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— Si τch τec, le temps d’advection est tellement court que les réactions chimiques n’ont pas le temps de se développer à l’intérieur de l’écoulement. La composition du gaz juste en aval du choc reste la même que celle juste en amont. L’écoulement est chimiquement figé.

— Si τch τec, dès le passage du choc, l’écoulement tend vers l’équilibre : la composition chimique du gaz s’adapte aux conditions locales de pression et de température sur un temps très court et une distance très faible. En chaque point de l’écoulement, l’équilibre chimique est atteint.

— Si τch ∼ τec , l’écoulement est en déséquilibre chimique. La composition chimique du gaz évolue avec les conditions de l’écoulement. La relaxation vers l’équilibre prend suffisamment de temps et d’espace pour que la composition ne puisse pas être connue en tout point de l’écoulement. Lors des rentrées atmosphériques depuis l’orbite basse terrestre, comme celles de la navette spatiale américaine, l’écoulement est en déséquilibre chimique.

1.3 Interactions gaz-paroi pour un véhicule réutilisable

Les présents travaux se déroulent dans le contexte d’une rentrée atmosphérique d’un véhicule réutilisable, et plus précisément dont les protections thermiques sont réutilisables. Dans ce cadre là, l’état de l’art est concentré sur les interactions gaz-paroi pour des protections thermiques non ablatives.

1.3.1 Mécanismes catalytiques pour la recombinaison

Au cours d’une rentrée atmosphérique depuis l’orbite basse terrestre, les molécules comprises dans la couche de choc se dissocient en grande partie. Les espèces atomiques qui découlent des réactions de dissociation peuvent alors se recombiner dans la couche de choc ou à la surface des protections thermiques du véhicule de rentrée. Un matériau peut avoir différents comportements lorsque des atomes arrivent à sa surface. Quand le matériau n’a aucun impact chimique sur les atomes (pas de réaction de recombinaison) le matériau est dit « non catalytique ». A l’opposé, si le matériau favorise toutes les réactions de recombinaison possibles lorsque des atomes arrivent à son contact, le matériau est dit « totalement catalytique ». Comme son nom l’indique, le matériau joue alors le rôle de catalyseur. Dans les faits, aucun matériau n’est totalement catalytique ni non catalytique, chaque matériau peut avoir un effet catalyseur plus ou moins important. De manière plus générale, la capacité d’un matériau à forcer ou non la recombinaison des atomes à son contact s’appelle la catalycité.

Les réactions chimiques de recombinaison sont exothermiques et elles peuvent céder une part de leur énergie aux protections thermiques lorsqu’elles ont lieu à la paroi. De cette manière ces processus chimiques contribuent à l’augmentation de la température pariétale du véhicule. Pour une rentrée atmosphérique, le flux de chaleur à la paroi avec l’hypothèse d’une paroi totalement catalytique peut être égal à deux voire trois fois la valeur du flux de chaleur avec l’hypothèse d’une paroi non catalytique. Ce phénomène est montré par la figure1.6issue de la thèse d’Eldem [28].

La catalycité a été l’objet de nombreuses études, à commencer par Goulard en 1958 [29]. La littérature sur ce sujet est riche, avec par exemple des études basées sur des expériences en soufflerie à la NASA [30][31], dans les laboratoires français, belges et russes [32], au PROMES-CNRS [33] et au VKI [34]. D’autres auteurs ont analysé les données recueillies au cours de rentrées atmosphériques

Figure 1.6 – Flux de chaleur incident au point d’arrêt pendant la rentrée atmosphérique de la navette spatiale américaine Columbia (mission STS-2), d’après Eldem [28]

telles que celles des missions STS de la NASA [35][36] ou la rentrée de l’IXV de l’Agence Spatiale Européenne [37][38]. Dans le domaine des rentrées atmosphériques, l’objectif étant de réduire au maximum les échauffements pariétaux, les matériaux peu catalytiques sont privilégiés. Pour la conception des protections thermiques réutilisables, les acteurs du spatial se sont tournés vers des composites à matrice céramique à base de carboneC, de siliceSiO2 ou de carbure de silicium SiC pour avoir une faible catalycité à la surface [39][36][37].

