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Résolution du problème inverse de conduction de la chaleur avec le code

4.2 Étude du problème inverse de conduction de la chaleur à l’intrados de la navette

4.2.2 Résolution du problème inverse de conduction de la chaleur avec le code

Cette partie traite de la résolution du problème inverse de conduction de la chaleur dans les tuiles HRSI de la navette Columbia à l’aide du code THIDES de l’ONERA. Le code volumes finis THIDES a été présenté dans la partie 3.5.1 (page 68). Pour rappel THIDES s’appuie sur une minimisation séquentielle d’un critère des moindres carrés couplée à la méthode des pas de temps futurs de Beck, telle que décrite dans la partie 3.3.1. Les calculs ont suivi un schéma de Crank-Nicolson afin d’assurer leur stabilité. La résolution du problème inverse de la navette Columbia a reposé sur la modélisation 1D de la tuile HRSI présentée par la figure4.7. La méthodologie de résolution du problème inverse de conduction de la chaleur et la justification de ses paramètres ne sont pas entièrement détaillées dans ce chapitre, car le but de ce dernier est de présenter et de tester la méthode globale présentée par la figure 4.1. La justification complète du choix du code THIDES, de la méthode de résolution du problème inverse et des hypothèses nécessaires est réalisée dans le chapitre 6 qui est spécifiquement dédié au problème inverse de conduction de la chaleur.

Pour commencer, les sous-parties à venir traitent des données manquantes qui ont été pointées à la fin de la présentation des estimations de la NASA.

Condition limite de la surface intérieure

La condition limite de la surface intérieure n’a pas été trouvée au cours de l’étude bibliogra-phique menée sur les missions STS et il a fallu la compléter. Le but des protections thermiques est d’empêcher que le fort échauffement à la surface extérieure n’atteigne les composants internes de la navette spatiale américaine. Dans ce cadre, l’objectif est de limiter au maximum les transferts de chaleur au niveau de la surface intérieure des tuiles HRSI. En s’appuyant sur ce raisonnement il a été supposé que la surface intérieure des tuiles, à savoir la surface de la couche d’aluminium 2219-T8XX en contact avec la structure interne, serait une surface adiabatique. Cette hypothèse a été vérifiée par deux moyens.

Le premier moyen a été l’emploi du nombre de Fourier pour caractériser la conduction de la chaleur dans la couche de LI-900 RSI au cours des 1478 s de rentrée atmosphérique. Bien que le nombre de Fourier soit généralement utilisé pour calculer de manière adimensionnée la pénétration

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Figure 4.7 – Modélisation 1D des transferts thermiques dans une tuile HRSI de la navette spatiale américaine

de la chaleur au sein d’une maille, ici ce nombre est utilisé pour calculer la pénétration de la cha-leur dans la couche entière de LI-900 RSI. Les 1478s s’étalent du début des mesures à 121,9 km d’altitude jusqu’à leur fin à une altitude inconnue mais où la navette était à Mach 4, soit la fin du régime hypersonique. L’étude porte ici uniquement sur la couche de LI-900 RSI car c’est elle qui joue principalement le rôle de protection thermique. Les autres couches ont un effet moindre car elles ont été prévues pour d’autres raisons. En étudiant uniquement la couche de LI-900 RSI, pour des conditions où sa diffusivité thermique est maximale (une température à 1533,3K et une pression à 101314,6P a), le nombre de Fourier est égal à 0,37. Ce nombre de Fourier ne permet pas de conclure car sa valeur n’est pas suffisamment inférieure à 1 pour pouvoir supposer clairement que les échanges de chaleur à sa limite inférieure soient négligeables. Par extension il n’est pas possible pour l’instant de considérer la surface inférieure d’une tuile HRSI comme une paroi adiabatique (aucun flux de chaleur transmis à la structure interne).

Le deuxième moyen pour vérifier la cohérence de l’hypothèse d’une paroi adiabatique a consisté à réaliser un calcul avec cette hypothèse et d’estimer la variation de la température au niveau de la paroi inférieure de la couche d’aluminium 2219-T8XX. Ce calcul a été réalisé avec les proprié-tés des matériaux variant en fonction de la température mais avec l’hypothèse d’une pression de 101314,6 P aafin de surestimer la diffusivité thermique du milieu. La condition initiale de ce calcul est celle présentée dans la sous-partie suivante, avec une température de 300K à 0s(courbe noire de la figure4.10). Dans ces conditions la température au niveau de la limite inférieure du domaine n’augmente au maximum que de 7 K par rapport à la température initiale de 300 K. Ce maxi-mum est atteint à la toute fin de l’estimation. À 1000 s, soit à la fin du palier du flux de chaleur convecto-diffusif, la température à la limite inférieure n’a augmenté que de 1K. Étant donné que du côté de la surface supérieure les variations de température sont supérieures à 1000K, il est bien cohérent de poser l’hypothèse que les échanges de chaleur à la surface inférieure sont négligeables par rapport aux échanges de chaleur à la surface supérieure. Dans ces conditions il est valable de poser l’hypothèse d’une paroi adiabatique au niveau de la surface inférieure.

