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5.3 Composite à matrice céramique C/SiC

5.3.2 Oxydations passive et active du C/SiC

Comme déjà introduit au cours de la partie 1.3.2 de l’état de l’art, les matériaux à matrice céramique avec une base de SiC peuvent s’oxyder suivant deux mécanismes [7][41]. Le premier mécanisme est une oxydation passive qui engendre une consommation duSiC négligeable, avec la formation d’une couche solide protectrice deSiO2 (épaisseur comprise entre quelques ångströms et quelques microns). Le deuxième mécanisme est une oxydation active qui engendre une importante consommation du SiC pour la formation de SiO sous forme gazeuse, ce qui entraîne la destruc-tion de la protecdestruc-tion thermique en C/SiC. L’IXV a commencé sa rentrée atmosphérique avec des conditions favorables à une oxydation passive et il est important de savoir si la transition vers une oxydation active a eu lieu ou non, car si l’oxydation était bien restée passive alors le C/SiC des

protections thermiques de l’intrados et des gouvernes peut être considéré comme non ablatif pour toute l’étude (épaisseur constante tout au long de la rentrée).

Les études sur la transition entre l’oxydation passive et l’oxydation active du SepcarbInoxR L6 et du KeramanR ont été menées conjointement [7] par le laboratoire PROMES-CNRS équipé du MESOX (Moyen d’Essai Solaire d’OXydation) et le VKI équipé du Plasmatron. Ces travaux ont permis d’estimer une loi pour la transition entre les deux mécanismes d’oxydation qui dépend de la température de la paroi et de la pression partielle initiale deO2de l’écoulement (avant les réactions chimiques de dissociation et de recombinaison). Il a notamment été montré que le SepcarbInoxR L6 et le KeramanR ont le même comportement face à l’oxydation, d’où une unique loi de transition pour ces deux matériaux :

PO2 = 1015exp(−56000/T) (5.1) Avec PO2 la pression partielle en O2 et T la température. Cette loi a été appliquée au point d’arrêt de l’IXV afin de déterminer si la transition a eu lieu ou non au cours du vol. Le point d’arrêt est la zone de pression maximale à la surface d’un véhicule de rentrée et où le choc hy-personique est normal à la direction de l’écoulement. Pour une géométrie comme celle de l’IXV, le point d’arrêt fait partie des zones les plus chaudes et est situé au niveau du nez. La zone du point d’arrêt de l’IXV est présentée sur la figure5.5. L’intérêt de travailler dans cette zone repose sur deux points : premièrement les conditions aérothermodynamiques de l’écoulement relatives à cette zone permettent de poser plusieurs hypothèses simplificatrices et d’y estimer rapidement le comportement de l’écoulement, deuxièmement les hautes températures atteintes dans cette zone en font une zone particulièrement sensible à la transition vers l’oxydation active. Par conséquent la zone du point d’arrêt constitue un bon cadre de travail pour l’estimation de la transition entre les deux mécanismes de l’oxydation.

La pression partielle deO2au point d’arrêt a été remplacée par le produit de la pression totale au point d’arrêtPparoiet de la fraction massiqueXO2deO2 à l’infini amont. Comme l’équation (5.1) s’appuie sur la pression partielle avant les réactions chimiques, le produit XO2Pparoi permet de reproduire un jet d’air à la pression de la paroi et avec la même proportion de O2 qu’avant les réactions chimiques. L’estimation de la transition entre l’oxydation passive et l’oxydation active est présentée par les figures5.18 et5.19.

Les courbes bleues des figures 5.18 et5.19représentent l’évolution de la température du point d’arrêt de l’IXV au cours de sa rentrée atmosphérique et les courbes rouges représentent la tran-sition entre l’oxydation passive et l’oxydation active. Afin de pouvoir discuter de la capacité de ce résultat à justifier l’état de l’oxydation, la méthodologie de l’estimation est présentée :

1. Récupération de la trajectoire de l’IXV au cours de sa rentrée atmosphérique à partir des travaux de Lambert et al. [102] et Fumo et al. [103] : altitude et vitesse de l’IXV en fonction du temps.

2. Reconstruction des conditions atmosphériques à l’infini amont de l’IXV à partir de la table d’atmosphère NRLMSISE-00 [44] avec les paramètres suivants : date = 11 février 2015 14h, latitude = 0, longitude = 220, F10,7 = 150 et ap = 4. La table NRLMSIS-00 était le

mo-5.3. Composite à matrice céramique C/SiC 107

Figure5.18 – Comparaison entre la transition de l’oxydation passive/active [7] et les conditions de ren-trée atmosphérique de l’IXV, en fonction du produit de la pression à la paroi avec la fraction molaire de O2 à l’infini amont et de la température au point d’arrêt

Figure 5.19 – Comparaison entre la transition de l’oxydation passive/active [7] et la rentrée atmosphé-rique de l’IXV, exprimée en fonction du flux de cha-leur convecto-diffusif au point d’arrêt au cours du temps

dèle d’atmopshère de référence tout au long de la mission de l’IXV [102]. La reconstruction des conditions atmosphériques présentée ici n’est pas la reconstruction complète qui a été effectuée après le vol par Thales Alenia Space Italie. Cette dernière s’appuyait sur une para-métrisation plus spécifique à l’IXV (latitude et longitude variant en fonction du point de vol, les coefficients F10,7 et ap caractérisant les effets de l’activité solaire renseignés pour le jour du vol...) et sur l’utilisation de modèles complémentaires.