Mécanismes basiques de la catalycité

Les réactions catalytiques entre les espèces atomiques de l’écoulement et la surface du véhicule de rentrée englobent quatre mécanismes fondamentaux [40][25] : l’adsorption, la recombinaison suivant deux mécanismes et la désorption.

• L’adsorption des atomes :

A + (S) → (A−S) (1.8)

Après dissociation d’une moléculeA2, un atome gazeuxApercute la surface et interagit avec elle : des liaisons chimiques insaturées de la surface forment des sites libres (notés(S)) où les atomes incidents peuvent être capturés et devenir ainsi des « adatomes ».

• Le mécanisme de recombinaison d’Eley-Rideal (E-R) :

(A−S) + B → AB + (S) (1.9)

La recombinaison E-R se produit lorsqu’un atome gazeuxB et un adatome (A−S) se per-cutent, formant ainsi une molécule AB tout en rompant la liaison entre l’adatome et la surface. La molécule recombinéeAB est alors désorbée.

1.3. Interactions gaz-paroi pour un véhicule réutilisable 23

• Le mécanisme de recombinaison de Langmuir-Hilsenwood (L-H) :

(A−S) + (B−S) → AB + 2(S) (1.10) La recombinaison L-H est possible quand un adatome(A−S)peut migrer le long de la paroi de site en site dans le but d’atteindre un second adatome(B−S) pour former une molécule AB.

• La désorption des atomes :

(A−S) → A + (S) (1.11)

Ce mécanisme a lieu à des températures plus élevées que pour les trois mécanismes précédents.

Lorsque les adatomes ont suffisamment d’énergie, ils peuvent casser leur liaison chimique avec la surface pour finalement la quitter.

Processus énergétiques

Comme expliqué dans la partie précédente, les adatomes peuvent être recombinés selon les mécanismes d’Eley-Rideal ou de Langmuir-Hilsenwood. Dans la recombinaison L-H, l’un des deux atomes impliqués peut migrer depuis son site au site voisin, il a donc suffisamment d’énergie pour outre-passer la barrière d’énergie nécessaire à cette migration. Cela n’est pas le cas pour la recom-binaison E-R où l’adatome est bloqué dans son site. Pour cette raison l’énergie d’activation de la recombinaison L-H est considérée supérieure à celle de la recombinaison E-R. Cette observation per-met de supposer que le processus L-H est généré pour des températures pariétales plus élevées que pour le processus E-R. De même, la désorption est due à une trop forte température pariétale pour permettre à l’atome d’y « rester ». Par conséquent, une probable succession de mécanismes peut être établie avec l’élévation de la température de la paroi : adsorption→E-R→L-R→désorption.

1.3.2 Oxydation des composites à matrice céramique avec une base de SiC Cette partie est spécifique aux composites à matrice céramique avec une base de SiC, comme cela a été le cas pour les protections thermiques de l’IXV avec du C/SiC. Les composites avec une matrice à base de SiC sont souvent utilisés à la surface des protections thermiques pour les véhicules réutilisables de rentrée depuis l’orbite basse terrestre. Comme le véhicule doit être réuti-lisable il ne faut pas que les protections thermiques s’ablatent. Cette problématique est abordée ici à travers le prisme de l’oxydation duSiC. En fonction de la pression partielle deO2 et de la tem-pérature, l’oxydation peut se dérouler soit de manière passive (non ablative) soit de manière active (ablative). La transition entre ces deux types d’oxydation a déjà été étudiée par plusieurs auteurs comme Herdrich et al. [41] pour les matériaux composites à base de SiC avec une application à la mission EXPERT, ou Balat-Pichelin et al. [7] et Panerai et al. [42] pour le C/SiC pendant la préparation de la mission IXV.