Condition initiale

La condition initiale imposée par la NASA n’a pas été retrouvée au cours de l’étude biblio-graphique sur les missions STS et il a aussi fallu compléter ce manque. La question qui se cache derrière est celle des propriétés des matériaux. En effet, les propriétés des matériaux utilisés dans les tuiles HRSI dépendent de la température. Par conséquent, en fonction de la température imposée en condition initiale les propriétés ne sont pas rigoureusement les mêmes. Ce manque de données est d’autant plus problématique que les mesures de température ont commencé à 200s, soit à un moment où un gradient de température de plusieurs centaines de degrés était déjà présent dans les protections thermiques. Or avec les informations à disposition il n’est pas possible de connaître la distribution de température dans les tuiles HRSI à 200s.

Afin d’estimer les effets de la condition initiale sur l’ensemble de l’estimation, trois cas ont été étudiés. Le premier cas s’appuie sur une initialisation à 200 s de la rentrée avec l’hypothèse d’une température initiale uniforme de 300K. La température de 300 K a été choisie de manière arbitraire en s’appuyant sur la bibliographie menée sur l’atmosphère terrestre et les véhicules de rentrée atmosphérique. Ce cas sous-estime la température initiale dans la tuile à 200set induit une sous-estimation de la conductivité thermique des matériaux (voir annexeDpage259). Le deuxième cas s’appuie sur une initialisation à 200savec l’hypothèse d’une température uniforme dans toute la tuile HRSI égale à la température mesurée par le thermocouple à cet instant, soit 984K pour le thermocouple V09T9341A. Ce cas sous-estime la température initiale entre le thermocouple et la surface du revêtement RCG, et surestime la température initiale dans toutes les couches derrière le thermocouple. Les conditions de l’estimation assurent un nombre de Fourier égal à 0,5 dans la couche du revêtement RCG pour un pas de temps, par conséquent la sous-estimation de la tem-pérature dans cette couche n’a plus lieu dès 2 pas de temps environ. La partie importante de ce cas est la surestimation de la température initiale dans les autres couches, car elle entraîne une surestimation de la conductivité thermique dans ces dernières. Le troisième cas s’appuie sur une initialisation à 0s(121,9kmd’altitude) avec une température initiale uniforme à 300K. L’absence de mesures de température entre 0set 200 sest comblée en reprenant la variation de la tempéra-ture mesurée lors de la rentrée de l’IXV pour des altitudes similaires. Les mesures de températempéra-ture ont été adaptées pour être égales à 300K à 0s et à 984 K à 200 s. La figure 4.8 présente le complément de température entre 0 set 200 s.

Figure4.8 –Température mesurée par le thermocouple V09T9341A lors de la mission STS-2 et complétée entre 0set 200sà partir de données de vol de l’IXV

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Au final les deux premiers cas permettent d’encadrer les effets possibles de la condition initiale en sous-estimant et surestimant la température initiale. Le troisième cas est un cas intermédiaire dont le but est de recréer au mieux le gradient de température à 200 sdans les protections ther-miques.

En plus de l’incertitude sur la température initiale dans les couches des protections thermiques, il est nécessaire de prendre en compte les effets de la pression sur les propriétés thermiques. Comme le montrent les travaux de Williams [14] et l’annexe D (page 259), la conductivité thermique du matériau LI-900 RSI et de la couche SIP augmentent de manière monotone avec la pression. Afin de bien prendre en compte cette incertitude, les trois conditions initiales citées précédemment ont été testées avec les propriétés à la pression minimale étudiée (les propriétés mesurées par la NASA à 0P a et à 10,05P a sont les mêmes) et à la pression maximale étudiée (101314,6P a).

Les estimations réalisées pour ces 6 cas sont présentées dans les figures4.9et4.10. La discussion sur ces figures et sur la prise en compte des incertitudes de la condition initiale et de la pression constitue la partie suivante.

Estimation finale par THIDES

Les figures 4.9 et4.10 présentent les résultats obtenus pour les différentes conditions initiales et pressions. Ces résultats ont été obtenus à l’aide du code THIDES, avec un pas de temps de 0,15s et en appliquant la méthode de Beck sur deux pas de temps futurs (NF = 2). Entre 200s et 250s, les cas initialisés à 200 sà 300 K et 984 K présentent les écarts maximaux par rapport au cas de la NASA. Cela vient du fait que ces deux cas sont les conditions les plus écartées de la réalité. Pour ces deux cas la méthode de résolution compense en surestimant ou en sous-estimant particulièrement le flux de chaleur convecto-diffusif au cours des premiers pas de temps. Le cas intermédiaire, comme attendu, présente des variations moins importantes pendant cette période.

Pour la période d’échauffement maximal, comprise environ entre 300 s et 1200s, l’erreur relative des différents cas par rapport à l’estimation maximale de la NASA est comprise entre + 3,5% et - 3%. À titre de comparaison, l’expérience générale sur la résolution d’un problème inverse montre qu’une estimation a dans le meilleur des cas une incertitude de±10%. Cette précision est due aux incertitudes sur les propriétés thermiques, la précision de la mesure, les effets de la régularisation...

Par conséquent, les résultats des figures4.9et4.10permettent de conclure que la condition initiale et la pression ont un faible impact sur la résolution du problème inverse de la tuile HRSI. Pour aller plus loin, ces résultats montrent que les hypothèses posées et l’utilisation de l’outil THIDES permettent de bien reconstruire les estimations réalisées par la NASA pour la mission STS-2.