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Chapitre V – Le traitement et le devenir des morts

2.3. Structuration et gestion de l’espace sépulcral

2.3.3. Répartition et disposition des corps

60,4% 2 1 36,4% P2 12 13 28 29 4 3 5 3 M1 8 17 24 23 4 3 5 8 M2 10 10 22 30 3 5 4 1 M3 7 12 18 14 1 1 2 5 Total 95 111 100% 311 312 100% 22 26 100% 49 50 100%

Tableau 22. Hypogée II du Mont-Aimé : dénombrement (NMI) des vestiges dentaires et taux de représentation des dents

antérieures et postérieures dans les différentes parties de la chambre funéraire (G : côté gauche ; D : côté droit ; dents antérieures : bloc incisivo-canin ; dents postérieures : prémolaires et molaires).

2.3.3. Répartition et disposition des corps

Le fait que les ossements d’un même individu soient dispersés entre les deux salles de l’hypogée a une incidence sur la compréhension de l’organisation de la tombe, en particulier sur la répartition des individus. Dans l’ultime configuration des dépôts, c’est-à-dire telle que la fouille la révélée, la première salle rassemblait deux fois plus d’individus que la salle du fond. L’accès à chacune d’elle ne repose pas sur des critères d’âge ou de sexe, hommes, femmes et enfants d’âges au décès variés étant représentés dans les différentes parties de la tombe, mais on peut se demander s’il en a toujours été ainsi. La salle antérieure était ainsi occupée par les restes d’au moins 42 individus, répartis en 10 enfants et 32 individus de taille adulte (adolescents et adultes, dont 8 hommes et 4 femmes). La salle du fond rassemblait, quant à elle, les ossements de 21 individus au minimum, se déclinant en 6 enfants et 15 adultes des deux sexes (2 hommes et 2 femmes), dont le nombre initial a été augmenté, on l’a vu, par des ossements disloqués provenant de la première salle. Le nombre de corps effectivement déposés dans cette partie de l’hypogée peut être déduit de la différence entre les NMI de fréquence estimés à partir des os et des dents, qui indiquent 15 et 8 individus respectivement, soit moins de dix individus (il s’agit d’individus de taille adulte, cf. supra § 2.3.2.). La répartition des individus ne répond donc pas à des nécessités pratiques, sinon pourquoi entasser les corps dans la première salle alors que l’autre partie de la chambre n’est pas saturée. Cette gestion particulière de l’espace sépulcral reflète peut-être la volonté de distinguer deux groupes de défunts réunis dans la même tombe, mais séparés.

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La position originelle des corps ne peut être restituée car les squelettes sont complètement disloqués et leurs ossements épars. Cette question peut toutefois être abordée, du moins en partie, par l’analyse de la répartition spatiale des restes humains, notamment la distribution des os des extrémités qui, exprimée par le rapport entre le nombre de restes de la main et du pied, peut retrouver une orientation préférentielle des dépôts (Chambon, 2003 : 45). Au Mont-Aimé II, une telle approche ne révèle pas de sectorisation particulière de l’espace : le nombre d’os de la main et du pied occupant chaque quart de m2 est en effet équivalent, sinon

proche, dans la plupart des cas, tandis que presque partout ailleurs le résultat du quotient révèle une prédominance d’éléments du squelette du pied (Fig. 51). Cette situation peut correspondre à des corps déposés dans des positions et selon des orientations variées ou, si elles ont été stéréotypées, à des dépôts désorganisés ou encore à des positions particulières rendant le rapport peu opérant (corps recroquevillés, assis…).

Par ailleurs, de nombreux assemblages par symétrie (45,2 %) révèlent sinon l’absence de mouvement, du moins des déplacements de faible amplitude (1 m ≤), compatibles avec la position originelle de certains corps. En témoigneraient également les relations de proximité existantes entre éléments crâniens et/ou les deux premières vertèbres cervicales, dont on recense une dizaine d’associations réparties dans toute la chambre funéraire (Fig. 44). Ainsi, dans la salle du fond, au débouché du seuil et le long des parois occidentale et orientale, la répartition spatiale des ossements met en évidence soit la présence du binôme atlas/axis (carrés A8, B8, C8-9), soit celle d’une mandibule, d’un atlas et d’un axis (C-D 8) et, dans un cas, un bloc craniofacial, une mandibule et un axis (carré B8). À l’intérieur de la première salle, des groupements similaires apparaissent, notamment dans le carré B6, contre le pilier latéral séparant la chambre en deux parties, et dans le carré C4 (Fig. 44). Bien qu’anatomiquement compatibles, la validité des groupements observés reste toutefois hypothétique, dans la mesure où elle repose sur des relations de contiguïté articulaire (temporo-mandibulaire, atlanto-occipitale et atlanto-odontoïdienne) qui sont délicates à reconnaître sur la seule base de critères ostéologiques (Villena Mota et al., 1996). En supposant leur validité, les associations décrites témoigneraient que, dans la première salle, les corps déposés du côté gauche l’ont été avec la tête placée dans la moitié nord (carrés B5 et B6), contre ou à proximité du pilier latéral pour certains d’entre eux – comme cela a pu être observé dans l’hypogée II des Mournouards –, mais pas (ou peu) dans la moitié sud (carrés B3 et B4). En revanche, dans la partie opposée, où les éléments crâniens et les deux premières vertèbres cervicales sont surtout présents dans les carrés C4 et C5, les dépôts ont pu être orientés différemment, avec la tête proche de l’entrée pour certains. Du moins, les dépouilles étaient-elles décalées vers l’entrée par rapport à celles installées le long de la paroi occidentale. Enfin, dans la salle du fond, quelques corps semblent avoir été déposés avec la tête reposant à proximité des parois (Fig. 44).

En définitive, si la position originelle des corps ne peut être restituée, on dira que dans la perspective d’une utilisation prolongée de la tombe, la morphologie toute en longueur de la première salle semble plus adaptée à des corps allongés dans l’axe du monument, le long des parois, mais le gain d’espace était tout autant assurée par des corps fléchis sur le côté ou adossés aux parois, à l’instar des inhumations pratiquées dans l’hypogée des Gouttes-d’Or à Loisy-en-Brie. Dans la salle du fond, les corps ont pu être déposés autrement, diverses possibilités s’offrant aux « inhumants ».

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Figure 51. Hypogée II du Mont-Aimé : rapport entre le nombre de restes de la main et du pied.

Répartition établie par quart de m2.