L’oxydation passive, qui se déroule souvent à basse température et à une haute pression partielle de O2 se caractérise par la formation d’une fine couche solide de SiO2 à la surface. Cette même couche ralentit l’oxydation (il n’y a plus de contact entre le O2 et le SiC) et protège la surface.

L’oxydation passive se déroule suivant deux réactions chimiques :

SiC(s)+ 2O2(g)=SiO2(s)+CO2(g) (1.12) SiC(s)+ 3O(g)=SiO2(s)+CO(g) (1.13) L’oxydation active se déroule plutôt dans des conditions combinant une haute température et une faible pression partielle deO2, comme celles rencontrées à haute altitude au début des rentrées atmosphériques. Cette oxydation entraine la production deSiOsous forme gazeuse, ce qui implique une importante perte de masse.

SiC(s)+O2(g)=SiO(g)+CO(g) (1.14)

La transition entre l’oxydation passive et l’oxydation active dépend de la pression partielle de O2, de la température et des propriétés du matériau. L’étude de cette transition est importante parce qu’il est nécessaire de limiter au maximum l’oxydation active. Premièrement l’oxydation active s’accompagne d’une importante perte de masse et par conséquent d’une diminution des pro-tections thermiques. Deuxièmement, l’oxydation est une réaction exothermique, ce qui implique une augmentation de la température des protections thermiques. L’oxydation passive a quant à elle un effet plus limité, car la couche de SiO2 solide qu’elle génère agit comme une couche de protection : elle entrave fortement la diffusion massique duO2 vers le SiC de la paroi et empêche la propagation de l’oxydation.

1.3.3 Transferts radiatifs entre la paroi et l’environnement extérieur

Toutes les valeurs données dans cette partie viennent de l’ouvrage d’Hirschel [16]. Au cours des rentrées atmosphériques il y a des échanges radiatifs entre l’environnement extérieur et la paroi du corps de rentrée. L’intensité de ces échanges radiatifs dépendent principalement de la température du milieu depuis lequel ils sont émis : plus le milieu sera chaud et plus il émettra un flux de chaleur radiatif important. Le flux de chaleur radiatif émis par la paroi vers l’environnement extérieur joue un rôle primordial lors d’une rentrée atmosphérique : c’est l’un des principaux moyens de refroidissement du corps de rentrée. Pour cette raison le flux de chaleur radiatif de la paroi vers l’environnement extérieur doit être modélisé. En ce qui concerne le flux de chaleur radiatif émis ou réfléchi par l’environnement extérieur (couche de choc, atmosphère, surface de la planète, Soleil, nuages...) vers la paroi, la situation est plus complexe. La nécessité de modéliser ces transferts de chaleur radiatifs dépend de leur importance par rapport aux autres sources de transferts de chaleur issues des phénomènes physico-chimiques et des réactions chimiques à la paroi décrites précédemment. Pour la rentrée atmosphérique depuis l’orbite basse terrestre d’un objet de quelques mètres (une capsule de type Apollo, une navette de la taille d’une voiture, une sphère d’un mètre de rayon...), caractérisée par une vitesse inférieure à 8000 m.s−1à 100 kmd’altitude, le flux de chaleur radiatif émis par l’environnement extérieur vers la paroi représente environ quelques pourcents des transferts de chaleur incidents. Dans ce cas là, les transferts radiatifs vers la paroi peuvent être considérés comme négligeables par rapport aux autres sources de chaleur. Cependant pour les rentrées atmosphériques terrestres plus rapides, les échauffements radiatifs ne sont plus négligeables.

Par exemple pendant le programme Apollo, lors de la rentrée atmosphérique des capsules depuis une trajectoire circumlunaire (11000m.s−1 à 52kmd’altitude), le réchauffement par rayonnement a représenté près de 30% de l’échauffement total.