3. Une fois les conditions à l’infini amont estimées, la pression au point d’arrêt Ppoint d0arrˆet a été estimée à l’aide des formules de Rankine-Hugoniot [13], avec l’hypothèse d’un gaz parfait équivalent (γ = 1,4 avant le choc, γ = 1,2 après le choc) en régime hypersonique fort :

Ppoint d0arrˆet=P+ 1

2CpMρV2 avec CpM = 1,909 (5.2) AvecVla vitesse de l’écoulement à l’infini amont, ρla masse volumique de l’écoulement à l’infini amont,Pla pression de l’écoulement à l’infini amont etCpM le coefficient de pression maximal.

4. Le flux de chaleur convecto-diffusif au point d’arrêt a été estimé à l’aide de la corrélation de Detra [115][15] :

qconvecto−dif f usif = 1,103×108 une orbite circulaire (V0 = 7950m.s−1). La corrélation de Detra permet d’estimer le flux de chaleur convecto-diffusif pour un cas totalement catalytique, par conséquent elle donne une surestimation du flux de chaleur.

5. La température de la paroi est estimée en supposant son équilibre radiatif (|qconvecto−dif f usif |=

|qradiatif |). Par conséquent l’équation (2.54) de Stefan-Boltzmann pour le flux de chaleur ra-diatif permet de poser : AvecTs la température de surface de la paroi, εl’émissivité de la paroi etσ la constante de Stefan-Boltzmann. Afin d’être dans un cas qui accroît le risque de la transition vers l’oxy-dation active, l’émissivité a été supposée égale à 0,8. Cette valeur est une sous-estimation de l’émissivité par rapport aux valeurs qui sont censées être atteintes pour les températures estimées (voir le modèle d’émissivité duC/SiC issu des travaux de Panerai et al. [116] dans la partie 5.3.3). Cette sous-estimation de l’émissivité augmente la température de la paroi pour une même pression à la paroi.

L’estimation a été réalisée avec l’hypothèse d’une paroi totalement catalytique alors que le C/SiC est un matériau faiblement catalytique, ce qui implique une multiplication approximative-ment par deux du flux de chaleur estimé. De plus la faible valeur supposée de l’émissivité permet de surestimer d’avantage la température de la paroi sans toucher à la pression à la paroi. Suite à ces deux hypothèses conservatives, l’estimation de la température est supposée être supérieure à la température maximale réelle de l’intrados de l’IXV pour une pression donnée. Mais cette suresti-mation de la température doit surtout être lue comme une sous-estisuresti-mation de la marge globale de l’IXV par rapport à la température de transition entre l’oxydation passive et l’oxydation active.

Dans ces conditions, la marge minimale avant l’oxydation active est de 186K, pour le point de vol à 4560s.

Avant de conclure, il reste une incertitude à prendre en compte. Les conditions à l’infini amont ont été modélisées à l’aide de la table NRLMSISE-00 mais cette dernière n’est pas une repré-sentation exacte de l’atmosphère au cours de la mission de l’IXV. Pour prendre en compte cette incertitude, la même estimation de température a été réalisée avec une densité égale à 120% et à 80% de la densité initiale (avec une température constante, d’où une variation de la densité répercutée sur la pression d’après la loi des gaz parfaits). Cette marge de ± 20 % a été établie suite à une étude bibliographique menée sur le modèle d’atmospshère NRLMSISE-00 [43][44]. Une sous-estimation de 20%de la densité induit une augmentation de la marge minimale à 268K, due à la baisse de la température de la paroi. Une surestimation de 20%de la densité induit par contre une diminution de la marge due à la hausse de la température de la paroi. Malgré la surestimation de la densité, l’oxydation reste passive tout au long de la rentrée et la marge minimale est de 115 K,

5.3. Composite à matrice céramique C/SiC 109 toujours atteinte au point de vol de 4560s.

Tous les éléments présentés au cours de cette partie permettent de montrer que même dans des conditions de vol qui favorisent une transition de l’oxydation passive vers l’oxydation active, l’oxy-dation du C/SiC de l’intrados de l’IXV reste sur un mécanisme passif. Ce constat est confirmé par les études de Panerai et al. [42] et d’Herdrich et al. [41], qui montrent que la transition de l’oxydation passive à l’oxydation active est marquée par une augmentation de la température com-prise entre 200K et 400 K en une vingtaine de secondes (augmentation à nuancer en fonction des conditions). Cette augmentation s’explique par le fait que l’oxydation active est une réaction chimique exothermique. Cependant aucun thermocouple de l’intrados de l’IXV n’a enregistré une telle augmentation au cours de la rentrée atmosphérique.

Cette étude de l’oxydation permet de poser l’hypothèse que le C/SiC ne s’est pas ablaté au cours de la rentrée, d’où une épaisseur constante tout au long de la rentrée.