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1.2 Processus physico-chimiques dans la couche de choc

1.2.1 Description de la couche de choc

Lorsqu’un corps de rentrée de forme émoussée (navette, capsule, réservoir de lanceur...) pé-nètre à grande vitesse dans une atmosphère planétaire, un choc fort et détaché se forme en amont du corps (figure 1.2). La zone d’écoulement comprise entre le choc et la paroi du corps est ap-pelée la couche de choc. L’étude des couches de choc a fait l’objet de plusieurs ouvrages de réfé-rence comme celui de Bertin [15], d’Anderson [13] ou d’Hirschel [16], ainsi que diverses études ou thèses [17][18][19][20][21][22]. Ces documents sont utilisés ici pour décrire les mécanismes physico-chimiques rencontrés dans une couche de choc.

Figure 1.2 – Image strioscopique de la capsule Mercury, M = 3,28 et angle d’attaque = 2,4, d’après Compton et al. [23]. L’écoulement va de la gauche vers la droite. Le choc détaché de compression est bien visible en amont de la capsule. En aval se trouve le choc de queue qui entoure une zone de sillage (turbulente).

La fine couche de choc est générée en permanence par le brusque ralentissement et la forte com-pression de l’écoulement en amont du véhicule. Au cours de cette comcom-pression une part importante de l’énergie cinétique du véhicule est transmise aux particules sous la forme d’énergie interne. Cela se traduit par une hausse brutale de l’agitation des particules de l’écoulement. Une autre partie de l’énergie cinétique est dissipée par la viscosité de l’écoulement. Ces deux phénomènes participent à l’échauffement de l’écoulement. Par exemple, au cours de la rentrée atmosphérique depuis l’orbite basse terrestre d’une sphère de 1mde rayon, pour une vitesse de 5800m.s−1 à 65kmd’altitude, la température peut augmenter de plus de 10000Kà la traversée du choc. Dans la couche de choc qui fait alors environ 7cm d’épaisseur, la température redescend et se stabilise aux alentours de 6000 K. La température à la surface même de la sphère dépend des propriétés du matériau en surface.

La couche de choc est alors le siège d’intenses mécanismes physico-chimiques déjà cités

précédem-ment : les effets de gaz réels, aussi appelés effets de haute-température. La figure 1.3 montre la zone où les effets des gaz réels sont importants dans la couche de choc autour d’un corps émoussé.

Figure 1.3 – Zone fortement impactée par les effets de hautes températures dans un écoulement hyper-sonique autour d’un corps émoussé, d’après Anderson [13]

Les principaux effets de hautes températures appliqués à l’atmosphère terrestre, pour une pres-sion de 101325P a, sont les suivants. Cette liste de phénomènes est là pour introduire les notions qui seront expliquées par la suite. Pour le lecteur qui commence l’étude des effets des gaz réels il est normal de ne pas connaître tous les phénomènes évoqués dans cette liste, ils sont explicités dans les parties suivantes.

• Pour une température inférieure à 800 K, l’énergie interne des molécules est répartie sur les modes de translation et de rotation (la notion de mode d’énergie est expliquée dans la partie1.2.2). L’air est considéré comme gaz idéal, ce qui suppose :

— un gaz thermiquement parfait : son état est caractérisé par la loi des gaz parfaits P =ρrT, avec P la pression,ρ la masse volumique, r la constante universelle des gaz parfaits divisée par la masse molaire du gaz considéré etT la température ;

— un gaz calorifiquement parfait : sa capacité thermique (Cpou Cv) et son coefficient de Laplace (γL) sont constants. L’approximationγL= 1,4 est souvent posée ;

— un gaz à l’équilibre chimique (composition volumique connue et stable : 78%de diazote N2, 21 % de dioxygène O2 et 1% de divers gaz pour l’air). Les réactions chimiques peuvent alors être considérées infiniment rapides.

• À partir de 800 K l’augmentation du nombre de collisions entre molécules et de leur intensité modifient les propriétés du gaz. L’excitation vibrationnelle des molécules, explicitée dans la partie1.2.2, devient de plus en plus importante. Dans ces conditions le gaz ne peut plus être considéré comme idéal, car il n’est plus calorifiquement parfait : sa capacité thermique (Cp ou Cv) dépend de la température et l’approximation γL = 1,4 n’est plus valable. Les hypothèses d’un gaz thermiquement parfait et non réactif sont toujours acceptables.

• À partir de 2500 K, l’agitation moléculaire est tellement forte que le dioxygène com-mence à se dissocier en atomes d’oxygène (O2→2O). En même des molécules de monoxyde

1.2. Processus physico-chimiques dans la couche de choc 17 d’azoteN Ocommencent à se former. L’écoulement est alors considéré comme réactif, la com-position de l’air n’est plus connue et demande une approche plus poussée (voir partie1.2.3).

L’approximation d’un gaz thermiquement parfait n’est plus applicable au mélange gazeux, la loi des gaz parfaits doit être appliquée de manière indépendante à chaque espèce chimique.

• À partir de 4000 K, le dioxygène est totalement dissocié, il n’y a plus que de l’oxygène ato-mique. C’est aussi à cette température que débute la dissociation du diazote (N2→2N), qui sera totale lorsque la température aura atteint 9000 K. Les molécules de monoxyde d’azoteN O commencent à s’ioniser en N O+ et libèrent des électrons libres. Ces électrons sont responsables du phénomène de black-out en absorbant les ondes électromagnétiques des communications radios. Ce phénomène à l’avant du véhicule empêche une communication di-recte de ce dernier vers les stations au sol. Par exemple la navette spatiale américaine envoyait ses données vers l’arrière, à un satellite relais, afin de garantir la qualité des communications tout au long de sa rentrée. À part l’effet de black-out, la ionisation du monoxyde d’azoteN O a un faible impact sur la composition de l’écoulement et les échanges thermiques.

• Au-delà de 9000 K, l’énergie collisionnelle est suffisante pour que l’ionisation de l’azote et de l’oxygène commencent :N →N++e etO →O++e.

Figure 1.4 – Caractérisation thermochimique d’un écoulement d’air autour d’une sphère de 30,5 cm de rayon, d’après Hansen et Heims [24] et adapté par Bertin [15]

La figure1.4montre que l’excitation par translation, par rotation, par vibration et électronique, ainsi que les réactions chimiques de dissociation et de recombinaison, sont à prendre en compte pour la simulation du comportement de l’écoulement lors d’une rentrée atmosphérique depuis l’orbite basse terrestre. La précision des résultats dépendra des modèles utilisés.