%) à se déplacer. Autrement dit, dans l’environnement il y a des facteurs qui limiteraient l’usage de ressources (ex. le temps et les flux). Ce constat est toutefois à relativiser. En effet, l’observateur a souvent tendance à relever ce qui pose des difficultés dans l’activité. Toutefois, les résultats obtenus montrent que les entraves sont principalement liées à l’organisation spatiale, à l’utilisabilité des informations pour l’orientation, au temps et aux flux. Par exemple, en période de forte affluence, l’accueil ne sera pas visible, ou il y aura trop d’attente. Dans ce cas, il ne sera pas une ressource pour certains usagers. Au contraire, lorsque l’affluence est faible, l’accueil est visuellement et pratiquement accessible pour les usagers et il devient alors une ressource potentielle.

Figure 6 – Facteurs de conversion liés au déplacement à l’intérieur de l’hôpital

Pour comprendre les raisons qui font qu’un élément de l’environnement peut devenir une entrave ou un facilitateur, il est intéressant de les analyser plus précisément. Les résultats (Figure 7) révèlent que les entraves liées à l’organisation spatiale sont principalement dues à la configuration de l’espace. Autrement dit, les difficultés sont liées, par exemple, à la dispersion d’un même service sur un ou plusieurs étages. Les personnes vont alors poser des questions du type « Est-ce que je suis au bon endroit ? », « A quel étage sommes-nous ? ». La configuration de l’espace induit donc des difficultés. Les résultats démontrent aussi que l’aspect physique de l’environnement ne facilite pas les déplacements des personnes. En effet, le personnel a fait remarquer que les places de parking sont exigües, trop éloignées de l’entrée de l’hôpital, et l’accès aux poussettes et aux fauteuils roulants est limité dans certains secteurs.

109 Figure 7 – L’organisation spatiale

Les informations pour l’orientation (Figure 8) concernent les informations fournies par la signalétique, les plans, le parcours prescrit par la convocation etc. Le facteur de conversion « utilisabilité des informations pour l’orientation » qui influe sur les informations est relatif d’une part, au contenu, c’est-à-dire au message qu’elles véhiculent, et, d’autre part, à la forme, c’est-à-dire à la manière dont le message est proposé. Ici, les résultats montrent que l’usage des informations est plus entravé par la forme que par le contenu. La charte graphique, l’emplacement de la signalétique ou encore le large éventail de supports pour véhiculer l’information ne conviennent pas. D’après les communications relevées auprès du personnel, ces difficultés entraineraient pour les utilisateurs une surcharge informationnelle. Autrement dit, le fait de multiplier les ressources pour l’activité peut amener paradoxalement à créer de l’inaccessibilité.

Figure 8 – Utilisabilité des informations pour l’orientation

Si dans cette étude l’environnement est majoritairement perçu comme une entrave, c'est-à-dire pouvant présenter de l’inaccessibilité, il n’en reste pas moins un facilitateur non négligeable. En effet, lorsque les aides possèdent à la fois un contenu et une forme (Figure 6) pertinents et accessibles rapidement pour les usagers elles facilitent leurs déplacements.

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% CONFIGURATION SPATIALE ASPECTS PHYSIQUES HYBRIDE INDETERMINE ENTRAVE FACILITATEUR 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% FOND FORME HYBRIDE INDETERMINE ENTRAVE FACILITATEUR

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5.2.4. Limites

Cette étude a permis de mettre en évidence les ressources et facteurs de conversion impliqués dans la mobilité en intérieur. Les limites soulevées par ce mode de recueil sont relatives à l’insuffisance de l’intégration de l'activité des personnes. Par ailleurs, une autre limite est liée au fait que les observations ont été réalisées dans un seul hôpital, avec une configuration bâtie particulière.